France

« Greffer pour greffer, ça n’a pas de sens »… Pourquoi des reins prélevés ne peuvent finalement pas être greffés ?

En 2023, 5.633 greffes ont été réalisées en France, sous la houlette de l’agence de biomédecine, par 145 équipes de pointe, réparties dans les grands CHU. Parmi elles, 3.525 de greffes rénales dont 557 à partir de donneurs vivants. Dans ces cas-là, qui offrent les meilleures conditions, les organes sont toujours effectivement greffés.

Mais dans la majorité des cas, les prélèvements sont issus de donneurs décédés, qui n’ont pas formulé d’opposition à la greffe puisque c’est le principe du consentement présumé qui est mis en œuvre en France. Après ces prélèvements, certains reins se retrouvent dégradés et ne peuvent finalement pas être greffés. Le professeur François Kerbaul, directeur national du prélèvement et de la greffe d’organes et tissus chez l’agence de biomédecine, nous en explique les raisons.

Quelle est la proportion de reins prélevés en 2023 qui n’ont pas pu être greffés et comment l’expliquer ?

Je veux d’abord rappeler que le plus important c’est que le patient greffé puisse bénéficier d’une greffe de qualité pour améliorer sa survie et sa qualité de vie. Greffer pour greffer, cela n’a pas de sens.

En 2023, 185 greffons rénaux ont été prélevés et non greffés et dans 90 % des cas, cela s’explique par une anomalie anatomique ou un dysfonctionnement du greffon. La problématique principale est que la mort cérébrale des patients prélevés induit des dégradations de ces greffons, qui ne sont pas systématiquement prévisibles. L’utiliser reviendrait à prendre le risque de générer un résultat non conforme aux attentes, chez le futur greffé.

Comment évolue, au fil des dernières années, le chiffre des organes prélevés qui ne sont pas greffés ?

Ce chiffre diminue d’année en année et il est probable qu’il soit bien meilleur en 2024 qu’en 2023. Il est à mettre en lien avec l’amélioration de la prise en charge, le renforcement des procédures et le développement de certaines technologies. Si on prend l’ensemble des greffes réalisées en 2023 (5.633), la part des reins prélevés et non greffés représente seulement 0,5 % de l’activité de greffe.

Il faut rappeler qu’on ne prélève jamais un organe si on n’est pas sûrs qu’il soit greffé derrière, c’est l’intentionnalité de greffe. L’objectif commun des équipes de prélèvements, de greffe et de l’agence de biomédecine, garante de la qualité des organes au niveau national, est la réussite de la transplantation.

Quelles sont les principales étapes qui vous permettent de sécuriser le prélèvement et la greffe ?

Les étapes sont très codifiées en France. Pour tout donneur décédé en France avec intentionnalité de prélèvement d’organe, il y a une évaluation médicale minutieuse du patient et de ses antécédents.

On sait aussi que plus la durée d’ischémie froide, soit l’intervalle de temps entre le prélèvement et la greffe, est courte et meilleurs sont les résultats, quel que soit le type de greffe réalisé. Les équipes, formées en permanence, mènent de véritables courses contre la montre, avec moins de quatre heures pour un cœur, un poumon ou un foie et de douze à treize heures pour un rein. En ce sens, des accords gracieux de longue date ont été conclus avec la SNCF et des compagnies aériennes.

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En 2023, environ 1.000 greffons rénaux ont été transportés par TGV, dans un compartiment particulier, et 500 par avion, dans le cockpit et sous la responsabilité du commandant de bord. A chaque fois, il faut une coordination parfaite entre le pôle de répartition des greffons, l’agence de biomédecine et les transporteurs. L’agence de biomédecine assure aussi un suivi post-greffe pour s’assurer que les patients greffés vont bien. Et, les équipes sont régulièrement auditées pour vérifier qu’elles opèrent en conformité avec les bonnes pratiques préconisées. Autant de points qui montrent que le taux d’opposition à la greffe (36 % en France) est bien trop élevé.