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Finale d’Eurocoupe : Comment l’Asvel « revit » grâce à sa « coconstruction » inédite entre joueuses et dirigeants

« Que chaque petite fille, chaque femme puisse réaliser ses rêves et devienne la capitaine de sa vie. » Le mantra qui accompagne Lyon Asvel Féminin, depuis quinze mois et son statut d’entreprise à mission inédit dans le sport français, porte ses fruits sur cette année 2022-2023. Le club lyonnais s’est quasiment assuré la première place de la saison régulière grâce à un éclatant succès (90-76), dimanche contre son plus coriace rival en Ligue féminine de basket (LFB), Bourges, le 18e de rang toutes compétitions confondues. Et ce, avant de disputer la première finale européenne de son histoire ce mercredi (20 heures) et le 12 avril contre Galatasaray, dans une Astroballe habituellement réservée aux basketteurs de l’Asvel, et quasiment à guichets fermés (5.560 places) pour l’occasion.

La situation était tout autre, en juin dernier, après la claque subie en finale du championnat de France contre Bourges (0-3), synonyme de deuxième saison consécutive sans le moindre titre. La direction de Lyon Asvel Féminin avait pourtant confirmé dans la foulée son entraîneur Pierre Vincent. « Il a encore quatre ans de contrat, on sait ce qu’on est venu chercher avec lui, assurait alors la présidente déléguée du club Marie-Sophie Obama dans L’Equipe. Les choses ne se font pas en un claquement de doigts, on a confiance en lui. » Dix mois plus tard, c’est avec David Gautier (43 ans), ex-joueur professionnel et actuel assistant en équipe de France féminine, que les Lyonnaises se sont totalement relancées.

« Les joueuses étaient toutes en dépression »

« A chaud, j’avais tenu à défendre Pierre Vincent qui était en première ligne, confie Marie-Sophie Obama. On avait ensuite pris le mois de juin pour tout mettre à plat. On reste un club jeune qui se construit petit à petit. La priorité était de retrouver de la joie, de l’enthousiasme, de l’initiative et de la cohésion, qui avait manqué durant toute la saison. On s’est rendu compte que c’était compliqué entre Pierre et les joueuses. » Très proche de Pierre Vincent depuis leur sacre commun à l’Euro juniors en 2000, le président de l’Asvel Tony Parker est même allé plus loin cette semaine dans Le Progrès : « Les joueuses ne voulaient plus jouer pour lui. Elles étaient toutes en dépression, et là elles revivent cette saison. » Au-delà du bilan comptable (seulement deux défaites en LFB, à un mois des play-offs, contre sept la saison passée), le club ne regrette donc pas son changement d’entraîneur estival. Ni son virage vers une plus grande collaboration entre dirigeants et joueuses, comme le statut d’entreprise à mission le suppose. Marie-Sophie Obama, dont « l’ambition ultime est de remporter un jour l’Euroligue », détaille cette réussite :

L’objectif est que chacune trouve sa place sur le terrain mais aussi en dehors. On pose tous les sujets et on en parle sans tabou On est vraiment dans la coconstruction de notre projet, ce mot prend tout son sens là. Dans le sport professionnel, les joueuses sont souvent infantilisées, mais elles sont des éléments majeurs de la réussite d’un club. Là, elles sont consultées sur les conditions de déplacement, sur le management du coach, et la voix des joueuses est portée et reçoit le plus d’ouverture possible de notre part. Quand on se sent plus impliquée et mieux comprise, on est plus efficace et on s’épanouit. »

C’est ainsi que cette saison, des joueuses lyonnaises ont notamment « pris l’initiative d’appeler leur copine Briann January » pour que l’expérimentée Américaine vienne effectuer en février une pige à la mène durant la blessure de la Belge Julie Allemand, encore forfait pour les deux matchs de la finale d’Eurocoupe (ischios). Une implication étonnante qui se ressent dans les performances affichées par les joueuses majeures, comme Marine Johannès, en perdition lors de la dernière finale de LFB (8 points de moyenne), et de nouveau rayonnante (14,3 points et 4,7 passes décisives par match).

