France

Faut-il interdire l’utilisation de ChatGPT aux salariés ?

«Plug, baby plug », ironisait Emmanuel Macron pour conclure son discours d’inauguration du sommet pour l’IA au Grand Palais lundi 9 février dernier. Une façon de rappeler que la France – et l’Europe plus largement – ne pouvait pas se permettre de rater le coche de l’IA. C’était aussi l’occasion de partir sur des fondations collectives : à cette occasion, 61 pays ont signé pour une charte éthique sur l’intelligence artificielle.

Le lendemain, le mot semble avoir été passé dans la nouvelle salle Infinite du Grand Rex. Au cours de la conférence « AI for Business : 100 minutes pour transformer le business avec l’IA » organisée par le groupe Actual (partenaire de la rubrique Vie Pro de 20 Minutes), des dizaines de dirigeants se sont passé le relais pour exprimer leur enthousiasme et la nécessité de pleinement épouser ce virage en entreprise.

Des milliers d’offres d’emploi en un clic

Samuel Tual, président d’Actual, compare le bouleversement technologique de l’IA à l’arrivée de l’électricité : « Certaines entreprises ont fait le choix de rester à la bougie. » Mal leur en a pris. Pour celui qui est aussi vice-président du Medef, « intégrer l’intelligence artificielle n’est plus une option. Le pays accuse d’ailleurs un certain retard. » Dans les faits, les salariés se sont déjà emparés de la technologie. Une étude Artefact/Odoxa publié le 7 février révèle que 12 % des actifs français se servent de l’IA au travail. Une enquête de Salesforces, datée de 2023, une éternité dans l’univers de la tech, estimait que la moitié des salariés qui promptaient Chat GPT ou une autre IA générative, le faisaient au mépris des règles de l’entreprise. Si tant est qu’il y en ait ! Or rien ne garantit aujourd’hui que les envoyées dans les serveurs d’OpenAI restent strictement confidentielles. Erreurs, fuites, secrets industriels éventés, les risques sont conséquents et la méfiance de mise si l’on en croit Nicolas Leroy-Fleuriot, patron de Cheops Technology, et partisan convaincu de solutions made in France.

Face aux forces de frappe américaines et chinoises, et la menace qu’ils font peser sur les données des sociétés qui recourraient volontairement ou non à leurs services, le sommet de l’IA a été l’occasion de mettre en avant les fleurons français, Mistral AI et « Le Chat » en tête. Ces tenants d’une IA éthique et responsable, vont-ils mettre la concurrence au placard ?

Miser sur le fleuron ?

Possiblement, mais pas dans l’immédiat. Pour l’heure, les algorithmes bleu-blanc-rouge ne valent pas ceux de la bannière étoilée. « Je ne peux pas interdire à mes collaborateurs l’utilisation des outils IA étrangers tant que je n’ai pas d’options alternatives à leur proposer », reconnaît Samuel Tual. « Ça n’est pas dû à notre manque d’intelligence ou de capacités à innover. Ce qui nous manque aujourd’hui, ce sont les données. » Un retard qui tend cépendant a se réduire. Sesterce, entreprise française spécialisée dans le cloud, a récemment annoncé un investissement de 450 millions d’euros afin de créer un data center à Valence (Drôme). De façon plus large, le président de la République a annoncé « 109 milliards d’euros d’investissement » dans l’IA en France. Autant dire que c’est peut-être un peu tôt pour interdire les outils de Google, Microsoft ou OpenAi.

Une offre de formation à étoffer

Face à une technologie présentée comme incontournable, les services RH et informatique n’ont d’autre choix que de former les troupes à l’usage de ces nouveaux « I.Assistants ». Hubert Cariou, directeur des systèmes d’information pour Albéa (fabricant d’emballages cosmétiques) était également présent sur la scène du Grand Rex. Il y a présenté « Albert », leur « propre ChatGPT », une IA chargée d’épauler les équipes dans des tâches telles que l’analyse de contrats ou de document.

L’effort de formation s’est naturellement imposé : « On a suivi des webinaires sur l’utilisation de l’IA. On a obtenu de nos collaborateurs de ne pas divulguer d’informations sur nos clients, tels que leur mail ou leur numéro. Mais cette technologie évolue tellement vite qu’il faudra certainement qu’on en suive d’autres », constate le cadre d’Albéa.

Leïla Mörch, présidente de Convergence et également co-animatrice de l’événement, regrette une offre de formation encore trop confuse : « Je rêverais de voir arriver un site transparent qui recense les offres de formations de qualité ! Actuellement, il y en a trop et beaucoup ne sont pas assez bien, ni complètes. » Samuel Tual rejoint cette idée : « Enormément de métiers vont être concernés par l’IA d’une façon ou d’une autre et l’offre est sous-dimensionnée. » Avant d’être en mesure d’affronter les outils américains et chinois, il va donc falloir suivre des formations chez nous. Mais lesquelles ?