« Excédée » par les pleurs du bébé, elle le tue avec du Destop WC… L’ex-employée d’une crèche privée de Lyon comparaît

Trois ans après les faits, la cour d’assises du Rhône juge à partir de ce mardi Myriam J., accusée d’avoir tué un bébé de 11 mois avec un produit toxique, du type Destop WC, dans une crèche privée à Lyon en 2022.
Un événement tragique qui avait marqué la France entière, braquant les projecteurs sur les crèches privées et permettant des enquêtes qui ont révélé leur fonctionnement « chaotique ». Vous l’essentiel à savoir avant l’ouverture du procès.
Que s’est-il passé ce 22 juin 2022 ?
Il est 7h45 quand un père de famille dépose sa fille, âgée de 11 mois, à la crèche Danton Rêve, du groupe People & Baby, dans le 3e arrondissement de Lyon. Ce matin-là, Myriam J. est seule pour s’occuper de la douzaine d’enfants qui doit arriver. A 8h10, lorsque deux mamans déposent leur fils, l’employée est paniquée : un bébé a ingurgité un produit toxique, – de la gouache, selon la première version de l’employée, – par accident. Il convulse et vomit.
Les pompiers arrivent quelques minutes plus tard. La petite fille, inconsciente, est transportée en urgence à l’Hôpital femme mère enfant de Bron. Malgré les tentatives de réanimation engagées, le nourrisson décède.
Comment le bébé a-t-il ingurgité du Destop WC ?
En fin d’après-midi ce même jour, la seule agente petite enfance présente à la crèche au moment des faits est placée en garde à vue. Après une explication douteuse sur la peinture, elle admet avoir « pété un plomb ». « Excédée par les pleurs de l’enfant, elle l’a aspergée, puis lui a fait ingérer volontairement un produit caustique », du Destop pour WC, précise le parquet de Lyon. La jeune femme assure qu’elle pensait « que le liquide était sans danger ». A la suite de ses aveux, elle est mise en examen pour « meurtre sur mineur de moins de 15 ans » et placée en détention à la prison de Corbas.
Son avocat de l’époque, Philippe Duplan, – elle est aujourd’hui représentée par une autre avocate –, assure alors qu’elle « n’arrivait pas à calmer le bébé qui pleurait » et qu’« elle a eu un geste malheureux et maladroit, qui a eu des conséquences très graves ».
De leur côté, les médecins légistes constatent une « ingestion massive » de ce déboucheur de toilettes par la victime, dont la tête était tenue, selon une source proche du dossier. « Ce n’était pas une cuillère à café », insiste cette même source auprès de 20 Minutes. Elle parle d’analyses médicales « terrifiantes », de brûlures corporelles très graves, « attaquant la chair » de l’enfant.
Qui est cette femme ?
Myriam était âgée de 27 ans à l’époque, habitant chez ses parents et n’avait aucun antécédent judiciaire. Titulaire d’un CAEPE, – un diplôme d’accompagnement éducatif petite enfance –, elle avait été recrutée en CDI dans la crèche Danton Rêve, où elle travaillait depuis le mois de mars.
Selon Les Ogres, l’enquête de Victor Castenet, la jeune femme avait été embauchée quelques mois avant le drame « par l’un des concurrents de People & Baby, Babilou. Ce groupe lui a fait signer un CDD le 21 février, avant de mettre fin à sa période d’essai… au bout de cinq jours seulement » pour des manquements.
Son ancien avocat, Me Philippe Duplan, parlait d’une personne « fragile » qui ne dormait plus à cause du placement en détention de son compagnon. Selon lui, elle n’était « pas très mature » et se révélait très dépendante. Myriam J. aurait été surmenée par le travail à effectuer dans ce domaine de la petite enfance où elle s’est retrouvée un peu par hasard.
Qu’attendre de ce procès ?
Sollicitée par 20 Minutes, l’avocate des parents de la très jeune victime indique que ses clients ne souhaitent pas s’exprimer avant l’ouverture du procès. Même chose du côté de la défense.
« Il va falloir que cette femme explique comment elle a pu maintenir la tête de l’enfant pour lui faire ingurgiter autant de soude caustique, c’est ahurissant », déclare Me Jean Sannier, avocat de l’association de protection de l’enfance Innocence en danger, qui s’est constituée partie civile. « Notre posture est délicate : l’idée n’est pas d’entraver l’intervention de la famille, qui va être bouleversante, et la responsabilité de l’accusée. Mais à côté de l’atrocité des faits, il y a tout de ce qui a permis à ce crime d’être réalisé », souligne-t-il, citant le livre de Victor Castanet.
Pour Me Sannier, ce qui est arrivé était « inéluctable à partir du moment on a créé ce genre de structures, plus légères que les crèches, avec du personnel moins qualifié ». Il développe : « On a créé un monstre dont le but est de faire de l’argent. Sauf qu’on ne le fait pas sur la sécurité des petits, ça pose un problème sociétal. Si Myriam n’avait pas été seule, l’enfant serait parmi nous aujourd’hui. Et comment ce profil aussi fragile n’a-t-il pas été décelé avant ? On a délaissé la petite enfance, et ces établissements ont besoin de bras pour fonctionner. »
Il questionne alors les « enseignements » tirés de ce drame. « Depuis janvier [2025], rien qu’à Lyon, trois microcrèches ont été fermées. Ce qui veut dire qu’en plus, le drame de Danton Rêve n’a pas été utile car on a continué à faire fonctionner ces établissements alors qu’on savait que ça pouvait être dangereux. On est prévenus depuis 2022 et rien ne change », pointe-t-il, évoquant pourtant le rapport de l’Igas sur le sujet.
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L’avocat veut élargir le procès à « la responsabilité de la société », alors que « l’atrocité de ce crime aurait justifié un électrochoc national ». L’accusée encourt la peine maximale de réclusion criminelle. Le procès se déroule jusqu’à jeudi.