François Bayrou : Pourquoi la proportionnelle évoquée par le Premier ministre est loin d’être gagnée ?
«C’est pour moi urgent ». Il y a plus de vingt ans déjà, en mai 2002, François Bayrou défendait l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives. Le Premier ministre a de nouveau relancé ce sujet, mardi à l’Assemblée nationale, lors de son discours de politique générale. « Je propose que nous avancions sur la réforme du mode de scrutin législatif », a affirmé le chef du gouvernement.
Ce serpent de mer politique revient régulièrement dans le débat public sans jamais être tranché. Mais la réforme pourrait-elle, cette fois, aller au bout ? Qui en seraient les grands gagnants ? On fait le point.
Que propose François Bayrou ?
Le Premier ministre a évoqué l’instauration de la « proportionnelle » aux élections législatives. « La question est celle de la reconnaissance du pluralisme. Il y a, dans la vie politique française aujourd’hui, une pluralité de courants, peut-être 5 ou 6 principaux », a souligné François Bayrou. Et de plaider pour « l’adoption du principe proportionnel pour la représentation du peuple dans nos assemblées ».
Qui y est favorable ?
A gauche, la proportionnelle intégrale est largement défendue de la part des écologistes, des communistes et des insoumis. En avril dernier, LFI avait ainsi déposé une proposition de loi pour que « la totalité de l’Assemblée nationale » soit élue « à la proportionnelle », mais le texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour.
Côté Rassemblement national, la proportionnelle est aussi présente dans le programme de Marine Le Pen, avec une prime de postes pour le parti arrivé en tête. « C’est le meilleur système pour que chaque voix compte, et la prime majoritaire permettrait d’éviter le chaos institutionnel en dégageant une majorité », nous confirme un proche de la cheffe de file RN.
L’instauration d’une dose de proportionnelle est également défendue par certaines voix du camp présidentiel, comme la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, ou certains centristes.
Pourquoi l’affaire est loin d’être gagnée ?
Pour mettre en place la proportionnelle, il suffirait d’une loi simple, sans avoir besoin de changer la Constitution. Mais l’Assemblée nationale actuelle est-elle vraiment majoritaire sur ce point ? Le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, a prévenu mardi qu’il s’opposerait à l’introduction de la proportionnelle. Au sein du camp macroniste aussi, bon nombre de députés ne veulent pas en entendre parler, car elle aurait pour conséquence, selon eux, de faire perdurer la situation d’instabilité actuelle à l’Assemblée.
« Le Premier ministre a rappelé une conviction personnelle. Il sait bien que nous, à Renaissance ou Horizons, on n’est pas totalement sur un soutien à la proportionnelle intégrale », a balayé Aurore Bergé, la ministre de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes ce mercredi sur Public Sénat. Le Parti socialiste n’y semble globalement pas favorable non plus. « Il y a des débats internes, mais ce n’est vraiment pas l’urgence aujourd’hui », évacue le député PS Laurent Baumel, qui y est personnellement opposé.
L’incertitude demeure également sur l’échelle à laquelle serait appliquée la proportionnelle : des listes par départements, par régions, ou une seule liste nationale pour la France entière ? « Même si Bayrou obtenait un accord de principe, à l’instant où le redécoupage de la carte électorale serait connu, vous aurez mécaniquement une opposition bien plus forte quand tel ou tel député verrait les conséquences pour sa propre réélection », ironise l’élu socialiste.
Qui seraient les grands gagnants ?
Tout dépend de la réforme votée. Y aurait-il simplement une dose de proportionnelle ou une proportionnelle intégrale ? Dans ce second cas, y aurait-il ou non une prime au parti arrivé en tête ? Selon les configurations, les conséquences électorales ne seraient pas les mêmes. Cet été, une projection du Parisien avec les résultats du premier tour des législatives montrait que le RN aurait obtenu une majorité relative dans le cas d’un scrutin à la proportionnelle intégrale sans prime majoritaire (197 sièges), devant le NFP (164 sièges) et les macronistes (123).
En décembre dernier, une étude de la Fondation Jean-Jaurès tentait de dessiner une Assemblée avec une forte dose de proportionnelle, partant des résultats des dernières législatives et européennes. Le RN se retrouvait alors également renforcé dans cette hypothèse, mais sans obtenir de majorité absolue. « L’impasse parlementaire actuelle ne serait en rien levée avec l’adoption » d’une dose de proportionnelle dans « le mode de scrutin », concluait l’étude.