France

Fraude à la Sécurité sociale : Pourquoi les audioprothésistes sont dans le viseur de la CPAM en Haute-Garonne ?

Douze millions d’euros. C’est la somme record de fraudes détectées et stoppées par l’Assurance maladie de Haute-Garonne en 2024, et 52,4 millions d’euros à l’échelle de l’Occitanie. Un montant en hausse de 27 % par rapport à 2023, selon Isabelle Comte, directrice de la CPAM Haute-Garonne. Si en nombre, les fraudes par assurés sociaux sont majoritaires avec 56,3 %, en montant les fraudes commises par des professionnels représentent 72,7 % du préjudice total… Et l’un de ces acteurs s’est plutôt fait remarquer.

En effet, si la détection des fraudes commises par les professionnels de santé a globalement augmenté (+ 73% d’évolution sur les résultats en Haute-Garonne, comparé à 2023), le préjudice détecté et stoppé lié aux fraudes aux audioprothèses a atteint un résultat record de 1,8 million d’euros contre 41.440 euros en 2023.

Dans ce montant, près des trois quarts des fraudes ont pu être évités. De ce fait, l’Assurance Maladie a durci les sanctions en multipliant les radiations et les refus de conventionnement de centres d’audioprothèses et en engageant des poursuites pénales.

Fausses factures, exercice illégal de la profession et usurpation d’identité

Les fraudes aux aides auditives s’appuient sur des stratagèmes complexes et variés : usurpation d’identité d’assurés, facturations fictives, prescriptions frauduleuses, exercice illégal de la profession d’audioprothésiste et entreprises fantômes sans locaux ni personnel qualifié. « Au-delà du préjudice financier, l’impact de ces pratiques est également sanitaire : des aides auditives mal réglées ou non délivrées empêchent les assurés de bénéficier de l’appareillage dont ils ont besoin », explique Isabelle Comte.

L’Assurance Maladie s’est donc fortement mobilisée afin de stopper rapidement et fermement ces pratiques, en collaboration étroite avec les représentants de la profession. Désormais, pour que l’audioprothésiste puisse pratiquer le tiers payant au profit de l’assuré (et donc lui éviter une avance de frais importante), il est obligatoire (à quelques rares exceptions) d’effectuer une facture avec la carte Vitale des assurés. Cela permet d’éviter des usurpations d’identité. D’ores et déjà, l’impact de l’avenant est visible sur tout le territoire : le taux de télétransmission avec carte Vitale est passé de 45 % en moyenne sur le dernier trimestre 2024 à plus de 90 % en février 2025.

Une centaine de dossiers refusés en 2024

Le contrôle des demandes de conventionnement de nouveaux centres d’audioprothèses a été renforcé : près d’une centaine de dossiers ont été refusés en 2024 parce que les conditions d’exercice n’étaient pas respectées : absence d’audioprothésiste diplômé et/ou de local conforme. Cette vigilance accrue a freiné l’implantation de nouveaux acteurs frauduleux. Le contrôle des facturations en appelant directement les assurés s’est poursuivi tout au long de l’année limitant ainsi le risque de remboursement de prestations indues.

Sur le volet judiciaire, la stratégie contentieuse s’est intensifiée : 29 procédures contentieuses ont été engagées par la CPAM de la Haute-Garonne à l’encontre des sociétés d’audioprothèses, mêlant pénalités financières, plaintes pénales et signalements au procureur. Désormais, les fraudeurs s’exposent à des interdictions de gestion et des peines de prison, un tournant décisif dans la lutte contre ces fraudes.