France

« Être femme et musicienne sans être féministe, selon Marguerite »

Marguerite, âgée de 24 ans, sort ce vendredi son premier EP intitulé « Grandir », porté par le tube Les filles, les meufs. Elle affirme : « Le féminisme transpire dans tout ce que je fais, depuis toujours. »


Marguerite a rapidement trouvé sa place après sa sortie de « Star Academy » cet hiver. « Comme le dit Héléna [également révélée par le télécrochet de TF1] dans sa chanson, c’est un peu « tout a changé, rien n’a changé ». J’ai changé de métier et de quartier. Mes journées sont complètement différentes de celles d’avant. Mais je reste la même personne, j’ai le même entourage. J’ai juste un autre quotidien, d’autres habitudes », confie-t-elle à 20 Minutes. Ce vendredi, la jeune artiste de 24 ans publie *Grandir*, son premier EP emmené par le tube *Les filles, les meufs*. Entretien avec celle qui semble prête à s’imposer sur la scène musicale française.

### Cet EP s’intitule « Grandir ». Pourquoi ce choix ?

Il s’est imposé naturellement. J’ai écrit de nombreuses chansons et j’ai sélectionné celles que je préférais, qui avaient pour moi une cohérence ensemble. J’ai remarqué qu’elles abordaient des thèmes clés liés à la notion de « grandir » : trouver son identité, comprendre son fonctionnement, s’accomplir…

### L’« émancipation » pourrait-elle être considérée comme un fil rouge de l’EP ? On y évoque beaucoup l’éloignement des pressions faites aux femmes…

Absolument. C’est également ce que j’ai recherché toute ma vie pour me sentir grande, pour me sentir authentique et pour me sentir femme, selon mes propres critères. Je viens d’une famille très unie. Lorsque j’ai réalisé que mes proches, en plus d’être mes héros, étaient des êtres humains, cela a été un moment marquant. Il faut s’efforcer de se détacher. C’est vertigineux. C’est ce que j’évoque dans la chanson *La maison*.

### Le terme « féministe », que l’on associe souvent à votre image, le revendiquez-vous ?

Je suis profondément féministe. Le féminisme transparait dans tout ce que je fais, depuis toujours. Ma mère dit que je suis née avec des banderoles dans les mains (elle rit) ! J’ai toujours été fascinée par ces problématiques, peut-être parce que je suis la dernière fille après trois garçons et que ma grand-mère maternelle est une femme extrêmement forte. Dans les librairies, ce sont les livres traitant du féminisme qui m’intéressent. J’ai découvert qu’il existe une vaste partie de l’histoire et de nombreuses femmes qui ont été totalement invisibilisées. Je pense également qu’être une femme et faire de la musique sans être féministe, c’est impensable.

### Quels livres vous ont particulièrement marquée ?

Sur les conseils de mon père, j’ai lu *Les années* d’Annie Ernaux. J’ai ainsi été confrontée à l’écriture d’une femme qui parle de femmes et de sujets spécifiquement féminins, ou du moins liés au corps féminin. Cela a été un bouleversement, car je n’avais jamais lu un livre en ressentant dans mon propre corps exactement ce que le personnage vivait, en sachant que c’était un vécu que je pouvais partager avec l’autrice. Cela a été un véritable déclic. Depuis, je lis très peu d’œuvres écrites par des hommes. Je me suis tournée vers la littérature féministe en commençant par Lauren Bastide, qui m’a sensibilisée à l’intersectionnalité des luttes, par exemple. Cela a ouvert de nouvelles perspectives. J’ai ensuite exploré les travaux d’Ovidie, qui sont plus radicaux et tout aussi passionnants.

### Lancer votre carrière musicale avec « Les filles, les meufs », qui est en quelque sorte votre coming-out bisexuel, était-il une évidence pour vous ?

Je ne me souviens pas avoir pensé qu’il fallait que je le dise avant quoi que ce soit d’autre. C’est simplement la chanson de l’EP que j’aimais le plus et qui m’apportait le plus de bien-être. Je crois que j’aurais aimé entendre cette chanson quand j’étais plus jeune. Cela m’aurait beaucoup apporté.

