France

Féminicide de Mérignac : « Elle savait qu’il allait la tuer », témoigne la cousine de Chahinez

C’est l’air déterminé que Meriem, 44 ans, s’avance à la barre ce mercredi, devant la cour d’Assises qui juge Mounir B. pour l’assassinat de Chahinez, brûlée vive devant chez elle, le 4 mai 2021 à Mérignac, en Gironde. Lunettes à grosses montures noires et chemise ample rayée, elle est bien décidée à faire entendre la vérité et le calvaire enduré par sa cousine. « Je suis là pour défendre Chahinez, elle s’est battue pour vivre, pour elle et pour ses trois enfants », lance d’entrée celle qui était depuis 2018 sa proche confidente et dont on sent au débit rapide, l’empressement à témoigner.

Surveillée et contrôlée par son mari

Elle raconte l’emprise de Mounir B. sur son épouse qui cherche à contrôler au maximum ses relations sociales. « Elle devait nous appeler en cachette et quand il lui enlevait son téléphone, ses parents passaient par nous(les copines) pour avoir de ses nouvelles », raconte-t-elle. Il lui a aussi à plusieurs reprises déchiré ses papiers administratifs, si bien qu’elle avait fini par confier les nouveaux exemplaires à ses amies. Comme elle était venue d’Algérie en France avec lui, il considérait que les documents administratifs étaient à lui.

Très jaloux, il surveille constamment les déplacements de sa femme. « Quand elle marchait, il était tout le temps derrière », se souvient Meriem qui confie qu’elle-même, par crainte de lui, ne se garait jamais près de leur domicile quand elle venait voir sa cousine. Le harcèlement est journalier, « ce qui est confirmé par le bornage téléphonique », souligne Julien Plouton, l’avocat des parents de Chahinez. « Elle avait des contacts avec ses sœurs », note de son côté Anaïs Divot, l’avocate de l’accusé.

L’accusé est persuadé que Chahinez a un amant, ce que réfute catégoriquement sa cousine. « Elle ne voulait même pas refaire sa vie avec un autre mais juste vivre tranquillement avec ses enfants, lâche-t-elle. Elle n’avait pas le temps pour ça et il ne lui en a pas laissé le temps de toute façon… » Elle décrit un homme possessif qui voit en Chahinez un objet qui lui appartient. Sa jalousie confinait au ridicule puisqu’il pouvait même se révéler jaloux d’un chat ou d’un chien couché sur ses jambes.

Menaces et punitions

Après un entretien à Pôle emploi, il l’a harcelée de questions sur ce qu’elle avait bien pu dire à l’agent, refusant de croire qu’il s’agissait d’un rendez-vous professionnel. Ce soir-là, terrorisée, elle avait alors pris une chaise pour s’asseoir dans son jardin, afin que les voisins entendent ses cris s’il s’en prenait à elle. Elle a aussi confié à sa cousine que, parfois, elle se réveillait la nuit et qu’il était au-dessus d’elle, à la scruter. Chahinez a été « dame de cantine » jusqu’au Covid mais son mari n’a pas voulu qu’elle retravaille ensuite.

Il ne supportait pas qu’elle sorte dans le jardin sans son foulard et s’il le constatait, il la punissait en la privant de son téléphone par exemple. S’il n’a jamais frappé sa cousine devant elle, Meriem confirme aussi les violences physiques répétées. « Chahinez était tout le temps menacée, elle disait tout le temps qu’elle allait mourir, se remémore-t-elle douloureusement. Elle savait qu’il allait la tuer. » « Il lui disait :  » Je te tue et j’envoie ton cercueil en Algérie. » »

Une « méthode » de l’accusé

Au quotidien, il souffle le chaud et le froid. « Il a une méthode, il peut être très méchant, mais très doux aussi », estime Meriem. Il s’excuse toujours après ses accès de colère, notamment dans des lettres où il lui déclare son amour. Mounir avait promis à son épouse de faire venir son fils aîné Hassan, resté en Algérie, avant de se rétracter. Elle réussira finalement à ce qu’il la rejoigne, quelques jours avant les faits.

L’accusé a été incarcéré en 2020 pour violences conjugales. A sa sortie Chahinez a décidé de lui redonner une chance, au grand dam de sa cousine qui ne fait que lui conseiller de le quitter définitivement. Mais en mars 2021, Chahinez est convoquée par le juge des mineurs qui a reçu un signalement, émanant d’une personne s’inquiétant pour les enfants, dont le petit dernier est le fils de l’accusé. A partir du moment où elle a peur pour ses enfants, sa cousine se souvient qu’elle souhaite la séparation au plus tôt et elle réussit à lui faire quitter le domicile.

Les jours précédant le drame, le mari semble lâcher prise et laisse la jeune femme respirer un petit peu. « Elle était joyeuse, elle avait recommencé à sourire, se souvient Meriem. Mais à mon avis, il a évité de se montrer pour qu’elle reprenne confiance ». Après l’avoir épiée depuis une camionnette récemment achetée, qu’elle ne reconnaît donc pas, garée devant son domicile toute une journée, il passera à l’acte le 4 mai 2021 vers 18 heures, alors qu’elle sort de chez elle.

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Un ou deux jours avant sa mort, un huissier était allé chez la mère de Mounir B., en Algérie, pour l’informer de la procédure de divorce entamée par Chahinez.