Grève du 15 mars : « A un moment il faudra bloquer ou faire autre chose », les cortèges toujours aussi remontés

A Paris, Bordeaux, Nantes, et Lille

« Je fais la fête contre la retraite », se marre, en dansant près de la sono de FO du cortège parisien, Martin, 5 ans et demi, venu avec son père, qui lui souffle en souriant « contre la réforme des retraites ». Dans la capitale, dès la station République, ça bouchonnait dans les couloirs du métro, les manifestants se pressant vers la ligne 8 au plus près du départ d’un cortège parisien, qui déambulait rive gauche pour cette 8e journée de mobilisation, ce mercredi après-midi.

A Lille, Philippe, routier de 51 ans, qui participe à ses premières mobilisations, est plus tranché. « Tant qu’il y aura pas de mort, Macron il ne bougera pas. Bien sûr qu’on va continuer de manifester, le peuple ne veut pas de cette réforme. Aller dans la rue ne suffira pas, à un moment, il faudra bloquer ou faire d’autres choses, martèle-t-il. J’ai jamais manifesté de ma vie, mais j’ai commencé à travailler à 17 ans et au lieu de partir à 57, je vais partir 64 ? C’est pas possible ça ! » Jean-Loup, un Bordelais de 33 ans, qui travaille dans les jeux vidéo, manifeste son soutien à ces métiers avec une pénibilité élevée. « Avec l’arrivée des éboueurs qui sont venus mettre le bin’s, si je puis dire, ça aide pas mal. Il y a des boulots indispensables à qui on demande de travailler super tard, estime-t-il. Avec leur aide ça peut bouger un peu plus vite ».

« Nos élus devraient nous écouter »

« La station Invalides est fermée ?, se demande à voix haute Sylvie, une habituée des manifs parisiennes. Si c’est le cas, le conducteur devrait l’annoncer de toute façon. On peut descendre à Concorde, glisse-t-elle à ses compères du jour, il faudra juste traverser le pont sur la Seine. Les autres arrêts plus loin, à la Tour-Maubourg, je ne connais pas trop. Ce coin de Paris, j’y vais rarement », confie cette Parisienne depuis 25 ans, qui n’a pas hésité à faire de nouveau grève ce mercredi. « Si on ne frappe pas un grand coup aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il va se passer ensuite. Demain, c’est le vote au Parlement ». Robert, également rencontré du côté des Invalides tente de tenir les comptes, même s’il est dubitatif : « On n’a jamais autant parlé des Républicains que depuis la défaite de Sarkozy en 2007 », blague-t-il.

Pour Jean-Pierre, 60 ans, manifestant dans les rangs nantais, « la forme et le fond ne sont pas bien faits. Nos élus devraient nous écouter ». Pour lui, la seule solution, c’est la manifestation. Un optimisme que partage Carole, 44 ans, enseignante-chercheur en école vétérinaire à Bordeaux, prête à continuer au-delà du vote de jeudi. « Il y a quelques années, on a réussi à faire repartir le gouvernement dans l’autre sens. Le peuple est souverain. Tout le monde dit que ça ne sert à rien, mais je pense que c’est pour nous décourager. »

Vers des blocages plus massifs ?

Continuer, oui mais sous quelle forme ? Avec quels moyens ? Sylvia, cette grand-mère parisienne qui garde sa petite-fille de 8 ans les mercredis, a décidé de l’emmener à sa première manif. « Si dès le plus jeune âge, Ella comprend déjà les entourloupes de nos dirigeants, elle pourra à l’avenir trouver des solutions pour contrer ces réformes. Parce qu’ils ne s’arrêteront pas. Ils ne l’ont jamais fait. Je viens surtout pour elle, pour qu’elle connaisse un jour la joie de passer du temps avec ses petits-enfants avant de se tuer au travail ». A Lille, Léo, un étudiant de 21 ans, plaide pour des blocages massifs. « Le vote, ça marche pas, la manifestation non plus. Il reste quoi ? Si la seule solution c’est de bloquer, et je ne parle même pas de violences, alors il faut bloquer ».

Une affiche dans le cortège parisien du 15 mars 2023.
Une affiche dans le cortège parisien du 15 mars 2023. – L. Gamaury/20 Minutes

Sophie, dans le défilé bordelais pour la cinquième fois, envisage aussi un tournant plus radical. « On réfléchit très sérieusement à ne pas surveiller les épreuves de spécialités, les plus importantes du bac, ces lundi et mardi. On a des épreuves en mars pour un bac dont le programme a été inventé pour le mois de juin, donc les élèves ne sont pas prêts. Cela fait des années qu’on se dit que la seule façon de nous faire entendre c’est au niveau de l’examen. On ne veut jamais le faire pour ne pas mettre les élèves en péril. Mais là, il y a une concomitance entre cette réforme des retraites et celle du lycée ». 

A Paris, Ernestine qui compte, elle, six jours de grève depuis la mi-janvier, tient un discours similaire : « Macron veut qu’on se batte ? On va se battre. Les éboueurs ne sont pas seuls, on peut bloquer plein de choses, le métro, l’énergie, les raffineries, etc… On n’est pas des moutons », martèle-t-elle, le « métro, boulot, caveau » en travers de la gorge. « Macron même si tu veux pas, nous on est là », reprend-elle en chœur avec les manifestants parisiens. Mais pour combien de temps ?