France

Gouvernement Lecornu : Le PS a-t-il brisé l’union de la gauche ?

Sébastien Lecornu a annoncé, mardi, à l’Assemblée nationale, la « suspension » de la réforme des retraites, suscitant des sourires et des applaudissements au sein du Parti socialiste, tandis que des visages exaspérés se démarquaient dans les rangs de La France insoumise. Aurélien Saintoul, député LFI des Hauts-de-Seine, a déclaré : « Le PS peut tenter de sauver la face, mais la réalité est qu’ils permettent à Emmanuel Macron de gagner du temps. »


Il était évident de constater les différences de réactions au sein de la gauche lorsque Sébastien Lecornu a annoncé la « suspension » de la réforme des retraites, mardi, à l’Assemblée nationale. Tandis que les socialistes affichaient des sourires et applaudissements, les visages des députés insoumis exprimaient l’exaspération. En choisissant un accord tacite de non-censure avec le gouvernement, Olivier Faure et les socialistes prennent le « pari risqué » de la stabilité, au risque d’irriter leurs partenaires de gauche. Peut-on y voir l’implosion (annoncée à plusieurs reprises, mais jamais concrétisée) de l’union de la gauche ?

### Les insoumis en colère

Sans grande surprise, les plus mécontents de la décision des socialistes de ne pas censurer le gouvernement ont été les membres de La France insoumise, avec qui les relations étaient déjà très tendues depuis plusieurs mois. « Le PS peut essayer de sauver la face, mais la réalité est qu’ils permettent à Emmanuel Macron de gagner du temps. Ils ont validé qu’ils étaient là pour sauver le soldat Macron », déplore Aurélien Saintoul, député LFI des Hauts-de-Seine. « Les socialistes ont été élus sur le programme du NFP et l’abrogation de la réforme des retraites. Avec ce tripatouillage, ils rendent possible un budget aussi cruel que celui de Bayrou car ils craignent de retourner aux urnes », ajoute-t-il.

Les insoumis dénoncent « l’austérité » des textes budgétaires présentés par Sébastien Lecornu, qui incluent notamment des gels de pensions de retraite et de prestations sociales, ainsi que le doublement des franchises médicales. « Mentir ne pourra jamais masquer une forfaiture », a critiqué le leader des insoumis, Manuel Bompard, sur X à l’encontre d’Olivier Faure, appelant les députés socialistes à « désobéir » à leur leader en votant la motion de censure jeudi.

### Une gauche plus modérée

« Les insoumis voient des entourloupes partout. On a compris que LFI a pour unique projet de hâter la chute du gouvernement afin de provoquer une présidentielle », souligne Laurent Baumel, député PS d’Indre-et-Loire. « L’abandon du 49.3 permettra un vrai débat sur le budget. À nous de remporter les batailles dans l’hémicycle, sur la taxe Zucman et les autres sujets », poursuit-il. L’élu socialiste d’Indre-et-Loire défendra la position du PS lors du débat sur la censure, qui s’annonce déjà tendu entre les deux partis. Bien que la rupture semble confirmée entre le PS et LFI, la situation est différente avec d’autres partenaires de gauche.

Les communistes et les écologistes voteront pour la censure, mais adoptent une approche plus conciliante envers leurs alliés socialistes. « Il faut se méfier des anathèmes entre nous », prévenait mardi à l’Assemblée Cyrielle Chatelain, cheffe de file des députés EELV, à propos des tensions au sein de la gauche. « La suspension de la réforme des retraites est une bonne nouvel le, mais ce budget mérite la censure », ajoutait-elle.

### « Il y a une divergence stratégique »

La gauche devrait rapidement se retrouver lors des débats budgétaires qui auront lieu dans les semaines à venir. Même si un point de non-retour semble avoir été atteint entre le PS et LFI. « La non-censure marque le retour du hollandisme, qui a propulsé le PS à 1,7 % lors de la présidentielle… Le PS devrait s’en souvenir plutôt que de jouer en solo », ironise Aurélien Saintoul. « Il y a une divergence stratégique qui s’accentue et devient conflictuelle. C’est surtout de leur fait, ils passent leur temps à nous attaquer, peut-être parce que nous avons indiqué que nous ne souhaitons pas de Jean-Luc Mélenchon comme candidat à la présidentielle… », répond Laurent Baumel.

Cependant, les dernières années ont également prouvé que l’union de la gauche pouvait rapidement renaître si une victoire du Rassemblement national (et le risque de perdre des sièges à l’Assemblée) se profilait. En attendant, les tensions semblent destinées à perdurer dans les mois à venir, alors que les élections municipales se profilent, où des listes socialistes et insoumises pourraient s’affronter dans de nombreuses communes, loin du projet commun de juin 2024.