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Etats-Unis : Espérant lever les sanctions et récupérer ses financements, l’université de Columbia cède face à Trump

Revirement de situation. Face à la menace d’une coupure définitive des financements fédéraux, l’université de Columbia (New York) a fini par accepter une série de réformes drastiques imposées par l’administration Trump, qui l’accuse d’avoir laissé prospérer des manifestations propalestiniennes et d’avoir failli à protéger ses étudiants face à des actes jugés antisémites.

La décision, officialisée vendredi dans une lettre adressée à Washington, marque un tournant spectaculaire dans un bras de fer engagé depuis plusieurs semaines. Le gouvernement avait gelé 400 millions de dollars de subventions à l’université de Columbia et conditionné tout retour à la table des négociations à des changements profonds dans la gouvernance de l’université.

Un tournant sécuritaire et idéologique

Parmi les mesures annoncées : l’interdiction du port du masque sur le campus, sauf pour raisons médicales ou religieuses, la création d’une force interne de sécurité composée de 36 agents spéciaux habilités à expulser ou interpeller des individus jugés perturbateurs, et l’adoption d’une définition institutionnelle de l’antisémitisme.

Columbia va également placer sous surveillance directe ses départements d’études sur le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Asie du Sud, en nommant un vice-doyen chargé de superviser les programmes, les recrutements et les contenus académiques. Une mesure qui, sans porter officiellement le nom de « mise sous tutelle », est perçue comme telle par plusieurs enseignants. « Cela ressemble à une forme de police de la pensée », a dénoncé Michael Thaddeus, un professeur de mathématiques à Columbia interrogé par le New York Times. « C’est une atteinte frontale à la liberté académique. »

Vives réactions dans le monde universitaire

Les concessions faites par Columbia ont provoqué la stupeur d’une partie du corps professoral, et inquiètent d’autres institutions. Alors que l’Université de Californie a annoncé cette semaine abandonner ses programmes de diversité espérant ainsi ne pas perdre de financements, plusieurs grandes universités, comme Harvard, Stanford ou Michigan, sont elles aussi dans le viseur du gouvernement fédéral, et redoutent désormais une escalade des pressions politiques.

« C’est un jour honteux pour Columbia, et une menace directe contre la gouvernance universitaire et l’excellence scientifique aux États-Unis », a réagi Sheldon Pollock, ancien responsable du département d’études moyen-orientales. Certains estiment néanmoins que certaines des réformes annoncées — notamment la gestion des protestations, ou la redéfinition des règles disciplinaires — étaient déjà à l’étude en interne, et ont simplement été accélérées sous la contrainte.

Mahmoud Khalil, militant propalestinien et ancien étudiant de Columbia, a été arrêté début mars par les services d’immigration, malgré son statut de résident permanent, suscitant une vive polémique aux États-Unis. De nombreuses manifestations sur le campus de Columbia réclament sa remise en liberté.
Mahmoud Khalil, militant propalestinien et ancien étudiant de Columbia, a été arrêté début mars par les services d’immigration, malgré son statut de résident permanent, suscitant une vive polémique aux États-Unis. De nombreuses manifestations sur le campus de Columbia réclament sa remise en liberté. - Robyn Stevens Brody/Sipa USA/SIP

« Nous restons guidés par nos valeurs fondamentales »

Dans une lettre, la présidente par intérim Katrina Armstrong a affirmé que Columbia agissait pour que « chaque étudiant, professeur et membre du personnel se sente bienvenu et en sécurité ». Tout en évoquant des « défis » qui « ne [les] définissent pas », elle a assuré : « Nous restons guidés par nos valeurs fondamentales : liberté académique, expression libre, respect de tous. »

L’université ne mentionne pas explicitement les 400 millions de dollars de subventions suspendues, mais amorce un virage stratégique après s’y être longtemps opposée. Vendredi soir, l’administration Trump n’avait pas encore réagi ni indiqué si les mesures annoncées étaient suffisantes pour rouvrir les négociations.

Une crise ouverte depuis octobre 2023

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le campus new-yorkais est le théâtre de mobilisations croissantes, opposant militants propalestiniens et soutiens d’Israël. Ces tensions ont conduit à des interventions policières, à la démission de la présidente précédente, et plus récemment à l’arrestation de Mahmoud Khalil, étudiant palestinien et figure du mouvement, placé en détention par les services d’immigration malgré son statut de résident permanent.

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Plusieurs organisations de défense des libertés, parmi lesquelles le Knight First Amendment Institute, ont dénoncé un danger grave pour la démocratie et la liberté d’expression sur les campus.