Etats-Unis : Qui est Aaron Parnas, le journaliste indépendant qui informe la jeunesse américaine sur TikTok ?
À seulement 25 ans, Aaron Parnas est une référence pour des millions de jeunes Américains à la recherche d’une information rapide, claire, accessible. Mais ce n’est pas sur CNN ni dans le New York Times qu’on le retrouve. Il est sur TikTok, Instagram, YouTube ou encore sur la plateforme d’écriture Substack, où il s’est imposé comme une voix du journalisme indépendant outre-Atlantique.
Son parcours semblait tout tracé : diplômé en droit en 2020, il se destinait à une carrière d’avocat. Mais en février 2022, la guerre en Ukraine bouleverse ses plans.
Un virage radical vers l’info en temps réel
« J’avais de la famille en Ukraine. Ce qu’ils me racontaient ne correspondait pas toujours à ce que je voyais aux infos aux États-Unis. Les médias mettaient trop de temps à relayer les faits, explique-t-il auprès de 20 Minutes. J’avais l’impression que je pouvais le faire plus vite et mieux. Alors j’ai ouvert un compte TikTok et commencé à partager ce que ma famille me racontait à propos de ce qui se passait devant chez eux. »
Et l’impact est immédiat. Ses vidéos deviennent virales et des centaines de milliers de jeunes Américains commencent à le suivre. Près de trois ans plus tard, Aaron Parnas prend une décision radicale : il quitte le droit pour se consacrer à plein temps au journalisme indépendant. « J’ai ressenti – surtout après l’élection de novembre –, qu’il y avait une profonde méfiance envers les médias traditionnels. Pas forcément contre l’information en elle-même, mais plutôt à l’encontre de ceux qui la transmettaient. Je publiais une vingtaine de vidéos par jour depuis plus d’un an, j’ai donc fini par devoir prendre une décision sur la façon dont j’allais gérer mon temps. Finalement, j’ai atteint une stabilité financière qui m’a permis de franchir le pas, et je l’ai fait. »

2.5 milliards de vues en 2024
Aujourd’hui, Aaron Parnas cumule plus de 3,2 millions d’abonnés sur TikTok, 850.000 sur Instagram, 200.000 sur YouTube, 350.000 sur Substack. Il dépasse même certaines grandes chaînes comme MSNBC ou des émissions comme The Tonight Show en matière d’audience sur les réseaux. En 2024, ses vidéos ont généré plus de 2,5 milliards de vues sur toutes les plateformes, avec 171 millions d’utilisateurs uniques, dont 85 % sont basés aux États-Unis.
Contrairement aux médias dits traditionnels, il ne publie ni longs articles ni analyses et privilégie un format rapide : des vidéos de moins de 90 secondes qui résument chacune une actualité (souvent politique). Son objectif : rendre l’actualité compréhensible pour une génération qui ne veut plus passer des heures devant les débats télévisés. « Les jeunes ne regardent plus CNN. Ils ne veulent pas attendre trente minutes pour comprendre une info. Je leur donne en quatre-vingt-dix secondes ce qu’ils ont besoin de savoir », affirme-t-il. D’ailleurs, 40 % de ses abonnés TikTok ont moins de 34 ans, preuve du succès de son approche auprès des nouvelles générations.
« Après 20 minutes, une info devient obsolète »
Outre sa formule « une vidéo, une info », Aaron Parnas base son succès sur sa rapidité. « Une breaking news, c’est une info qui date de moins de vingt minutes. Après, elle devient obsolète », affirme le jeune homme. Convaincu que la vitesse est essentielle, il suit l’actualité en temps réel et publie souvent avant même que CNN ou Fox News ne réagissent.
Mais la circulation d’une news ne suffit pas. Être indépendant signifie aussi devoir garantir la fiabilité de l’information sans la structure d’une rédaction traditionnelle. Il assure que 80 % de son contenu provient directement des sources primaires, qu’il s’agisse de déclarations officielles de responsables politiques ou d’informations captées en direct sur C-SPAN (la chaîne de télé américaine qui diffuse en direct les sessions du Congrès, les discours politiques et événements gouvernementaux sans commentaire ni analyse). Pour les sujets plus complexes, il attend la confirmation d’agences comme Associated Press ou de journalistes locaux. « Pour les tragédies de masse, comme une fusillade ou un crash d’avion, au cours desquelles les informations affluent et changent sans cesse, il est plus important d’être juste que d’être le premier. Dans ces cas-là, je prends du recul et j’attends d’avoir des sources solides. »
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Le prix de l’indépendance
L’indépendance c’est donc l’autre pilier de son modèle. Contrairement aux grandes chaînes d’info financées par la publicité ou des groupes industriels, Aaron Parnas dépend uniquement du soutien de ses abonnés sur Substack. Cette liberté, promeut-il, lui permet de ne répondre à aucun autre intérêt que celui de son audience. « Je n’ai pas de rédacteur en chef qui me dit quoi dire. Mon seul objectif, c’est de donner des faits clairs et vérifiés », promet-il.
Mais tout cela un prix : le journalisme indépendant ne bénéficie pas des ressources d’une rédaction établie et impose une charge de travail constante. « Je n’ai pas vraiment d’équilibre entre vie personnelle et travail, confie-t-il. C’est le prix à payer quand on fait ce métier seul. Même les journalistes institutionnels n’ont pas vraiment de temps libre, car le cycle de l’information est permanent. »

La Maison-Blanche s’ouvre aux créateurs indépendants
Face à l’effondrement de la confiance dans les médias traditionnels – seulement 31 % des Américains leur font encore confiance en 2024, contre près de 70 % dans les années 1970 (sondage Gallup) – la Maison-Blanche a décidé d’ouvrir sa salle de presse aux podcasteurs et créateurs de contenus, marquant un tournant dans la reconnaissance des nouveaux médias. Aaron Parnas a postulé pour cette accréditation et n’a pas encore eu de réponse.
En parallèle, on l’a dit, les jeunes Américains se détournent massivement des médias classiques : près d’un sur cinq s’informe désormais en priorité via les réseaux sociaux, selon des données du Pew Research Center. Une évolution qui s’explique, selon Aaron Parnas, par la polarisation croissante des grands médias : CNN est perçu comme pro-démocrate, Fox News comme pro-républicain. « Ce n’est pas que les gens rejettent l’information des grands médias, mais ils ne font plus confiance à ceux qui la transmettent », analyse-t-il. Une fois par semaine, il invite ses contributeurs payants à une session de questions-réponses en direct. « Les gens ont besoin d’obtenir des réponses. Ils voient un flot d’informations en provenance du Congrès ou de la Maison-Blanche sans toujours savoir à qui se fier. Ces échanges leur permettent de poser des questions autrement que dans les commentaires ou autour de la table familiale », explique-t-il.
Aaron Parnas est convaincu que la frontière entre médias traditionnels et indépendants disparaît. « Je pense que le journalisme indépendant va devenir le journalisme mainstream. À un moment donné, ce que nous appelons aujourd’hui journalisme indépendant va devenir la norme ».