France

Face aux drones et Mig-31 russes, « il ne faut pas faillir »

Des drones d’observation d’origine inconnue ont bloqué le trafic aérien des aéroports de Copenhague et d’Oslo pendant quatre heures lundi. La Première ministre du Danemark a déclaré qu’il s’agissait de « l’attaque la plus grave contre une infrastructure critique » au Danemark.

Après les drones d’attaque en Pologne et les Mig-31 dans l’espace aérien de l’Estonie, des drones d’observation ont également survolé les aéroports de Copenhague et d’Oslo. Ces appareils, dont l’origine demeure inconnue, ont perturbé le trafic aérien de ces deux aéroports pendant quatre heures, ce lundi.

La Première ministre danoise a qualifié cette situation de « l’attaque la plus grave contre une infrastructure critique » au Danemark. Bien que Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, ait affirmé que la Russie n’était pas impliquée dans ces survols de drones, l’attention se tourne inévitablement vers Moscou.

« Des phases d’intrusion qui s’accélèrent »

Face à ces intrusions dans l’espace aérien des membres de l’OTAN, qui semblent viser à tester les défenses de l’alliance atlantique, Donald Trump a donné son autorisation, mardi soir, aux membres de l’OTAN de détruire les avions et drones russes qui pénètreraient dans leur espace aérien.

Plus tôt dans la journée, les 32 pays alliés avaient déjà annoncé qu’ils « emploieraient, dans le respect du droit international, tous les outils militaires et non militaires qu’ils jugeraient nécessaires pour se défendre et pour écarter toutes les menaces, d’où qu’elles viennent ». Par ailleurs, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, avait déclaré que la Pologne n’hésiterait pas à abattre tout objet violant son territoire et survolant le pays. L’OTAN semble ainsi hausser le ton face à l’agitation russe.

Guillaume Lasconjarias, historien militaire et professeur associé à l’université Paris-Sorbonne, a déclaré à 20 Minutes que ces intrusions par des aéronefs russes dans l’espace de l’OTAN ne sont pas nouvelles, mais qu’elles s’accélèrent. Il a souligné que ces dernières semaines, les occurrences se sont multipliées en un temps très court, ce qui suscite des inquiétudes. Il a particulièrement évoqué l’intrusion des drones en Pologne, qui est une nouveauté en raison de leur nombre et de la distance qu’ils ont parcourue à l’intérieur du pays.

Pour Lasconjarias, il y a une volonté manifeste de tester la réaction de l’OTAN. Il ne considère pas cette réaction comme trop passive, soulignant que l’OTAN a démontré sa capacité à réagir rapidement aux attaques, notamment grâce à sa police du ciel dans les pays baltes, qui a permis l’interception d’un Mig-31 par un F-35 italien. Concernant les drones, il a mentionné que les efforts sont en cours pour renforcer le flanc est avec l’opération Sentinelle orientale, tout en maintenant une posture défensive plutôt qu’agressive.

Louis Duclos, analyste géopolitique, a salué le « durcissement du traitement réservé aux chasseurs russes violant nos espaces aériens », en réaction à la déclaration du président américain. Il a ajouté qu’il est essentiel d’envoyer un message ferme à la Russie tout en évitant une escalade des tensions. Si de telles mesures avaient été prises dès le début, il n’y aurait pas eu de survols de drones en Pologne ni d’approches dangereuses de chasseurs à 10 km de Tallinn.

La solution de « l’escalade horizontale » ?

La question de savoir s’il fallait abattre un des Mig-31 qui ont violé l’espace aérien estonien fait débat. Guillaume Lasconjarias a noté que ces avions de chasse, potentiellement armés de missiles air-air, ne menaçaient pas directement des cibles au sol, d’où la nécessité de ne pas frapper. Étienne Marcuz, analyste sur les armements stratégiques, a également indiqué qu’il y avait matière à faire des plaintes et à tirer des coups de semonce, mais pas à abattre ces avions.

Cependant, Louis Duclos a souligné que si ces violations se poursuivent, il pourrait être nécessaire, au minimum, de leur passer un avertissement fort pour les dissuader de continuer à tester les limites. Il a affirmé : « On ne peut pas accepter que des avions russes violent ainsi l’espace aérien d’un membre de l’OTAN. » Il n’écarte pas entièrement la possibilité d’abattre un de ces chasseurs à l’avenir. « Un tel acte créerait bien entendu une crise sans précédent, avec des discussions sur l’armement nucléaire et la perspective d’une troisième guerre mondiale. Cependant, cela reste peu probable, la Russie n’étant pas en position de se battre contre l’OTAN, du moins tant que nous bénéficions du soutien américain. »

Guillaume Lasconjarias a également évoqué l’importance de gérer l’escalade et de répondre de manière proportionnée. Il a expliqué qu’il existe des phases de gradation face aux menaces aériennes, permettant de se rapprocher, de communiquer, d’illuminer et de tirer des coups de semonce. Il est crucial de conserver une dose de mesure et de garder son calme dans ces situations, car des mesures disproportionnées pourraient entraîner des conséquences également disproportionnées. L’OTAN pourrait également envisager de « répondre par l’escalade horizontale », par exemple en renforçant les capacités de défense aérienne de l’Ukraine.

La Russie teste l’Allemagne, bientôt la France ?

Quels sont les objectifs de la Russie en multipliant les incursions dans l’espace aérien de l’OTAN ? Étienne Marcuz estime que la Russie est consciente que toute agression contre une OTAN unie serait vaine. Ainsi, elle cherche à identifier les points faibles et à voir si des alliés pourraient être réticents à soutenir certaines actions. La Russie teste également les procédures et les temps de réaction de nos appareils, ce qui lui permettrait de connaître les faiblesses du dispositif en cas d’action militaire.

Il reste à déterminer si ces intrusions vont se poursuivre et de quelle manière. Louis Duclos est convaincu que cela se poursuivra, soulignant que nous n’avons pas atteint le « climax » de la crise, ce qui nécessite une réponse adaptée mais ferme. « Des drones qui traversent la frontière et des avions qui violent l’espace aérien, cela se produira à nouveau, c’est certain. La Russie a la capacité de lancer des drones d’observation depuis la mer, via des navires espions. Cela se produit régulièrement contre l’Allemagne, qui ne réagit pas, et cela pourrait tout à fait arriver contre la France, bien que notre aéronavale ne laisserait pas faire. »