Etats-Unis : Rouvrir Alcatraz comme le veut Donald Trump ? Cela aurait « un coût faramineux »

Avec sa fermeture vieille de plus de soixante ans et son relooking façon musée, la prison d’Alcatraz semble bel et bien appartenir au passé. Pourtant, Donald Trump vient de propulser l’îlot rocheux au cœur de l’actualité. Dimanche, le président américain a annoncé avoir ordonné la réouverture de ce centre pénitentiaire mythique situé dans la baie de San Francisco. Le chef d’Etat a expliqué vouloir la reconstruction de ce « symbole de loi, d’ordre et de justice » afin d’y « enfermer les criminels les plus dangereux et violents d’Amérique ».
Certes, Al Capone a goûté aux cellules de « The Rock ». Mais fermée en 1963, Alcatraz ressemble surtout à un vestige du passé. Et Franck Vindevogel prévient : « Ce projet aurait un coût absolument faramineux ». Hasard du calendrier, l’auteur de L’Amérique des prisons (Ed. Septentrion) est justement en pleine écriture d’un livre sur Alcatraz. Rouvrir ce pénitencier suranné est selon lui « complètement irréaliste ». D’autant qu’il avait justement été fermé à cause de coûts de fonctionnement bien trop élevés.
« Deux à trois fois » plus cher au quotidien
« Eau, nourriture, énergie… Tout le nécessaire au vécu du personnel pénitentiaire, tout comme des détenus, devait venir du continent ! », s’exclame Laurence Soula, maîtresse de conférences en droit à l’Université de Bordeaux et spécialiste des prisons. Des années 1930 jusqu’à sa fermeture, « The Rock » n’avait ni eau potable, ni électricité sur place. D’après le Bureau fédéral des prisons des Etats-Unis, ce sont donc environ 3,8 millions de litres d’eau douce qui devaient être acheminés par barge sur l’îlot… chaque semaine.
« En raison de son caractère insulaire, Alcatraz coûtait entre deux et trois fois plus cher qu’une prison classique de l’époque », abonde Franck Vindevogel. L’île n’était donc pas reliée au réseau électrique, et si bien qu’elle devait être produite sur place grâce à des générateurs fonctionnant au diesel… lui-même importé du continent. De plus, les bâtiments, frappés par les embruns et l’humidité constante, se détériorent plus vite qu’à terre. L’agence américaine de l’administration pénitentiaire estime que les travaux de restauration et d’entretien de l’établissement ont coûté entre 3 et 5 millions de dollars.
« Tout détruire et tout reconstruire »
Au quotidien, Alcatraz est donc un gouffre financier. Mais c’est sa réhabilitation en tant que prison qui coûterait le plus cher, selon Franck Vindevogel. « Avant de devenir une prison fédérale, c’était une prison militaire, construite il y a plus de 120 ans. A mon sens, il faudrait tout détruire et tout reconstruire. » Difficile d’évaluer avec précision combien une réhabilitation de « The Rock » coûterait, mais à titre de comparatif, la construction de la prison d’Elmore County, dans l’Alabama, est évaluée à plus d’un milliard de dollars.
Avec ses 4.000 places, elle est certes bien plus spacieuse qu’Alcatraz ne l’a jamais été, mais elle bénéficie aussi d’une implantation bien plus simple, loin des contraintes logistiques et environnementales de l’îlot rocheux. Pour un îlot de deux kilomètres de large, la facture semble donc bien salée. D’autant plus qu’aujourd’hui, « Alcatraz est un lieu touristique extrêmement fréquenté qui génère d’énormes revenus », glisse Laurence Soula. D’après le Service des parcs nationaux des Etats-Unis (NPS), le site rapporte 60 millions de dollars par an. Une manne financière dont il faudrait se passer si le lieu troque touristes pour détenus.
Saint-Pierre-et-Miquelon de l’irrationnel
« Ce serait un gaspillage phénoménal », tranche Franck Vindevogel. D’autant que, d’après lui, la « prison idéale » existe déjà. ADX Florence, ou United States Penitentiary Administrative Maximum Facility, a été inaugurée en 1994 dans le Colorado. Connue pour ses mesures de sécurité extrême, elle accueille les prisonniers les plus dangereux du pays – dont El Chapo – et est même surnommée… « l’Alcatraz des rocheuses ».
La conclusion est donc simple : « la réouverture d’Alcatraz ne reposerait sur aucune rationalité », lance Laurence Soula. Donald Trump a d’ailleurs rapidement nuancé sa première déclaration, assurant à des journalistes que c’était « juste une idée ». Une idée qui aura toutefois permis de mettre en lumière la facette répressive du président américain. Après tout, il n’est pas le seul à avoir ce type d’idée. Laurent Wauquiez a bien, lui, proposé un retour au bagne avec l’enfermement des « étrangers dangereux sous OQTF » sur l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.