Grévistes en colère à l’entrepôt Amazon de Brétigny pour le Black Friday
À Brétigny-sur-Orge, une quinzaine de salariés Amazon se sont regroupés sous une tente syndicale face à l’immense local de l’entreprise, qui emploie 4.000 personnes. Amazon France a indiqué que le salaire horaire d’entrée à Brétigny-sur-Orge atteint 13 euros brut/heure, tandis que la rémunération des agents logistiques s’élève à plus de 2.350 euros bruts par mois après 24 mois en CDI.
À Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne,
« Nous sommes peu nombreux quand même ». Sandrine* prend conscience de la situation. Sa camarade de lutte à ses côtés semble ignorer ses paroles, la pluie qui tombe suffisant à plomber le moral des manifestants. Le combat est déjà déséquilibré sans que la météo ne s’en mêle, ce vendredi matin… Sous une petite tente syndicale, une quinzaine de salariés d’Amazon, accompagnés de quelques soutiens, se regroupent pour exprimer leur désaccord.

Pour illustrer la lutte déséquilibrée, le frêle chapiteau se dresse face à l’immense entrepôt Amazon de Brétigny-sur-Orge, un site emblématique de Jeff Bezos, le plus grand du groupe en France. Avec 70.000 mètres carrés, équivalents à 10 terrains de football, et 50.000 colis traités chaque jour, 24 heures sur 24, l’activité frénétique est forte. Le ballet des camions souligne l’échec de la grève envisagée. Bien que symbolique, vouloir paralyser le site durant le Black Friday est un défi trop ambitieux, surtout avec seulement 15 personnes face à 4.000 employés.
Un objet à ranger toutes les trois secondes
Pour éloigner le désespoir, les manifestants se remémorent les raisons de leur mécontentement. « Amazon se fait des milliards de bénéfices sur notre travail, pourquoi ne pourrait-il pas augmenter les salaires ou améliorer nos conditions de travail ? », s’interroge Patrice Luc, représentant de Solidaires. Il critique un salaire moyen de 1.500 euros par mois. Lors des dernières négociations annuelles, une augmentation de 0,22 centime brut mensuel a été décidée, ce qui amuse Sandrine.

Les conditions de travail semblent donc se détériorer, selon Rita, également syndiquée à Solidaires. « Je suis ici depuis six ans et cela ne fait qu’empirer. Tout se renforce », constate-t-elle. Les cadences sont également dénoncées. Un objet à trier toutes les trois secondes, pendant 8 heures 30 au secteur de stockage. Les employés doivent traiter 200 colis par heure à l’emballage, avec des journées de 13 heures lors des week-ends. Une seule pause de 30 minutes est autorisée pendant la semaine, très surveillée. « J’ai reçu un avertissement pour un retard de deux minutes après ma pause déjeuner », se rappelle Bruce, en dehors avec les autres salariés.
« Ils viennent nous chercher jusque dans les toilettes »
D’après les témoignages, les sanctions sont aussi fréquentes que la pluie du jour. « On m’a appelée en dehors de mes heures de travail pour me reprocher d’avoir été trop longtemps aux toilettes deux jours plus tôt », explique Sandrine*. Ce type de situation est courant, assure Joseph Mukoko, délégué syndical SUD Amazon : « Certains managers viennent nous chercher jusque dans les toilettes s’ils estiment que nous y restons trop longtemps. »
Contacté par 20 Minutes, Amazon France se dit « fier d’offrir à (ses) salariés un cadre de travail agréable » et rappelle que le salaire horaire d’entrée à Brétigny-sur-Orge est de 13 euros brut/heure (contre 11,88 euros pour le Smic). « La rémunération de nos agents logistiques atteint plus de 2.350 euros bruts par mois, après 24 mois en CDI chez Amazon, incluant un treizième mois », ajoute l’entreprise.
« Encore faut-il y parvenir », ironise Joseph Mukoko, en précisant qu’il n’a jamais vu un salarié atteindre la retraite ici. Tendinites, genoux qui flanchent, dos courbé, lumbago… « Rien n’est fait pour faciliter notre travail, déjà répétitif et physique. Les objets sont mal disposés, ce qui engendre des mouvements multiples pour les ramasser, les trier et les ranger », déplore Patrice. « La plupart des employés ne restent pas plus de six mois. Faire un an ici, c’est déjà une réussite », ajoute Enzo.
L’indifférence des clients
Cet incessant turn-over n’aide pas vraiment la lutte pour améliorer les conditions, poursuit Rita. Moins il y a de salariés qui demeurent, moins ils se syndicalisent. Ce qui la préoccupe le plus en ce vendredi glacial, c’est moins le nombre de personnes présentes que l’absence d’autres syndicats à soutenir les grévistes, seul Solidaires étant présent. « Les autres syndicats, ils mangent à la même table que la direction et les managers à la cantine. Ils ne sont plus avec les travailleurs. » Dans les rangs, la peur est palpable. Deux salariés ayant participé à une précédente manifestation le 10 septembre auraient été licenciés sur de prétendus motifs fallacieux, selon les dires des manifestants, invoquant des absences injustifiées à des dates antérieures au début de leur contrat.

À 14 heures, le groupe commence à ranger. « La lutte continuera », crie Joseph Mukoko en dernier appel. Mais qui les défendra ? Pas le client. « La réputation d’Amazon sur ses conditions de travail est déjà établie », ironise Enzo. « Mais quand le consommateur se rend sur le site pour Noël, il pense davantage au prix qu’à nous. » Pas plus qu’Amazon : « Ils peuvent nous traiter comme ils le souhaitent et nous licencier. Chaque jour, 40 personnes attendent devant le pôle de recrutement. »
À l’autre entrée, un salarié pressé de badger s’inquiète de la présence policière et d’un journaliste tentant d’entrer dans le local. « Il y a une grève ? » exprime-t-il, soulagé d’apprendre que ce n’est pas le cas. Amazon France assure qu’aucune perturbation n’a été constatée sur le site de Brétigny-sur-Orge en ce jour de Black Friday.