David Gautier, en plein échange jeudi dernier avec Marine Johannès, avant une séance d'entraînement à Mado Bonnet (Lyon 8e).
David Gautier, en plein échange jeudi dernier avec Marine Johannès, avant une séance d’entraînement à Mado Bonnet (Lyon 8e). – Jérémy Laugier

« Une grosse remise en question »

« Le groupe va mieux donc individuellement on va mieux, et ça marche dans les deux sens, note Alexia Chartereau, elle aussi retrouvée cette saison (12,9 points contre 10,2 en 2021-2022). C’est un cercle vertueux, avec aussi le club qui fait énormément de choses pour nous sur l’extra-basket. Des changements ont été opérés à l’intersaison et il y a eu une grosse remise en question de tout le monde, à commencer par nous les joueuses. Ce 0-3 contre Bourges nous a toutes piquées, et on n’a vraiment pas envie de revivre ça. Là, on a réussi à retrouver les valeurs qu’on voulait défendre. On a du caractère, du cœur et une âme cette saison. Et puis les arrivées de Gaby Williams et de Sandrine Gruda nous ont apporté l’expérience de la gagne. »

David Gautier explique comment son management permet à son groupe de s’épanouir, avec les dix joueuses professionnelles à au moins 5,8 points (et 7,6 d’évaluation) de moyenne. « Le but est d’établir une relation de confiance et qu’elles affichent cette confiance sur le terrain pour pouvoir prendre du plaisir et exploiter tout leur potentiel, indique l’ancien entraîneur d’Angers. On cherche la bonne alchimie, et on sait que c’est toujours difficile d’obtenir la plénitude d’un effectif. Il faut que les filles soient dans le sacrifice, le partage des minutes et du ballon. Et il nous fallait trouver un style de jeu correspondant aux caractéristiques de nos joueuses majeures. »

Car à Lyon Asvel Féminin, ça ressemble à un embouteillage de talents, avec cinq joueuses clés de l’équipe de France, entre Marine Johannès, Alexia Chartereau, mais aussi Gabby Williams (12,8 points de moyenne, et même 21 contre Bourges dimanche), Sandrine Gruda (11,4 points et 9,5 rebonds), et Helena Ciak (8,5 points). Le retour de prêt l’été prochain de Marine Fauthoux (Basket Landes) va ponctuer la garantie de voir le club lyonnais retrouver l’Euroligue en 2023-2024, en raison du dispositif de la FFBB de prioriser dans l’épreuve reine l’équipe comptant le plus d’internationales tricolores.

Devant 16.000 Turcs déchaînés au retour ?

Pour autant, Lyon Asvel Féminin compte bien confirmer cette qualification sur le terrain, en ambitionnant même un triplé Eurocoupe-championnat-Coupe de France, avec une finale programmée le 22 avril à Bercy contre Basket Landes. De sacrées perspectives pour un club sacré champion à une seule reprise, en 2019, deux ans après avoir été repris par Tony Parker au bord de la relégation. Bien que régulièrement diminué par les blessures (dont celles de Julie Allemand et de Dominique Malonga contre Galatasaray), l’effectif lyonnais part à la conquête de cette finale d’Eurocoupe en aller-retour.

La Lyonnaise Alexia Chartereau, ici en défense lors du succès lyonnais à Brno (République tchèque), en décembre en Eurocoupe, a hâte de découvrir l'ambiance autour de ces deux matchs de la finale européenne, à Villeurbanne puis à Istanbul.
La Lyonnaise Alexia Chartereau, ici en défense lors du succès lyonnais à Brno (République tchèque), en décembre en Eurocoupe, a hâte de découvrir l’ambiance autour de ces deux matchs de la finale européenne, à Villeurbanne puis à Istanbul. – Patrik Uhlir/AP/SIPA

« Ce n’est peut-être que la petite Coupe d’Europe mais on a vraiment envie d’aller chercher ce titre pour le club, s’enthousiasme Alexia Chartereau. Ça va donner de gros matchs contre Galatasaray, avec une ambiance qui s’annonce dingue à l’aller comme au retour. » A ce propos, on n’est jamais déçu quand un grand rendez-vous de basket se profile à Istanbul. David Gautier confirme : « Les Turcs sont capables de fédérer de telles atmosphères incroyables. Les dernières informations qu’on a, c’est que Galatasaray va changer de salle pour jouer devant 16.000 supporteurs. Et il y aurait déjà 15.000 places de vendues ». Gratter quelques points d’avance, ce mercredi à l’Astroballe, ne serait peut-être pas du luxe, après tout.