### On a évoqué l’invisibilisation des femmes en littérature… l’invisibilisation des personnes bisexuelles existe aussi, même si elles représentent une grande partie de la communauté LGBT+. Avez-vous déjà été confrontée à la biphobie ?

Honnêtement, je considère que c’est une partie de la communauté LGBT qui reste assez privilégiée. Cependant, ce qui m’a frappée, c’est qu’après avoir fait écouter la chanson à une amie, elle m’a dit qu’elle ne connaissait pas d’autres morceaux abordant la bisexualité. Concernant les expériences de biphobie, je ne souhaite pas vraiment en parler. Mais cela m’est arrivé. J’ai vécu des situations désagréables, comme toute personne qui sort du lot.

### Dans « Snipeuse », vous chantez « Je tombe amoureuse de chaque jolie gueule ». C’est un propos peu commun dans des chansons interprétées par des femmes…

Il était essentiel d’aborder le désir féminin, qui est très peu représenté et souvent soumis à de nombreux jugements. J’espère que cette chanson permettra à des gens de se sentir forts. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai utilisé le terme de « snipeuse », un mot que l’on entend rarement au féminin.

### Vous avez donc un côté cœur d’artichaut ?

Oui, et c’est drôle que vous le disiez, car au départ, la chanson devait s’appeler comme ça. Mais nous avons pensé que ce n’était pas assez puissant. L’objectif du texte est d’exprimer la possibilité de ressentir dans mon corps la fascination et l’attirance, qu’elles soient éphémères ou non, que je peux éprouver pour certaines personnes. *Snipeuse* remet aussi en question ce désir permanent et cette intensité : que révèle-t-il de la solitude et du besoin de trouver chez les autres une forme de force pour soi ?

### Pensez-vous qu’il y ait un parallèle entre le fait d’être artiste et de chercher l’amour, platonique en l’occurrence, du public ? Cherchez-vous une validation dans le regard des autres ?

C’est une très bonne question, que je ne me suis jamais posée. Je ne sais pas, car je me sens tout de même très aimée. Mon entourage est en excellente santé, je reçois énormément d’amour au quotidien de mes amis, de ma famille… Je ne pense pas avoir été suffisamment abandonnée dans ma vie pour ressentir le besoin de chercher l’amour auprès d’un public que je ne connais pas personnellement. En revanche, ce que je recherche vraiment, c’est ce partage, cette communion, vivre ensemble et donner des rendez-vous.

### Lors de cette tournée, vous interpréterez les titres de l’EP, mais aussi d’autres morceaux ?

Les chansons de l’EP bénéficieront d’arrangements live, mais l’idée est aussi de faire découvrir des chansons qui ne sont pas encore sorties et de proposer des reprises. Le tout en racontant quelque chose de significatif.

### Participer à l’Eurovision représenterait-elle un projet qui vous tente ?

C’est amusant comme question ! Je suis flattée qu’on me la pose. Pour moi, c’est tout de même un concours où il faut avoir une performance vocale exceptionnelle. Je n’ai pas une voix très puissante et je ne sais pas si cela correspondrait aux attentes… Peut-être que cela pourrait m’intéresser dans quelques années. Mais pour le moment, je ne me sens pas capable de le faire, il y aurait trop de pression.

### Une nouvelle saison de « Star Academy » débute bientôt. Quel conseil donneriez-vous à la nouvelle promotion ?

Il serait banal de dire « soyez vous-mêmes », car je suis certaine qu’ils réussiront très bien sans ma suggestion. Alors, hydratez-vous ! Il faut vraiment boire deux à trois litres d’eau par jour. Et veillez à avoir un sommeil de qualité. L’émission est un marathon. Ce qui m’a permis de tenir, c’était de me concentrer sur mon hygiène de vie. Il y a très peu de choses que l’on maîtrise dans ce programme, il faut l’accepter, mais il ne faut pas négliger les aspects sur lesquels on peut agir.