Etats-Unis : Le camp Trump se déchire déjà à propos de l’immigration, l’un des thèmes clés de sa campagne victorieuse
A peine élu, pas encore investi, Donald Trump est au cœur de la tourmente. Alors que sa campagne avait réussi à unir les Américains sur la question de l’immigration, le sujet pourrait aussi déclencher l’une des premières fractures entre la base populaire de son électorat et les dirigeants républicains.
La raison de cette discorde : l’accueil de travailleurs étrangers qualifiés par l’intermédiaire des visas H-1B, très utilisés dans la « tech » si chère à Elon Musk. « On parle de 700.000 personnes, majoritairement des Indiens, explique le politologue Jean-Eric Branaa, très qualifiés, malléables, et surtout déterminés à réussir aux Etats-Unis ».
Dans une interview au New York Post, Donald Trump a annoncé qu’il continuerait à soutenir ces visas, qu’il les avait d’ailleurs « toujours soutenus ». « J’ai de nombreux visas H-1B dans mes propriétés. J’ai toujours cru en ce programme. Je l’ai utilisé à de nombreuses reprises ». Dur à encaisser pour ses électeurs, moins qualifiés, qui demandent que les employés américains soient d’abord favorisés.
Pour Nicole Bacharan, historienne spécialiste des Etats-Unis, cette première fracture ne sera pas la dernière : « On sort d’une période électorale où Donald Trump a réuni une coalition très diverse, chacun ayant entendu quelque chose qui lui plaisait dans les nombreuses promesses de campagne ».
Elon Musk met le feu aux poudres
C’est bien Elon Musk qui a lancé le débat sur son réseau social X en pleine période des fêtes, alors qu’il discutait avec un sympathisant qui appelait à réduire le nombre de visas H-1B octroyés.
Le fondateur de Space X, irrité, a rétorqué que lui et beaucoup d’autres entreprises de la Silicon Valley profitent de ces visas, qui permettent de « rendre les Etats-Unis plus forts ». S’emportant dans l’insulte, il a assuré qu’il irait « à la guerre » pour que ces visas restent une priorité du gouvernement Trump.
Il a été rapidement soutenu par Vivek Ramaswamy, avec qui il préside le DOGE, un nouveau comité visant à réduire les dépenses de l’État américain. Le milliardaire d’origine indienne a fortement critiqué le manque de travailleurs étrangers qualifiés dans les entreprises américaines, évoquant même une « culture américaine de la médiocrité plutôt que de l’excellence ».
Des Trumpistes trompés
Levée de boucliers du côté des supporters historiques de Donald Trump, qui se sentent trahis après une campagne orientée « America First ». Pour Jean-Eric Branaa, auteur de « Trumpland, portrait d’une Amérique divisée », c’est un point de tension car beaucoup d’Américains s’endettent à vie pour obtenir des diplômes, et trouvent déloyal de se faire « doubler » par quelqu’un qui arrive de l’étranger.
De quoi énerver aussi ses proches plus nationalistes, très éloignés du monde de la tech, comme Steve Bannon, son ancien conseiller sulfureux, inculpé il y a deux ans pour avoir entravé l’enquête sur l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021. Ce dernier s’est contenté de se moquer d’Elon Musk, un « enfant » à surveiller.
Plus subtil, Stephen Miller, le futur conseiller immigration du gouvernement, a reposté sur X un ancien discours de Donald Trump du 4 juillet 2020, fête de l’indépendance des Etats-Unis, où l’ancien président louait les accomplissements de figures américaines comme Tubman, Armstrong, Presley ou Ali, ajoutant : « Aucun autre pays n’aurait pu produire ces héros ». Une manière de rappeler à Donald Trump ce qu’il défendait lors de premier mandat.
De quoi gâcher l’ambiance dans un gouvernement à peine nommé ? Pas pour Nicole Bacharan : « Au sein de son gouvernement, on sait qui va trancher, c’est lui. Il n’a nommé que des gens qui sont fidèles à sa personne avant tout, même si elles n’ont pas toutes les mêmes idées ».
Retournement de veste ?
Ce qui étonne d’autant plus ses électeurs, c’est que lors de son premier mandat en 2016, Donald Trump avait agi contre ces visas H-1B, réduisant leur nombre avant d’être stoppé par la justice et que l’administration Biden ne fasse marche arrière. Sur X, il disait refuser de « remplacer les Américains par des travailleurs étrangers moins chers ».
Pour Nicole Bacharan, la différence majeure avec 2016 est la présence d’Elon Musk aux côtés de Donald Trump : « Musk a très vite tiré la sonnette d’alarme, parce qu’il est conscient que la guerre des cerveaux est essentielle pour l’économie américaine ».
De quoi alimenter les théories selon lesquelles Elon Musk contrôle la Maison Blanche ? Depuis plusieurs semaines, opposants de tous bords font émerger l’idée que les derniers retournements de Donald Trump seraient dus à l’influence du propriétaire de Telsa, qui agirait avant tout selon ses propres intérêts.
Une influence à laquelle ne croit pas Jean-Eric Branaa : « Il n’est pas élu, il n’a aucun pouvoir, c’est simplement un conseiller très proche ». Des rumeurs qui risquent cependant d’agacer Donald Trump, qui pourrait à un moment se « débarrasser » du milliardaire de la « tech ».
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« C’est vrai que pour l’instant, Donald Trump ne peut pas se permettre d’être publiquement en conflit avec lui. Tant qu’il estime que le problème n’est pas majeur, comme ici, il le soutient, en attendant de voir la suite ». Au risque de perdre son soutien populaire ?