France

Faut-il avoir peur de Candida auris, ce champignon mortel et résistant qui sévit aux Etats-Unis ?

« Cordyceps ». Les fans de The last of us connaissent son nom, et les ravages de ce champignon parasite qui a décimé l’humanité. S’il s’agit évidemment d’une fiction, le Cordyceps existe dans la réalité, mais ne s’attaque potentiellement qu’aux insectes et autres araignées, pas aux humains. A la différence du Candida auris qui, lui, s’attaque bel et bien à l’Homme.

Aux Etats-Unis notamment, ce champignon microscopique est à l’origine ces dernières années de plusieurs foyers de contamination en milieu hospitalier, poussant les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) à lancer il y a quelques jours une alerte sur « la menace grandissante » qu’il représente. Ce champignon potentiellement mortel est à l’origine de contaminations en Europe et en France ces dernières années. Pour autant, dans l’Hexagone, faut-il s’inquiéter ?

Qu’est-ce que le Candida auris et quels sont les symptômes qu’il provoque ?

Il s’agit d’un champignon appartenant à la famille des Candida, à l’instar du Candida albicans, naturellement présent dans l’organisme et responsable de mycoses. Mais Candida auris, lui, n’est habituellement pas présent dans la flore humaine. Il s’agit de levures, des champignons unicellulaires, pouvant causer différents symptômes selon l’endroit où l’on s’infecte. « Candida auris peut notamment causer une infection du sang, d’une plaie, de l’oreille, des voies urinaires, des os ou des méninges (enveloppe du cerveau) », détaillent les autorités québécoises. Il a été identifié pour la première fois au Japon en 2009, lors d’un prélèvement réalisé au niveau du conduit auditif d’une patiente infectée, d’où som nom de « Candidas auris » (candidose de l’oreille en latin).

Et les symptômes varient en fonction de l’état des personnes infectées. Une personne en bonne santé peut ainsi en être porteuse et ne présenter aucun signe d’infection. En revanche, ce champignon s’avère dangereux pour les personnes au système immunitaire fragile, chez qui il peut causer de graves infections et entraîner la mort. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait ainsi, en 2022, son taux de mortalité entre 29 % à 53 % pour les cas d’infections invasives, classant ce champignon en haut de sa liste des 19 agents pathogènes fongiques prioritaires.

Pourquoi inquiète-t-il les autorités sanitaires aux Etats-Unis ?

Si Candida auris inquiète tant outre-Atlantique, c’est précisément parce qu’il est virulent chez les personnes les plus vulnérables et qu’il sévit principalement en milieu hospitalier, ce qui en fait une maladie nosocomiale particulièrement grave. « Les personnes très malades, qui portent des dispositifs médicaux invasifs ou qui séjournent fréquemment ou longtemps dans des établissements de santé, courent un risque accru de le contracter », explique le CDC.

Autre source d’inquiétude majeure, « il est résistant à plusieurs médicaments antifongiques couramment utilisés pour traiter les infections à Candida, souligne le CDC. Certaines souches sont résistantes aux trois classes d’antifongiques disponibles », rendant tous les traitements inefficaces. En outre, « il est difficile à identifier avec les méthodes standards de laboratoire, et il peut être mal identifié dans les laboratoires sans technologie spécifique, poursuit le CDC. Et une mauvaise identification peut conduire à une gestion inappropriée ». Or, le champignon « a provoqué des épidémies dans les établissements de santé ». Aux Etats-Unis, « les cas dépistés ont triplé de 2020 à 2021, pour un total de 4.041 contaminations identifiées », indique le CDC.

Existe-t-il un moyen d’endiguer sa propagation ?

Pour le CDC, la priorité, c’est « le dépistage. Il est important d’identifier rapidement Candida auris chez un patient hospitalisé afin que les établissements de santé puissent prendre des précautions ». « L’augmentation rapide et la propagation géographique des cas sont préoccupantes et soulignent la nécessité d’une surveillance continue, d’une capacité de laboratoire élargie, de tests de diagnostic plus rapides et d’un respect de la prévention et du contrôle des infections éprouvés », insiste le Dr Meghan Lyman, épidémiologiste et autrice principale de l’article du CDC.

Une lutte sanitaire qui passe aussi par des mesures d’hygiène. « Candida auris se transmet principalement par contact direct avec les mains contaminées d’une personne porteuse ou infectée, avec celles du personnel soignant, ou encore par contact indirect avec des surfaces et des objets contaminés », rappellent les autorités sanitaires québécoises. Hygiène des mains et des surfaces sont donc de précieux outils.

Faut-il s’inquiéter de Candida auris en France ?

En Europe, 327 cas ont été identifiés entre 2019 et 2021 dans cinq pays dont la France, rapporte Eurosurveillance, le journal européen dédié à la surveillance, l’épidémiologie, la prévention et le contrôle des maladies infectieuses. Dans l’Hexagone, à ce jour, seuls six cas ont été mis au jour.

Et la marche à suivre est bien définie. « Tout cas suspecté ou confirmé doit faire l’objet d’un signalement interne et externe, et les souches sont à envoyer au Centre national de référence Mycoses Invasives et des Antifungiques », rappelle le Haut conseil de la santé publique.