François Hollande à l’Assemblée, un député « normal » plein d’ambitions… pour 2027 ?
«Il n’a voté qu’une fois… mais sans trembler ! » Le retour de François Hollande à l’Assemblée nationale s’accompagne chez ses collègues socialistes de ces « petites blagues » que le Corrézien aime tant. Elu sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire, l’ancien président de la République se montre en effet plutôt discret depuis cet été… dans l’hémicycle du moins.
Car en dehors, il multiplie les déplacements, les sorties dans les médias. Après la sortie d’un livre en septembre, il lance ce samedi un podcast, intitulé « Un président devrait écouter ça ». Depuis sa réélection, l’ex-chef de l’Etat est donc omniprésent pour mieux fustiger l’alliance avec les insoumis et dire à qui veut l’entendre qu’il n’a toujours pas abandonné ses ambitions pour la présidentielle de 2027.
« Sa présence se normalise »
Après des années de vraie-fausse mise en retrait de la vie politique, François Hollande a choisi de replonger dans la 1e circonscription de Corrèze à la faveur de la dissolution annoncée par Emmanuel Macron cet été. « Il a eu le flair, comme souvent chez Hollande, qu’il fallait revenir dans l’hémicycle dans ce contexte troublé. Il aurait pu rester dans le confort, à recevoir rue de Rivoli. Mais il a pris son risque pour remonter sur le ring », salue son ancien ministre et ami, Patrick Kanner, le patron des sénateurs socialistes.
Le retour d’un ancien chef de l’Etat au sein du groupe PS s’est fait sans encombre à l’Assemblée. « On l’a un peu préparé sur le plan formel, car il y a ses gardes du corps, ça demande une adaptation, mais ça se passe bien. Il participe aux réunions, donne son avis. Il rejoint le collectif », dit Boris Vallaud, président du groupe.
Ses camarades le dépeindraient presque en député… normal. « Ce n’est pas anodin d’avoir un ancien président. Au début, il prenait la parole avec un statut très particulier. Mais au fil des semaines, sa présence se normalise, ce n’est plus un événement… », remarque Laurent Baumel, député PS d’Indre-et-Loire et ancien frondeur. « C’est un avis qui compte parmi d’autres, mais il n’est pas prépondérant », confirme l’élu du Calvados, Arthur Delaporte.
« Il est quasiment transparent dans l’hémicycle »
Fin octobre, l’activité du député Hollande est épinglée par Le Figaro, avec un seul vote en hémicycle (la motion de censure contre Michel Barnier), contre plusieurs dizaines pour ses collègues. « Il ne s’était pas rendu compte que le métier de député avait changé, qu’on pouvait vite être étrillé sur les réseaux sociaux », remarque un député PS. « Etre présent sur les rangs de l’Assemblée est plus important aujourd’hui qu’au temps des majorités absolues, où les votes étaient gagnés ou perdus d’avance… », confirme Arthur Delaporte. Eric Coquerel, le président insoumis de la Commission des Finances, résume à sa manière ces premières séances :
« « Parfois, d’un coup, je m’aperçois qu’il est là. S’il n’était pas ancien président, ce serait un député anonyme, il est quasiment transparent des débats budgétaires. Ce n’est pas aujourd’hui un acteur important de l’Assemblée nationale ». »
Davantage présent lors des débats sur le financement de la Sécurité sociale la semaine passée, l’éléphant socialiste est même sorti de son silence en hémicycle. « Je voudrais d’abord remercier les orateurs qui ont sollicité mon intervention… », a-t-il lancé, ironique, face aux attaques ad hominem des élus de la coalition gouvernementale contre la réforme des retraites (Touraine) votée sous son mandat.
« Il ne peut s’empêcher de remettre les mains dans le cambouis »
Mais c’est surtout en dehors du Palais-Bourbon que l’ancien président aime donner de la voix. Dans les médias, il se plaît à critiquer les outrances des insoumis et pousse le Parti socialiste à se détacher de la mainmise de LFI, stratégie jugée essentielle pour l’emporter en 2027. « Il veut que le PS reprenne la place qu’on n’aurait jamais dû quitter, celle du leadership à gauche, en s’opposant à la brutalisation de Jean-Luc Mélenchon », souffle Patrick Kanner. L’ancien président a notamment demandé l’organisation d’un Congrès du PS dans les prochains mois afin de faire tomber Olivier Faure, le Premier secrétaire, et de rééquilibrer l’alliance vers Place publique et la gauche sociale-démocrate. Le Corrézien devrait d’ailleurs se rendre à Lyon ce samedi avec les chefs de file de la social-démocratie, comme Bernard Cazeneuve, pour la deuxième édition de « Debout les socialistes », le courant animé par Hélène Geoffroy, opposante interne à Olivier Faure.
« Il ne peut s’empêcher de remettre les mains dans le cambouis. Ce n’est pas à la hauteur d’un ancien président. Il sature l’espace médiatique pour demander l’union à gauche, »il faut, il faut, il faut »… mais est-ce que lui y contribue ? », soupire un cadre du PS. A contrario, les soutiens d’Olivier Faure louent le bilan du premier secrétaire : ils mettent à son actif le doublement du nombre de députés PS à l’Assemblée cet été et une première place à gauche aux européennes (14 %) autour de Raphaël Glucksmann.
« Il y croit encore pour 2027 »
Fidèle à sa ligne, François Hollande a de nouveau agité la gauche cette semaine en affirmant que le PS devrait « avoir un candidat à l’élection présidentielle », balayant l’idée d’une candidature « unique de la gauche » en visant Jean-Luc Mélenchon.
Pour beaucoup, l’ancien président prépare avant tout des conditions favorables pour pouvoir se lancer dans la course en 2027. « ll y croit encore, n’a pas fermé la porte. Il a au moins le mérite de la clarté », soupire un député socialiste. « Il ne peut pas représenter l’ensemble de la gauche, éventuellement un bout de social-démocratie, mais ça ne permet pas de gagner », grince Laurent Baumel. « Il est à côté de la plaque. Le PS est passé à autre chose. Hollande, ce n’est plus une figure morale absolue au parti », ajoute un autre élu.
Au cours de ses entretiens, l’intéressé, lui, laisse toujours la porte ouverte à une candidature. « Je ne suis pas indifférent à 2027 », disait-il encore au trimestriel « L’Hémicycle » fin octobre. « Il n’esquive pas, c’est normal s’il sent qu’il peut encore apporter quelque chose. C’est parmi nous celui qui a déjà connu une campagne victorieuse, sourit son ami Patrick Kanner. Si les conditions sont réunies, il considérera sa place. Il pourrait alors passer de celui qui cherche la solution à celui qui est la solution ».