Féminicide : « Possessif », « têtu », « fou de rage »… Qui est Mickaël, jugé pour le meurtre de Sandra ?
«J’attends beaucoup de ce procès, j’ai besoin de comprendre comment ça a pu arriver, je suis perdu », déclare tranquillement Mickaël. Le quadragénaire est jugé devant la cour d’assises de la Gironde, depuis ce mercredi et jusqu’à vendredi, pour l’assassinat de son ex-compagne Sandra, tuée à coups de couteau à son domicile de Bordeaux, le 2 juillet 2021. Une mise à distance des faits qui glace la salle d’audience. L’accusé reconnaît les coups mortels mais pas la préméditation. Il n’aurait pas supporté la rupture et les conditions de la garde de leur petite fille de 4 ans, et voulait des explications.
« Je vous informe que Sandra est décédée, elle ne va pas pouvoir donner sa version », rétorque sèchement la présidente du tribunal, abasourdie par le commentaire de l’accusé. C’en est trop pour la mère de la victime qui quitte subitement la salle d’audience, en pleurs. Le reste de la famille de Sandra, venue d’Espagne, serre les dents sur le banc des parties civiles.
« Je ne suis pas un violent »
Dans le box, Mickaël qui porte une barbe soignée et des cheveux longs s’exprime très bien, de manière calme et posée. Il répète à l’envi qu’il voulait s’expliquer avec Sandra et que c’est elle qui refusait le dialogue et proférait des « allégations fausses ». Et d’ailleurs s’il reconnaît les faits, tout en niant la préméditation, il les minimise constamment. Et à l’heure d’établir les responsabilités, il pointe facilement lors de l’instruction la justice, la police (qui n’ont pas entendu sa détresse de père séparé injustement de sa fille) ou même la mère de Sandra qui l’aurait « amenée sur la voie du conflit ».
Quand il est confronté aux « 55 plaies pénétrantes » relevées par les légistes lors de l’examen du corps de la victime, il considère que c’est « complètement fou » ne se rappelant pas des coups portés. Une amnésie qualifiée de « sélective » par le juge d’instruction qui note qu’il peut pourtant décrire avec précision le déroulé des faits avant et après les coups.
La présidente rappelle à l’audience qu’il a déjà été condamné, à l’âge de 20 et 21 ans, pour trafic de stupéfiants et qu’en prison, il a insulté un agent pénitentiaire puis caché de la drogue et un téléphone dans sa cellule, ce qui lui a valu des sanctions disciplinaires. « Vous faites ce que vous avez envie de faire et vous ne respectez pas la loi », commente la présidente. « Je ne me vois pas beaucoup de points communs avec les autres gens en détention, fait-il valoir sans se démonter. Je ne suis pas un violent mais plutôt un baba cool. »
« Des accès de colère »
L’accusé n’est pas toujours aussi calme si on en croit une partie du dossier où Sandra rapporte qu’il pouvait avoir des « accès de colère » depuis son accident de moto. Celui-ci survient en juin 2016 et lui inflige une sérieuse blessure au pied dont il garde des séquelles encore aujourd’hui. Il brise ses rêves de devenir pompier et assombrit son tempérament. Son parcours professionnel est instable jusqu’à ce qu’il se forme pour devenir ambulancier en 2018, mais il quitte son poste en septembre 2020 pour voyager en famille, après une rupture conventionnelle. Le projet tombe à l’eau brutalement, avec la survenue du Covid-19.
La vie de couple est aussi agitée. Sandra aurait confié à sa mère qu’elle voulait le quitter deux ans auparavant, mais il lui faisait alors du chantage au suicide. Après la rupture, dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021, il s’entaille d’ailleurs le torse et se casse une bouteille sur la tête, donnant lieu à une intervention de la police. Elle livre aussi à ses parents, qui viennent s’installer successivement avec elle dans sa petite échoppe bordelaise les mois précédant le drame, qu’il contrôlait les finances du couple et sa vie sociale. Lui décrit une « relation fusionnelle » à trois et impute le manque de vie sociale aux multiples déménagements du couple.
« Il a l’impression d’être dans son bon droit »
Après la séparation, elle reçoit plus d’un millier de courriers où il se montre « possessif » et « agressif », selon Sandra. Quand il est invité à se décrire lui-même à l’audience, il utilise des termes plus sobres comme « têtu » et « obstiné ». Le 21 juin 2021, la jeune femme alerte la justice sur le fait que les violences psychologiques et verbales continuent depuis la rupture.
Elle reçoit jusqu’à 80 messages par jour de son ex-compagnon. Dans l’un d’entre eux, en date du 7 juin 2021 et lu à l’audience par la présidente, il écrit : « Je vais attendre. Profite, tu paieras. » « Je ne sais pas de quoi il est capable, livrait Sandra, lors de l’un de ses nombreux dépôts de plaintes. Je ne pensais pas qu’il basculerait comme ça et j’ai le sentiment qu’il a l’impression d’être dans son bon droit. »
Notre dossier féminicide
Le 2 juillet 2021, il explique que, s’il s’est caché au milieu de la nuit dans une remise du logement de la jeune femme, alors qu’il était sous le coup d’un contrôle judiciaire lui interdisant tout contact avec elle, c’était juste pour discuter. Mais pour le juge d’instruction, les éléments réunis dans l’ordonnance de renvoi laissent à penser qu’il est « mû ce jour-là par une volonté de se venger, en lui tendant un guet-apens mortifère. » Le tribunal a jusqu’à vendredi pour se forger son intime conviction.