France

Fraude fiscale : Comment Boris Vallaud et 250 Landais ont provoqué « la plus grosse opération » du PNF

Des perquisitions massives à La Défense, dans cinq grandes banques françaises soupçonnées d’une énorme fraude fiscale sur les dividendes d’actionnaires étrangers sur des entreprises françaises depuis des années… Mardi, c’est tout simplement « la plus grosse opération de l’histoire du Parquet national financier [PNF] » qui a eu lieu. Et tout est parti d’Orthevielle, Saint-Sever, Préchacq-les-Bains et Aire-sur-l’Adour… Communes landaises de la circonscription du député Boris Vallaud. C’est la plainte déposée en 2018 par le socialiste qui a suscité cette longue enquête du PNF. Il n’était pas tout seul : 250 personnes ont cosigné la plainte avec lui. Ils se sont appelés « le collectif des citoyens en bande organisée ». Oubliez Marseille, c’est « Hontanx bébé ».

A cette époque, le jeune député socialiste travaille avec l’économiste Gabriel Zucman sur la taxation des multinationales. « On constate qu’il manque des dizaines de milliards d’euros dans le budget des Etats, il manquait 20 % du produit de l’impôt sur les entreprises ! La question c’était comment on fait pour mieux taxer, que ce ne soit pas les PME qui payent ce que les multinationales ne payent pas. » C’est au même moment que Le Monde et un collectif de média internationaux sortent l’affaire des CumEx Files : une fraude massive sur la fiscalité des dividendes. Un mécanisme en fait assez simple, mais dans une zone grise entre la fraude fiscale, illégale, et l’optimisation fiscale, légale.

« Il y a un appétit de justice énorme »

« Je me dis que cette affaire est un cas d’école, relate celui qui est aujourd’hui président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Moi je considérais que quand une optimisation fiscale n’a comme vocation que l’escroquerie du fisc, ça relève de la fraude fiscale aggravée. » Boris Vallaud consulte deux amis avocats pour voir s’il y a matière à une plainte, et ils la rédigent. « On voit souvent des grosses enquêtes journalistiques sur des scandales financiers où les parquets s’autosaisissent, mais il y avait une volonté de porter plainte pour donner du poids à l’affaire », se souvient Me Caroline Boyer.

Boris Vallaud parle de son initiative lors de ses réunions de compte rendu de mandat dans la 3e circonscription landaise, entre Chalosse, Tursan et Pays tarusate. « Dès la première réunion, je vois que le truc prend, affirme le député. Il y a un appétit de justice énorme : les gens ne sont pas contre payer des impôts, ils veulent que tout le monde les paye. Alors j’avais des questions sur les chances d’aboutir d’une telle plainte, comment s’y joindre, j’étais étonné ! » Le socialiste a continué jusqu’à rallier 250 signataires « et ce n’était pas juste une pétition, on a vraiment passé 250 contrats avec chacun des plaignants », précise Caroline Boyer, l’avocate qui veut croire que ces appuis n’étaient pas que cosmétiques pour que le PNF se lance dans cette grosse enquête : « La procédure gagne en légitimité. »

« Ni le début, ni la fin de l’histoire »

Bien sur, dans ce type de réunion de bilan de mandat, on ne croise pas exactement n’importe qui, il faut être proche de la politique, en l’occurrence parfois proche du PS. C’est le cas de Didier Kahn, un des signataires de la plainte, assez fan de son député, qu’il a d’abord rencontré « dans un cadre professionnel, quand j’étais syndicaliste », tient-il quand même à préciser. Retraité des finances publiques, il n’était pas spécialiste de la fraude quand il travaillait encore « mais j’étais stupéfait de voir une telle fraude se monter depuis des années. Je me suis dit qu’il fallait appuyer. Ces milliards, ils nous manquent, on le voit bien aujourd’hui avec la réforme des retraites ! »

Entre 2018 et 2023, Caroline Boyer a rencontré plusieurs fois le PNF, s’assurant que le dossier n’était pas sur une voie de garage. La grande perquisition du début de semaine n’est donc « ni le début, ni la fin de l’histoire », explique l’avocate. « Ils ont récupéré pas mal de documents. Il va falloir plusieurs mois au parquet pour évaluer les responsabilités, le préjudice et l’ampleur de la fraude. » Mais c’est un peu tôt pour savoir si on va vers un procès, par exemple. Au niveau politique, Boris Vallaud voudrait travailler à définir une frontière un peu plus nette entre des pratiques d’optimisation légales et illégales. Il voudrait aussi revoir les conventions fiscales passées entre la France et d’autres pays : « Actuellement c’est la commission des Affaire étrangères qui les regarde, et ce n’est pas fait sérieusement. Je voudrais que ce soit la commission des finances qui les regarde. »