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Etats-Unis : A l’intérieur du Trumpverse… Plongée dans une nouvelle galaxie médiatique

Quand Donald Trump a repris le chemin de la Maison-Blanche en janvier, les regards se sont tournés vers les institutions médiatiques traditionnelles : comment allaient-elles couvrir le retour du milliardaire ? Mais en réalité, ce n’est pas là que se joue la bataille de l’info. Car autour de Donald Trump gravite désormais un univers autonome, consolidé pendant ses années hors pouvoir, et devenu aujourd’hui une extension directe de sa présidence : un réseau de médias alternatifs qui ne se contentent pas de le défendre, ils l’incarnent !

Salem News Channel, Real America’s Voice, Newsmax, Right Side Broadcasting Network (RSBN) : ces noms sont familiers à la base MAGA (Make America Great Again, slogan de Trump), mais restent largement ignorés par ceux qui s’en tiennent aux grands médias nationaux. Pourtant, leur influence est considérable. Ce que certains chercheurs appellent une « sphère publique parallèle » est désormais au cœur du dispositif politique du président des Etats-Unis.

De l’opposition à la co-gouvernance médiatique

« On assiste moins à une dérive qu’à une recomposition assumée de l’espace de l’information », explique Tristan Cabello, historien et politologue à la Johns Hopkins University. « Ces médias ne prétendent plus informer objectivement. Leur but est clair : entretenir une base électorale déjà conquise, alimenter le ressentiment, légitimer une vision du monde souvent marquée par la paranoïa, le complotisme ou la nostalgie d’une Amérique idéalisée. »

Nés ou renforcés dans l’opposition entre 2021 et 2024, ces médias n’ont pas simplement accompagné le retour de Donald Trump au pouvoir : ils l’ont préparé. Real America’s Voice est devenu, pendant la campagne, un canal direct vers l’électorat républicain. Accrédités dans les coulisses des meetings, ses journalistes filmaient Donald Trump sous ses meilleurs angles, devançant parfois les chaînes généralistes. Son lien structurel avec l’émission « War Room » de Steve Bannon lui a offert un rôle clé dans la construction du récit présidentiel, plus que dans sa couverture.

Des médias discrets mais omniprésents

Newsmax, quant à lui, a confirmé son statut d’acteur central après avoir refusé de reconnaître la victoire de Joe Biden en 2020. Ce choix éditorial risqué lui a permis de capturer une audience frustrée, que Fox News semblait abandonner. Depuis la réélection de Donald Trump, Newsmax n’a fait que renforcer son rôle. De son côté, Salem News Channel joue une partition plus discrète mais tout aussi stratégique. Porté par Salem Media Group, puissant conglomérat évangélique, le groupe héberge une constellation de podcasts et d’émissions où s’expriment les proches du président. Lara Trump y intervient régulièrement, et Salem a investi dans MxM News, une application cofondée par Donald Trump Jr.

RSBN, enfin, reste fidèle à sa formule originelle : retransmettre les apparitions du président Trump sans montage, sans commentaire, sans contradiction. Une immersion totale, assumée, dans le discours présidentiel. C’est, pour ses millions de spectateurs, la version la plus pure du trumpisme médiatique – et c’est précisément ce qui fait sa force.

Du contre-pouvoir au pouvoir de reconfiguration

L’enjeu dépasse la fidélité. Ces chaînes n’offrent pas seulement une couverture favorable : elles fabriquent une réalité parallèle, dans laquelle Trump n’a jamais vraiment perdu en 2020, où chaque enquête est une machination, chaque critique un complot. En retour, la Maison-Blanche s’appuie sur cet écosystème pour mobiliser, cadrer l’agenda, et verrouiller les soutiens. Les créneaux présidentiels sont coordonnés avec les programmes phares de ces chaînes. Les appels aux dons reprennent mot pour mot certains segments d’émissions. Des animateurs apparaissent dans les publicités officielles.

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« Le succès de ces médias s’explique aussi par les fautes du camp d’en face, juge Tristan Cabello. Il devient difficile de les blâmer totalement, surtout quand les grands médias mainstream, supposés garants de la vérité et de la transparence, ont eux-mêmes manqué à leur rôle. L’omerta autour de l’état de santé de Joe Biden, révélée par le livre de Jake Tapper, en est un exemple frappant. » Autrement dit, les médias trumpistes prospèrent sur le désenchantement généralisé, y compris parmi les électeurs modérés, lassés d’un journalisme jugé partial ou frileux.

Une polarisation médiatique à deux têtes

Mais Donald Trump n’a pas le monopole de l’écosystème alternatif. Selon Tristan Cabello, un autre réseau émerge à gauche, moins visible mais tout aussi déterminé à s’affranchir des circuits traditionnels : Democracy Now !, The Lever, Jacobin, ou encore Breaking Points dans sa version transpartisane. « Ces médias n’acceptent plus la centralité des vieux réseaux et veulent, eux aussi, imposer une nouvelle définition de ce qu’est « l’information légitime ». »

Notre dossier sur Donald Trump

En somme, Donald Trump ne gouverne pas seulement avec le pouvoir exécutif. Il gouverne aussi avec un réseau de validation en temps réel, capable de transformer chaque revers en trahison, chaque décision en victoire. Ce n’est pas un effet collatéral de son retour à la Maison-Blanche. C’est l’une des clés de sa stratégie.