France

Gouvernement Lecornu : La réforme des retraites suspendue par le Premier ministre.

Sébastien Lecornu a proposé au Parlement de « suspendre la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle ». Boris Vallaud a déclaré que la suspension est « une victoire assurément pour 3.5 millions de nos concitoyens ».

À l’Assemblée nationale,

Au commencement était le Verbe, et l’avenir d’un pays repose parfois sur un seul mot. Le discours de politique générale de Sébastien Lecornu, ce mardi à l’Assemblée nationale, pouvait se résumer à cette question cruciale : allait-il annoncer la « suspension » de la réforme des retraites d’Elisabeth Borne ? Cette formule, devenue quasi-miraculeuse ces dernières heures pour sortir de la crise, constituait la principale condition exigée par les socialistes pour éviter la censure du gouvernement et retarder, au moins temporairement, la dissolution.

Faure réussit son pari

Vers 15 heures, Sébastien Lecornu prend la parole dans une ambiance lourde. Le « moine soldat », nommé vendredi dernier à la surprise générale par Emmanuel Macron, avertit la représentation nationale : « Certains aimeraient voir cette crise parlementaire se transformer en crise de régime, cela n’aura pas lieu », déclare l’ancien ministre des Armées. Le Premier ministre, qualifié de « plus faible de la Ve République », selon ses propres mots, annonce d’abord qu’il n’utilisera pas l’article 49.3 lors des débats budgétaires, une autre demande du groupe socialiste. « Quel parlementaire dira à nos concitoyens qu’il ne souhaite pas discuter du budget ? Vous le demandiez, c’est fait ! Nous verrons la position de chacun sur la dette, les impôts, les économies… Chaque vote sera un acte », précise-t-il. Avant de répéter : « Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez ! »

« Je vais maintenant vous parler d’un sujet majeur… ». Un silence s’installe dans l’hémicycle, tout le monde comprend que le moment tant attendu arrive. Sébastien Lecornu ne tergiverse pas : « Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle ». Les socialistes applaudissent, tandis que les insoumis affichent un visage fermé. Olivier Faure, présent au pupitre, note sans sourire. Cependant, le dirigeant du PS réalise que le bras de fer est remporté. Le gouvernement fait un pas en arrière sur ce texte emblématique du quinquennat Macron, qui était jusqu’alors considéré comme intouchable pour les partisans de Macron. « Un compromis, ça fait forcément mal… », soupire Sylvain Maillard, député Renaissance de Paris, dans la salle des Quatre Colonnes. « Mais le Premier ministre est dans une position particulière, sans majorité. Nous resterons fidèles à notre position en votant contre la suspension lors des débats à venir », indique-t-il. Gabriel Attal, à la tribune, ne cache pas son sentiment : « La messe est dite, car la gauche et le RN ont une majorité absolue ; la réforme sera donc suspendue ».

« La suspension, la voici enfin ! »

À la fin de la séance, Boris Vallaud fait le point sur cet accord tacite de non-censure. Le relâchement de la trajectoire budgétaire, l’abandon du 49.3, la potentielle création « d’une contribution exceptionnelle des grandes fortunes » et, bien sûr, la suspension de la réforme Borne sont au programme. « Les Français, et nous avec eux, attendaient un signe sur ce texte, qui a été vécu comme une brutalité. La suspension, la voici enfin ! », se réjouit-il. Les insoumis expriment leur mécontentement. Il répond : « À ceux qui veulent tout ou rien et qui souvent n’offrent rien, je le redis, c’est une victoire assurément pour 3,5 millions de nos concitoyens, ce n’est pas rien, pour qui la vie va changer ! »

Boris Vallaud ne parviendra pas à convaincre ses partenaires du NFP, ni le Rassemblement national, déjà déterminés à voter la censure contre Sébastien Lecornu. « Il a annoncé que cette suspension devra être compensée financièrement, qu’est-ce que cela signifie ? Ce que vous allez économiser d’un côté, vous le perdrez de l’autre… », soupire l’ex-insoumise Clémentine Autain devant les journalistes. « Le temps que nous gagnons sur les retraites est important… mais dans le même temps, nous avons une copie très dure, avec un budget austéritaire », ajoute, un peu plus loin, Cyrielle Chatelain, présidente des députés écologistes.

Après dix jours de crise politique, l’exécutif respire un peu. Sans les voix du PS, les motions de censure de LFI et du RN ne devraient pas renverser le gouvernement ce jeudi. Malgré cette victoire symbolique sur les retraites, les socialistes courent le risque d’apparaître comme des sauveurs de la Macronie. Au micro, Boris Vallaud conclut : « Nous faisons un pari. Un pari risqué dont seul l’avenir dira ce qu’il en est ».