Facebook : Fact-checking, masculinisme, conservatisme… Pourquoi Mark Zuckerberg fait-il volte-face ?
Elle semble loin l’époque où Facebook était accusé d’être prodémocrate. L’entreprise, depuis rebaptisée Meta, s’était défendue en 2016 de tout parti pris politique, mettant en avant sa neutralité. Désormais, son célèbre patron Mark Zuckerberg abandonne ce vernis d’objectivité pour se lancer dans la gueule des discours d’extrême droite.
Après avoir annoncé la fin du système de fact-checking et un changement de sa modération aux Etats-Unis, le boss de la Silicon Valley poursuit un virage conservateur inattendu. Fin des programmes conçus pour favoriser la diversité du personnel chez Meta, propos sur un « monde de l’entreprise culturellement émasculé », regrets d’avoir « accordé trop de crédit » aux médias dans le passé… Ces prises de position « anti-woke » surprennent d’autant plus que Mark Zuckerberg « a souvent été présenté en opposition à Elon Musk, s’affichant comme quelqu’un d’équilibré, maîtrisé, qui pesait ses mots », note Francesca Musiani, chercheuse au Centre Internet et société (CIS) du CNRS.
Opération séduction de Donald Trump
Alors comment expliquer ce retournement de veste ? Plusieurs facteurs entrent sans doute en compte mais à une semaine de l’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche, comment ne pas faire un lien direct avec le retour du président républicain au pouvoir ?
En 2021, celui qui était alors ancien chef de l’Etat avait particulièrement mal pris son éviction de Facebook. En septembre dernier, alors candidat à sa réélection, Donald Trump avait même menacé le ponte de la tech américaine de « prison à vie » s’il venait à interférer dans la campagne. On assiste alors à une « espèce de tournant, de campagne politique et de séduction à l’égard de Donald Trump », analyse le sociologue Olivier Alexandre, spécialiste de l’industrie numérique, sur France Info.
Selon lui, le patron de Meta « essaie de sauver sa peau et sa boîte », tout simplement. Une note interne à Meta explique en effet que « le paysage juridique et politique autour des efforts de diversité, d’équité et d’inclusion aux États-Unis est en train de changer ». Mark Zuckerberg sent le vent tourner et prend le virage à 180°.
Faire ami-ami avec Elon Musk
« Mark Zuckerberg est un méga opportuniste qui est en train d’aller chercher le futur de l’écosystème de Meta, avec des discours narratifs en osmoses avec la liberté d’expression à la sauce extrême droite », résume Francesca Musiani. C’est aussi pour plaire à Elon Musk, qui s’est fait une place à la Maison-Blanche, que ce concurrent adopte les thèmes phares du patron de SpaceX.
Les deux hommes ne sont pas connus pour s’apprécier et leurs relations ne se sont pas améliorées quand Mark Zuckerberg a lancé Thread en 2023, en réponse directe au rachat de Twitter par Elon Musk. Maintenant que ce dernier est en position de force sur l’échiquier politique, « Mark Zuckerberg a été obligé de réviser sa copie », décrypte la chercheuse au CNRS. Loin de lui l’idée de marcher sur les plates-bandes du patron de X, n’ayant « jamais montré le moindre intérêt pour une carrière en politique », souligne encore Francesca Musiani.
Une nouvelle direction pour quatre ans
Ce virage s’inscrit dans un contexte. Celui de tout un panel de chefs d’entreprise dans la tech qui s’est prosterné devant Donald Trump promettant des millions de dollars pour son investiture. Plus généralement, « Mark Zuckerberg répond à un monde qui change, il s’adapte, l’ensemble des positions de la Silicon Valley a changé en qualité et en intensité », souligne alors Francesca Musiani. Et d’ajouter : « Il est au courant qu’au moins pendant quelques années, Donald Trump va asseoir l’environnement dans lequel Meta va évoluer. »
Notre dossier sur Mark Zuckerberg
Et après ? Dans quatre ans, rien ne dit qu’un autre personnage aussi sulfureux et à l’extrême droite sera élu à la présidence américaine. Si un démocrate revient au pouvoir, « il sera difficile de faire marche arrière pour Mark Zuckerberg, il a franchi des barrières », estime Francesca Musiani.