France : « Depuis 2020, le nombre de fumeurs est stable mais on a perdu 28 % du volume total », alertent les buralistes
Ils ont revêtu des ponchos rouges pour attirer les regards ce lundi matin, sur le parvis de la gare Saint-Jean à Bordeaux. Les buralistes sont mobilisés dans une quarantaine de départements, à l’occasion du vote du budget par l’Assemblée nationale. Ils veulent alerter sur la contrebande et la contrefaçon de tabac, qui leur confisquent une grande part de leurs revenus, et ce de façon croissante ces dernières années.
Pour quelles raisons les buralistes manifestent ?
« On manifeste contre la contrebande de tabac qui vient de l’étranger, moins cher en raison de la fiscalité, et contre la contrefaçon qui met sur le marché des cigarettes qui viennent d’usines illégales et pouvant contenir des métaux lourds, des excréments de rats etc. », détaille, son paquet de tracts sous le bras, Philippe Milord, 60 ans, buraliste à Lacanau Océan.
A l’échelle de la France, le syndicat des buralistes évalue qu’« entre 35 et 45 % des cigarettes consommées sont de contrebande ou de contrefaçon », avec une moyenne nationale qui s’établit à 43 %. « Dans le Sud ouest, on est encore plus concernés à cause de la proximité avec l’Espagne, précise Philippe Milord. Il y a des cars qui partent exprès à la frontière pour récupérer alcool et tabac en grosse quantité. » Le même manège existe aussi avec l’Andorre, où les prix sont encore plus attractifs.
En 2003, ce marché parallèle ne représentait que 3 % des cigarettes vendues mais en vingt ans, leur prix a explosé en France (pour atteindre un moyenne à 12,50 euros le paquet aujourd’hui) rendant le voyage encore plus intéressant pour les fumeurs.
Comment cela se traduit dans les bureaux de tabac ?
« On a des pertes de volumes, de l’ordre de 25 à 30 % pour moi car j’ai beaucoup de touristes en été, continue Philippe Milord. Pour d’autres cela peut-être 30 à 40 %. » La période du Covid a permis à la profession de chiffrer ce phénomène puisque avec la fermeture des frontières en lien avec la crise sanitaire, les volumes de ventes avaient augmenté de 30 à 40 % avant de chuter dès leur réouverture.
« La prévalence tabagique n’a pas évolué depuis cinq ans, complète Antoine Bairras, président de la fédération des buralistes de la Gironde. On comptait alors 11,1 millions de fumeurs quotidiens (15 millions avec les occasionnels) et c’est toujours le cas aujourd’hui mais on a perdu 28 % de volumes. »
Que demandent-ils pour améliorer la situation ?
« On demande à la fois un moratoire fiscal pour traiter le problème des prix sur la zone transfrontalière, et celui du marché de la contrefaçon qui est un fléau considérable au niveau sociétal, sanitaire et économique », fait valoir Antoine Bairras.
Pour lui, il faut agir pour tarir l’approvisionnement des revendeurs et cela passe par une implication de la justice. « Le travail des douaniers est déjà très bien fait, mais il faut aussi, derrière, un travail des magistrats qui doivent diligenter des enquêtes et donner les moyens à la police judiciaire de remonter ces réseaux (épiceries de nuit, vendeurs à la sauvette, barber shop, réseaux sociaux etc.), ajoute-t-il.
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En se diversifiant, les buralistes ne se sont-ils pas adaptés ?
« J’ai déjà modifié mon magasin, en plus du PMU, du loto, je fais de la vapote, du CBD, beaucoup de colis, un peu de presse, et des jeux de plage, des cartes postales », égrène Philippe Milord.
« Depuis 2017, on a annexé des activités et des services mais aujourd’hui ça ne suffit plus, constate le président de la fédération. Cette situation met en danger des chefs d’entreprises qui ont engagé des sommes d’une vie pour faire l’acquisition d’affaires et actuellement, ils ne peuvent plus se projeter. »