France

France – Pays de Galles : Est-ce qu’on ne voit pas le XV de France trop beau, comme tous les ans ?

Crampons aux pieds, et basket à la main, sourire jusqu’en haut des rouflaquettes, Fabien Galthié s’est approché de la dizaine de journalistes présents à Marcoussis, mardi, pour observer l’entraînement du XV de France avant son entrée en lice dans le Tournoi des VI Nations face au pays de Galles, ce vendredi. Avant que l’ensemble de son groupe ne le rejoigne sur le terrain, le sélectionneur des Bleus s’est arrêté quelques secondes, sans grand mot, avant de filer sur un « Belle journée, en plus avec la pluie. »

Le glacial crachin essonnien ne pourrait pas être le seul à tomber sur le sélectionneur des Bleus, qui commence à être secoué par quelques rafales protestataires. Depuis sa nomination en 2020, les Bleus n’ont réalisé une seule fois le Grand Chelem, en 2022, pour une valise de secondes places. « Mais trois places de second pour moi, c’est très bon, c’est excellent, a relevé l’ancien n°9 en conférence de presse mercredi. Bien sûr, on a envie de faire mieux, il faut être objectif sur notre ambition et nous voulons faire mieux. »

L’homme aux étranges lunettes n’est pas le seul à vouloir faire mieux. Depuis plusieurs semaines, le même refrain revient, notamment chez Antoine Dupont, qui a déploré le « palmarès de cette équipe au vu de son potentiel ». Et, par sursaut d’orgueil et un léger, très léger chauvinisme, dans la foulée de tests automnaux convaincants (victoire face à la Nouvelle-Zélande et l’Argentine), de gros résultats de l’UBB et du Stade Toulousain en Coupe d’Europe ou du retour de Dupont à XV, tout le monde voit le maillot frappé du coq remplir son armoire à trophées dès cette année.

Les Verts en chat noir

On imaginait pareil scénario en 2023, avec la Coupe du monde à domicile. Et patatras. Une préparation idéale, des joueurs mis à disposition de longues semaines, toujours le meilleur joueur du monde dans l’équipe, pour au final se fracasser sur Ben O’Keefe et les golgoths sud-africains en quart de finale. Si l’arbitre néo-zélandais et les Springboks ne sont plus qu’un (mauvais) souvenir, même si l’ailier « écossais » Duhan van der Merwe peut nous faire mille misères, une autre équipe au maillot vert viendra à coup sûr nous chatouiller : l’Irlande.

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Victorieux au Vélodrome l’année passée en ouverture du Tournoi, le XV du Trèfle, qui se prépare tranquillement sous le soleil du Portugal, va recevoir l’Angleterre et la France à l’Aviva Stadium, là où les Bleus n’ont gagné que deux fois dans le Tournoi, en 2011 et en 2021. Même si ces vieillissants Irlandais semblent un peu moins dominateurs, c’est loin d’être du tout cuit, comme le reconnaît Vincent Clerc, ancien ailier des Bleus, auteur d’un essai de légende à Croke Park pour donner la victoire aux Bleus en 2007 :

« Ça fait quelques années qu’on dit que c’est la bonne pour les Bleus, que cette équipe, elle a tout pour gagner, elle a la confiance, elle gagne des gros matchs, elle a le talent, elle a de la réserve. Et souvent, ils tombent face à cette équipe qui a performé sur les dernières années et qui s’est hissée au premier rang mondial. Les deux seuls échecs, pratiquement, ce sont contre les Irlandais. Même si je pense que l’équipe de France est au-dessus, ça sera compliqué. »

« Il faut se méfier »

Pour maintenir le fameux taux de « 80 % de victoires », que Fabien Galthié ressort comme une relique à la manière de l’album photo enseigné tous les dimanches chez mamie, les Bleus devront donc gagner a minima soit en Irlande, soit en Angleterre, en plus de la visite en Italie et de la réception des Gallois et des Ecossais. « Les Anglo-Saxons ont toujours de l’énergie à revendre sur ce tournoi, témoigne l’ancien troisième ligne international Rémy Martin. L’Irlande, l’Angleterre, ça reste des grandes équipes. L’Ecosse commence à bien gazer aussi. Il faut quand même s’en méfier, ça va être plus compliqué que les autres années, surtout qu’il y a de la casse. »

Avec Thibaud Flament, Charles Ollivon et Damian Penaud forfaits, la France a perdu plusieurs éléments incontournables, même si l’absence du serial marqueur de l’UBB n’avait pas empêché les Bleus de faire un 3/3 lors de la tournée automnale. « Ça fait un petit moment qu’on n’a pas vu l’équipe de France avec 100 % de ses titulaires sans blessé, estime François Clerc. Même s’il y a du réservoir, il y a des joueurs comme Thibaud et Damian qui sont des facteurs X capables de faire basculer des matchs. »

« Avec les blessures, on peut peut-être se retrouver en difficulté devant », complète Rémy Martin. D’autant que le vieux Atonio (34 ans), titulaire vendredi soir, revient tout juste d’une petite blessure au genou contractée pendant la Coupe d’Europe, et que Cyril Baille, sur le banc, a retrouvé à peine les terrains après six mois dans le formol à cause de sa fracture du péroné accompagnée d’une rupture des ligaments de la cheville. Autant dire qu’on peut trembler sur les appuis.

Dépossession, possession, rugby champagne ?

L’interrogation portera également sur le secteur de la touche. Avec trois troisièmes lignes pas très voltigeurs, Galthié a choisi de mettre Alexandre Roumat dans la cage pour apporter un peu de hauteur à l’alignement français. « Il a un profil qui nous intéresse en deuxième ligne, avec sa spécificité qui est la touche, le déplacement, l’activité, sa capacité à tenir le ballon et à être un meneur de jeu », a indiqué Fabien Galthié.

Le sélectionneur sera aussi scruté sur la stratégie adoptée par les Bleus lors de ce Tournoi. Possession, dépossession, intensité combattue, intensité courue… Et pourquoi ne pas copier un peu le Stade Toulousain et l’Union Bordeaux Bègles qui font feu de tout bois cette saison, avec des relances sorties de nulle part, du jeu balancé à tous les étages de la fusée bleue ?

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« On connaît tout le talent de ces équipes à porter le ballon, à créer des différences, à user l’adversaire en ayant le ballon en main, donc, oui, ce serait un peu dommage de ne pas utiliser toutes leurs qualités, conclut Vincent Clerc. Mais il faut trouver cette mixité et cet équilibre dans le jeu pour être capable de jouer sur plusieurs registres, selon les conditions météo, selon la physionomie du match. On a envie, évidemment, de voir cette équipe de France tenir un peu plus le ballon, mais on sent quand même beaucoup d’appétit, de vitesse, d’explosivité. » Au pire, avec 10 Toulousains sur les 23, on n’a qu’à appeler Ugo Mola. Il devrait savoir faire.