Féminicide de Mérignac : « Pourquoi son amant n’est pas là ? »… Devant les assises, l’accusé se présente en victime

«On est en France, en 2025, et les recherches n’ont pas été faites, s’insurge ce lundi Mounir B., au premier jour de son procès aux assises pour l’assassinat de sa femme, Chahinez. Pourquoi son amant n’est pas là ? Je vais me donner à 100 % pour démontrer et dénoncer l’association de malfaiteurs terroristes, des professionnels qui n’en sont pas à leur coup d’essai et essaient de me détruire. »
Tout de blanc vêtu, l’accusé de 48 ans a laissé le public interloqué après une première prise de parole qui a donné l’impression d’une inversion des rôles, où il s’attribue celui de la victime. Il est jugé jusqu’à vendredi pour l’assassinat le 4 mai 2021 à Mérignac, en Gironde, de la jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, sur laquelle il a tiré dans les jambes avant de l’immoler et deux délits connexes : la destruction du domicile familial par incendie, et le braquage avec une arme à feu d’un voisin, qui a tenté de s’interposer au moment du drame.
Chahinez invisibilisée dans son récit
Lorsque la présidente du tribunal Marie-Noëlle Billaud lui demande de présenter ses qualités et ses défauts, il répond : « Je ne mens jamais, je suis très gentil et très serviable. J’ai passé toute ma vie en gentleman. Mon défaut c’est que je suis têtu et j’aime communiquer, parler… » Quitte à se « disperser » un peu comme le dira l’enquêtrice de personnalité à la barre. Avec aplomb, il répond à la présidente qui tente de le recadrer en lui demandant s’il se considère comme quelqu’un de violent : « Dans ma vie, ce ne sont pas des gens extérieurs mais des gens que j’ai aimés et aidé qui me trahissent et m’écrasent. »
Au premier jour de cette audience, le fond de l’affaire n’a pas encore été abordé, pour se concentrer sur le parcours de vie de l’accusé. La présidente relève que l’accusé développe davantage sa vie avec sa précédente épouse qu’avec Chahinez. Il mentionne uniquement la naissance du fils qu’il a eu avec la victime, fait aussi remarquer l’avocate de la fédération nationale des victimes de féminicides, partie civile. Un récit qui invisibilise presque complètement Chahinez.
« Perception délirante de sa relation avec les autres »
Et c’est pour mieux mettre en avant sa souffrance à lui, les injustices dont il s’estime victime et dont il a envie de faire état. « Elle regardait YouTube pour savoir comment se débarrasser de moi, se plaint-il à la barre. J’avais beaucoup d’attention pour elle, je l’aimais à la folie et moi, elle ne m’a jamais aimé. Elle voulait m’empoisonner. » A l’écouter, elle avait fomenté un plan pour s’émanciper à ses dépens. « Elle était pauvre de chez pauvre et elle voulait devenir riche en France », a-t-il déclaré à l’enquêtrice de personnalité.
On apprend qu’il était aussi persuadé de l’infidélité de sa précédente épouse dont il se sépare en 2012 avant un divorce en 2015, l’année où il rencontre Chahinez en Algérie. Dans le dossier, les experts psychiatriques parlent d’une « perception délirante de sa relation avec les autres » et une tendance à l’interprétation paranoïaque.
La séparation avec sa première épouse était en lien avec des alcoolisations massives de Mounir B. selon celle-ci, et dans ces cas-là, il pouvait se montrer violent. Ce maçon de profession nie pourtant toute consommation excessive, pointant que cela l’aurait empêché de travailler. A deux reprises en 2004, il est néanmoins arrêté par la police, pour conduite en état d’ivresse. A l’époque des faits il était en arrêt de travail, après une blessure à l’épaule.
« La brûler un peu pour lui laisser des marques »
Dossiers des services sociaux à l’appui, la présidente du tribunal mentionne que Chahinez signale dès 2019 des violences conjugales. L’accusé rétorque en lâchant qu’elle battait ses enfants et ajoute qu’elle maltraitait même ceux qu’elle gardait en crèche en Algérie. « Il n’y a jamais eu de telles accusations contre Chahinez », le coupe la présidente.
Pendant l’instruction, il a reconnu les faits mais pas la préméditation. Il explique avoir « voulu la cramer pour tout le mal qu’elle et la justice lui ont fait », ajoutant vouloir « la brûler un peu pour lui laisser des marques de tout le mal qu’elle lui avait fait et lui faire la peur de sa vie ». S’il avait voulu la tuer, il explique qu’il aurait tiré dans la tête.
Une altération du discernement de l’accusé a été notée par les experts psychiatriques mais pas une abolition, ce qui supposerait une irresponsabilité pénale. Il ne souffre ni d’hallucinations ni de troubles bipolaires mais de troubles narcissiques. « Il s’est ancré dans un sentiment de persécution et se présente en victime de la police, de la justice et de son amour pour Chahinez », résument-ils. La confrontation à sa responsabilité dans les faits examinés par la cour d’assises jusqu’à vendredi est aussi selon eux « une nécessité ».
Mounir B. encourt la réclusion criminelle à perpétuité.