Festival d’Angoulême : D’Hägar Dünor à Thorgal, pourquoi la mythologie Viking a-t-elle toujours inspiré la BD ?

Verra-t-on des drakkars amarrés sur les bords de la Charente ? Toujours est-il que la 52e édition du Festival International de la BD d’Angoulême (qui se déroulera du 30 janvier au 2 février 2025) va proposer une exposition dédiée à Vinland Saga, la cultissime série manga que Makoto Yukimura a consacrée à la mythologie Viking.

Et si c’est l’un des seuls mangakas à s’être emparé du thème des grandes sagas scandinaves, il a rejoint un nombre étonnant d’auteurs de BD à l’avoir déjà exploité : de la série franco-belge Harald le Viking, parue en 1958, à Asgard (2012) en passant par l’incontournable Thorgal, les Vikings ont depuis longtemps – et durablement – conquis le 9e Art.

Une iconographie puissante

Mais pourquoi les auteurs sont-ils à ce point inspirés par ces Scandinaves qu’on associe (trop) souvent aux raids sanglants qui ont amené les populations occidentales à les redouter ? « Parce que la figure des Vikings charrie une iconographie puissante et constitue, de ce fait, un réservoir dramatique stimulant pour les créateurs de fictions », avance Fausto Fasulo, le commissaire de l’exposition Vinland Saga.

Sylvain Runberg, scénariste de la série de vikings Hammerfall (éditions Dupuis), confirme : « Ces Scandinaves médiévaux revêtent un aspect guerrier, épique et brutal, donc propice aux récits de fiction et d’aventures. La mythologie nordique – Odin, Thor, Freya, les Géants, les Trolls, les Elfes – fascine aussi ».

« Faire du Astérix sans en avoir l’air »

Raconter un récit de Vikings peut aussi être « la promesse d’histoires pleines de brutalité, de mystère, de testostérone, sourit Hervé Bourhis, auteur de la drolatique série Ingmar. Pour ce qui est de la BD humoristique, j’imagine que c’est une façon de faire du Astérix sans avoir l’air d’y toucher. Avec un village, des casques et des baffes. Et peu de femmes ».

De fait, la BD et les Vikings entretiennent une vieille romance : on en a vu apparaître dès la fin des années 1950 dans plusieurs séries de bande dessinée franco-belges (Johan et Pirlouit, Le Serment des Vikings, en 1958, Astérix et les Normands, en 1966), mais aussi dans les comics (Le Thor de Marvel, en 1962, Hägar Dünor en 1973) jusqu’au manga avec Vinland Saga, donc…

« La mythologie scandinave est un sujet inspirant, avec des aspects, des thématiques, des angles très divers si l’on s’y penche un minimum, conclut Sylvain Runberg, qui a une formation d’historien. Les Vikings constituaient une civilisation très riche qui ne correspond pas à l’image de guerriers sanguinaires prêts à mourir au combat qu’on leur attribue souvent ».

Des héros qui cassent les clichés

Le Thorgal de Van Hamme et Rosinski – qui est probablement le Viking le plus célèbre de la BD (même s’il évolue dans un univers d’heroic fantasy) – a d’ailleurs contribué à déconstruire ce mythe très « cliché » puisqu’au gré de ses aventures, il est davantage devenu un altruiste qu’un barbare agressif et brutal…

Pour Fausto Fasulo, Vinland Saga porte aussi, malgré certaines scènes d’une grande violence, un regard « nuancé » sur la mythologie scandinave : « son auteur y questionne la notion d’héroïsme et observe une vraie distance philosophique et morale sur l’Âge viking. Il est réaliste sans être prisonnier d’une rigueur historique qui pourrait limiter la portée de son spectacle ».

Notre dossier « Bande dessinée »

Finalement, qu’on les voit comme des brutes épaisses ou comme une des populations médiévales les plus socialement avancées, les récits de Vikings nous émerveillent toujours un millénaire après leur apogée. Et la bande dessinée en est, pour notre plus grand plaisir, l’un des plus féconds terreaux.