Foie gras, truffes, huîtres… Comment les forces de l’ordre veillent sur les produits de Noël ?
«C’est Noël aujourd’hui, et pendant que les clochers joyeux carillonnent sous la voûte des cieux, sous les toits des chaumières »… on se pète le bide en famille. Huîtres, chapon, foie gras, truffes, champagne. Ces mets d’exception (et coûteux), on les retrouve chaque année pour les fêtes sur les tables des Français. Mais à quelques jours du réveillon de Noël, certains producteurs commencent à perdre le sommeil.
En particuliers les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon. « Tous les ans, il y a des vols d’huîtres. Or, ces professionnels font une grosse partie de leur chiffre d’affaires au moment des fêtes de fin d’année. C’est une période sensible pour nous », explique à 20 Minutes le major Jérôme Goussard, commandant de la brigade nautique d’Arcachon.
En 2021, au mois de novembre, un producteur s’est fait voler trois tonnes d’huîtres. « Ce sont des vols entre professionnels. Ils se connaissent tous, se respectent, mais se méfient aussi beaucoup des autres », explique le gendarme. Il faut dire que ce type d’opération nécessite « une grosse organisation » et une bonne connaissance du produit. Les parcs ostréicoles ne sont accessibles qu’en bateau. « Il faut voler les bonnes huîtres, celles qui sont commercialisables, qui ont une valeur marchande. Il faut aussi un petit peu de monde pour charger rapidement plusieurs dizaines ou centaines de poches d’huîtres. » Difficile ensuite de retrouver les coquillages volés. « Faire la différence entre une huître et une huître, honnêtement c’est compliqué », sourit le major Goussard.
« On s’adapte au rythme des ostréiculteurs »
Face à ce fléau, la gendarmerie multiplie les rencontres avec les ostréiculteurs pour leur dispenser des conseils de sécurité. « Cela nous permet aussi d’avoir des renseignements utiles, d’obtenir des informations sur des professionnels qui ont été vus sur un parc alors qu’ils n’avaient rien à y faire », poursuit le patron de la brigade nautique.
Drones, hélicoptère, patrouilles maritimes et terrestres… Depuis le mois d’octobre, les militaires multiplient les opérations sur le bassin. Objectif : être visible, dissuader « certains professionnels de commettre des vols », repérer et contrôler des bateaux suspects. « On est sur l’eau quotidiennement, y compris la nuit. On s’adapte évidemment au rythme des ostréiculteurs, aux horaires des marées. » Une action qui porte ses fruits. « On n’a recensé aucun vol pour l’instance », se félicite le gendarme. « Dernière ligne droite cette semaine. Le risque se porte désormais sur les ports, où l’essentiel des marchandises a été acheminé. »
La truffe se revend facilement aussi
Un autre produit luxueux attire la convoitise des voleurs : la truffe. « C’est un produit rare et cher qui se revend très facilement. Il n’y a pas de difficultés à l’écouler même si elle a été mal acquise », souligne auprès de 20 Minutes le commandant Jean-Marc Gagé, à la tête de la compagnie de gendarmerie de Cognac.
Là encore, les soupçons se portent sur d’autres professionnels. « La façon dont les truffes ont été trouvées montre que ce n’était pas des amateurs », explique-t-il, ajoutant que l’opération nécessite des connaissances et, surtout, un chien doué pour dénicher le précieux champignon. Certains vols sont commis dès le mois de novembre. « Mais les truffes ne sont pas les plus belles. Et il y a aussi ceux qui cherchent mais qui cherchent mal. Tout ça ruine les exploitations des gens qui en vivent. »
« Une cartographie de toutes les truffières »
La gendarmerie a déployé, depuis trois ans, de gros moyens pour lutter contre ce phénomène. « On a demandé une cartographie de toutes les truffières et on a densifié nos contrôles avec des patrouilles même la nuit. Les gens ne nous voient pas forcément. Mais entre trufficulteurs, cela se sait que les gendarmes surveillent », ajoute le commandant Gagé. « De temps en temps, on fait des opérations plus ciblées avec un hélicoptère. De là-haut, il est possible d’observer les comportements suspects. Ce qui nous permet ensuite d’aller effectuer des vérifications au sol grâce à leurs indications », détaille-t-il. Une méthode qui semble fonctionner selon lui. « Ça marche plutôt bien. Cette année, aucun vol n’a été déclaré. »
Le foie gras, spécialité du Périgord, est aussi l’une des cibles privilégiées des voleurs. Les producteurs sont régulièrement victimes de cambriolages à l’approche des fêtes de fin d’année. Et le préjudice avoisine souvent plusieurs dizaines de milliers d’euros. « Les vols peuvent avoir lieu dans les bâtiments, mais aussi sur la route, dans le camion, lors d’une pause », raconte le commandant Geoffrey Conte, qui dirige la compagnie de gendarmerie de Sarlat.
Que deviennent les foies gras volés ? « C’est toujours un peu compliqué de savoir comment ils sont revendus, reconnaît le gendarme. Ça peut partir à l’étranger, ça peut être revendu sous le manteau. Mais pas sur les marchés où se vendent de petites quantités, ce ne serait pas rentable. » Avant les fêtes, les militaires accentuent les contrôles chez les restaurateurs « pour les inciter à être dans la légalité totale et à ne pas acheter du foie gras sur le marché parallèle ».
« Anticiper la fin d’année »
Le commandant Conte a mis en place, il y a deux ans, avec les producteurs de foie gras locaux, un travail visant « à les sensibiliser sur les failles de sécurité ». « L’idée était d’anticiper la fin d’année qui est un moment crucial pour eux. Il s’agit d’éviter qu’ils se fassent voler leurs camions ou leur marchandise lorsqu’ils vont abonder les entrepôts », signale-t-il.
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Les producteurs sont invités à investir pour renforcer la sécurité des lieux de stockage et à installer des caméras de surveillance. « On leur explique ce qui doit être mis en place, on les sensibilise et on les avertit quand les modes opératoires évoluent. Nous, derrière, on se montre un peu plus, on met en place des contrôles à proximité de leur établissement, à des horaires atypiques, sur des carrefours intéressants. Il s’agit de montrer qu’on est à tout moment du jour ou de la nuit », révèle l’officier. « Cette année, il n’y a pas de vol à déplorer sur notre secteur », se félicite-t-il.