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Etats-Unis : « Femme », « race », « trauma »… Ces mots bannis des projets scientifiques

Tel le « Taz » de Tasmanie, Donald Trump ratisse tout sur son passage. Depuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier dernier, le 47e président américain s’applique à mettre en œuvre ses promesses de campagne en signant une tripoté de décrets dès sa première semaine dans le bureau ovale. Parmi eux, le démantèlement des programmes de diversité et d’inclusion du gouvernement fédéral (DEI), visant à chasser toute idéologie considérée comme « woke » des agences de l’Etat.

C’est ainsi que Darby Saxbe, professeure de psychologie à l’université de Californie du Sud, s’inquiète de ne pouvoir mener des recherches sur « l’inflammation systémique et la santé ». Afin d’appliquer le décret, la Fondation nationale pour la science (NSF), destinée à soutenir financièrement la recherche scientifique américaine, a fait passer une note interne encourageant les chercheurs à bannir certains termes de leurs travaux.

De « minorités » à « trauma »

Ce document interne, que le Washington Post a pu consulter début février, fait état d’une panoplie de mots qui risquent de faire annuler le financement d’une étude. « Activisme », « barrière », « défenseur », « bipoc » (pour « noirs, autochtones et personnes de couleur »), « équité », « égalité », « inclusion », « femme », « minorités », « stéréotypes », « trauma »… La liste, non exhaustive, a également été partagée par Darby Saxbe sur Bluesky tout comme le cheminement décisionnel pour couper les subventions envoyé aux responsables de programme de la NSF.

Ainsi, quand un mot est dans le titre, le résumé ou la description d’un futur projet, ce dernier risque d’être repéré puis signalé et enfin refusé. Il s’agit de recherches mais aussi des conférences, des formations, des ateliers ou « toute autre activité de subvention qui utilise ou encourage l’utilisation des principes et cadres de la diversité, de l’équité, de l’inclusion et de l’accessibilité (DEIA) ou qui enfreint les lois fédérales de lutte contre la discrimination », détaille le document cité par le Washington Post.

Des subventions dans la balance

« Si vous dites que vous allez étudier des hommes et des femmes, vous êtes repéré. Si vous dites que vous allez contrôler le statut socio-économique – une pratique tout à fait courante – vous êtes repéré. Le handicap ? Signalée. Le mot « systémique » figure sur la liste des interdictions, donc si j’étudie l’inflammation systémique et la santé, je suis signalée. Si j’étudie les sciences politiques, je suis signalée. Si j’étudie les traumatismes, je suis signalée », s’alarme la professeure.

Alessandro Rigolon, professeur associé en urbanisme, a également signalé les risques encourus si les mots « changement climatique », « émissions », « justice environnementale » et même « climat » apparaissent sur le titre d’une subvention, même si elle a déjà été obtenue. « Je n’arrive pas à croire que j’écris cela depuis les États-Unis d’Amérique », se désole le scientifique, dont le message a été repéré par Reporterre.

Une vision trumpiste de « l’intégrité scientifique »

Ted Cruz, président républicain de la commission du commerce du Sénat américain, a en effet identifié « plus de 3.400 subventions » totalisant « plus de 2,05 milliards de dollars de fonds fédéraux » destinés à des projets qu’il juge « douteux », sous l’administration de Joe Biden.

La nouvelle administration en place a donc décidé de « porter un coup de massue aux inepties de la gauche radicale » et de « mettre fin à la politisation du financement de la NSF pour rétablir l’intégralité de la recherche scientifique », argumente le sénateur du Texas dans un communiqué de presse publié le 11 février dernier.

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