France

« Fraternité », travail bien fait, rituels… Qui sont vraiment les Compagnons du devoir ?

A 29 ans, il a déjà bien bourlingué, posant ses valises à Angoulême, Tours, Mulhouse et Lille avant de débarquer à Rennes il y a quelques mois. Plus endurant qu’un cycliste, cela fait maintenant six ans qu’Andy Lafenetre est engagé dans un Tour de France. Un passage obligé pour ce compagnon qui, après avoir été apprenti puis aspirant, gère désormais la maison des Compagnons du devoir de Rennes en qualité de prévôt. Dans ce lieu, qui ouvre ses portes au public ce samedi comme partout en France, Andy Lafenetre encadre 300 jeunes venus se former aux métiers de l’artisanat, du bâtiment ou aux technologies de l’industrie. Parmi eux, 75 jeunes vivent à l’année sur le site, partageant les cours, les repas, les soirées et les week-ends avec leurs camarades de formation.

C’est le cas de Marine, 21 ans. Après avoir décroché un CAP menuiserie fabriquant à La Rochelle, la jeune femme suit depuis septembre une formation poseur-installateur en vue de décrocher un brevet professionnel. Devenue aspirante compagnon à l’issue d’une cérémonie d’adoption, « Béarnaise », son patronyme en référence à sa région d’origine, partira ensuite se perfectionner aux quatre coins de la France en changeant de ville et d’entreprise tous les ans. « Ce n’est pas facile tous les jours car on est loin de sa famille et de ses amis, reconnaît-elle. Mais c’est passionnant d’un point de vue professionnel car on continue de se former en permanence cela ouvre plein d’opportunités. Et on s’enrichit aussi personnellement car les Compagnons du devoir, c’est avant tout un état esprit. »

Une association qui cultive ses traditions et ses secrets

Réputée pour l’excellence de ses formations aux métiers manuels, l’association ouvrière, qui a officiellement vu le jour en 1941, cultive en effet ses traditions et ses secrets. Une part de mystère qui lui a parfois valu d’être comparée à une secte ou à un mouvement religieux. « C’est vrai que l’on a cultivé ce goût du secret pendant longtemps, assure Andy Lafenetre. Mais on s’ouvre désormais de plus en plus. »

Comme au sein de toute société initiatique, les Compagnons du devoir ont en effet leurs propres règles. Ou plutôt des valeurs que tout compagnon se doit d’intégrer. « Fraternité, générosité, vie en communauté, discipline et patience », résume Andy Lafenetre. Un cadre qui n’a pas effrayé Margot, 19 ans. « J’apprécie au contraire cette fraternité qui existe entre compagnons, on échange beaucoup entre nous, c’est un peu comme une famille », indique la jeune Lilloise, apprentie en maçonnerie après une première formation de podo-orthésiste.

Près de 11.000 jeunes formés chaque année

Outre un savoir-faire, on vient aussi chercher chez les Compagnons un savoir-être. « C’est un moyen pour des jeunes de se découvrir et de s’épanouir, assure Andy Lafenetre. Quand je suis arrivé au départ, j’étais timide et renfermé. J’ai depuis appris à aller au contact des autres. »

Chez les Compagnons, tout le monde n’aspire pas en revanche à réaliser un Tour de France et à être adopté par la communauté. Beaucoup de jeunes viennent ainsi uniquement pour suivre une formation avant de repartir dans la vie classique. L’an dernier, environ 11.000 élèves ont ainsi appris un métier chez les Compagnons, qui disposent d’une quarantaine de maisons dans toute la France. « On a doublé nos effectifs par rapport à 2015 mais on cherche désormais à stagner », souligne Andy Lafenetre.