Fête de l’Huma 2025 : Quelle hype à gauche pour la merguez ?
La 91e édition de la Fête de l’Huma se déroule au Plessis-Pâté (Essonne) ce week-end. À 4 euros, barquette de frites incluse, la merguez de la Fête de l’Huma ne connaît pas la crise.
La Fête de l’Huma : sa programmation culturelle et politique, ses stands aux multiples nuances de rouge et… son odeur de viande grillée. Parmi les allées du festival, qui célèbre sa 91e édition au Plessis-Pâté (Essonne) ce week-end, il est impossible de ne pas croiser un plat symbole de la lutte sociale. Effectivement, la merguez est associée à la gauche.
Cependant, contrairement aux cortèges de manifestations, ce n’est pas le met le plus en évidence. Les saucisses végétariennes, burgers, kebabs ou même la raclette (sur le stand du PCF du Rhône) lui font une concurrence notable. Pourtant, en grattant un peu, on finit par la retrouver. « Ça marche toujours aussi bien, confie un animateur du stand des communistes du Parisis (Val-d’Oise) durant le rush du service. Je pense que cela fait partie du folklore de la Fête de l’Huma, surtout pour ceux qui connaissent bien. »
« Je ne sais pas si la merguez est « de gauche », mais à la Fête de l’Huma, cela devient presque un symbole, renchérit Nicolas, la trentaine, attendant son tour dans la file d’attente. C’est aussi à gauche que le homard est à droite. » En tout cas, la merguez tire une partie de sa popularité et de son folklore de sa présence dans les manifestations. « Le stand de merguez est le restaurant des manifestants. Étymologiquement, le restaurant désigne un bouillon pour restaurer ses forces, explique Eric Birlouez, sociologue de l’alimentation. En manifestation, on dépense beaucoup d’énergie. »
Autre aspect clé : lorsque l’on commande une merguez, « on fait la queue ensemble, on discute, on affirme notre appartenance à la même communauté », souligne le sociologue. Une communauté formée en opposition à la bourgeoisie et ses dîners raffinés. « C’est un aliment emblématique de cette cuisine de rue populaire, ajoute encore Eric Birlouez. On ne se préoccupe pas trop de sa provenance ou de sa composition. Les élites méprisent ce côté gras, odorant, bon marché. Manger une merguez peut être une manière de revendiquer une distinction sociale : « J’affirme mon identité de prolétaire, de militant. » » Est-ce là l’acte de résistance ultime face aux restaurants gastronomiques et à ceux conçus par d’anciens étudiants en écoles de commerce ?
Selon l’expert, la merguez possède également une importance historique. Introduite dans les années 1950 lors des manifestations pour la décolonisation, elle revêt un aspect transculturel, voire inclusif. Dépourvue de porc, et avec à peine 5 % de végétariens en France, la merguez est un plat qui satisfait de nombreux palais. Vraiment ? « Je n’ai rien contre, mais étant végétarienne, je dois trouver autre chose », explique Loréna dans la file d’attente, scrutant le plan de la Fête sur son téléphone. L’impact écologique de l’alimentation, en particulier liée à la consommation de viande, demeure cependant un sujet de débat à gauche.
En passant devant le stand, les blagues sur Fabien Roussel, qui a ardument défendu la viande dans les médias, fusent. « Nous ne sommes pas encore passés au végétarisme, relativise Eric Birlouez. Cela touche principalement les classes instruites, urbaines, dans les centres-villes. Il y a eu une conquête sociale de la viande, les personnes modestes ont enfin eu la possibilité de consommer de la viande au quotidien. Aujourd’hui, en période de crise, c’est l’un des premiers manques que les gens déplorent. » À 4 euros, avec une barquette de frites incluse, la merguez de la Fête de l’Huma, elle, ne connaît pas la crise.

