Et si la France faisait comme la Belgique en proposant un contrat aux travailleuses du sexe ?
«Pour moi, c’est une avancée énorme ! », réagit Berthe de Laon*, 30 ans, travailleuse du sexe (TDS) depuis 2015, et coordinatrice de la fédération Parapluie rouge. Depuis le 1er décembre dernier, la Belgique est devenue le premier pays au monde à proposer un cadre social et salarial aux TDS leur permettant, à travers un contrat de travail, de bénéficier des congés payés, une assurance maladie et chômage et de cotiser pour la retraite, comme n’importe quelle autre profession.
« Vu la politique belge de décriminalisation du travail du sexe, c’est une suite logique de l’intégrer au droit du travail, souligne Berthe. Une situation quasi impossible à imaginer en France étant donné que l’activité est régie par la loi sur le proxénétisme. » Difficile, donc, pour elle, de « comparer » ou d’envisager avoir un contrat pour son activité car « on en est loin d’arriver à ce genre de politique en France ».
Intéressant pour certaines travailleuses du sexe, moins pour d’autres
Mais même si le contexte était autre, Berthe de Laon ne serait pas intéressée par ce genre de cadre qui sous-entendrait devenir salariée. « J’aime pouvoir gérer ma quantité de travail, quand j’ai envie de le faire, et sans obligation », assure-t-elle, étant travailleuse du sexe en « réel » en indépendante.
« Par contre, je suis certaine que ça peut intéresser beaucoup de collègues qui préfèrent travailler en salons et accéder, par ce biais, à des droits », affirme-t-elle. Selon elle, encadrer le travail du sexe, notamment virtuel, pourrait permettre aux TDS d’être plus indépendantes. « Actuellement, ces sites peuvent mettre les conditions qu’ils veulent et considèrent les TDS comme des prestataires de services. Elles se retrouvent alors en grande précarité si elles tombent malades par exemple. »
Un contrat, « oui mais pas pour tout le monde »
Ancienne TDS lorsqu’elle était étudiante, Hélène*, 26 ans, ne déclarait, quant à elle, jamais ses revenus. « Je recevais de l’argent en liquide et personne n’en savait rien. De mon côté, ça m’allait très bien de ne pas être reconnue », confie-t-elle. Elle raconte qu’elle gagnait « 200 euros l’heure » en passant par une plateforme et « tout allait directement dans [sa] poche ». « Ça m’aurait fait bizarre de devoir verser un pourcentage d’impôts de cette activité à l’Etat », admet-elle.
« Mais moi, je ne pratiquais pas en « full time » et pas de manière si professionnelle par rapport à d’autres, ajoute-t-elle. Je pense qu’en fonction du travail du sexe que tu exerces, le contrat est effectivement une très bonne option. » Pour elle, la loi belge est bien « oui mais pas pour tout le monde ». « Après, c’est un bon début pour améliorer les conditions de travail et protéger les TDS de manière générale. C’est nécessaire », appuie-t-elle.
Comment faire pour les travailleuses du sexe sans papiers ?
Les deux femmes soulèvent la problématique du contrat belge pour les personnes migrantes, sans papiers. « Est-ce vraiment avantageux pour elles ? Peuvent-elles avoir accès à des papiers ou vont-elles se retrouver dans d’autres réseaux pour continuer d’exercer ? », interroge Hélène.
Berthe, la coordinatrice de la fédération, souligne que la question ne se poserait pas en France si le gouvernement optait pour une décriminalisation du métier. « Si cette activité est reconnue comme un réel travail, ça permettrait aux personnes qui n’ont pas accès à d’autres types d’activités pour obtenir des papiers de faire potentiellement une demande de titre de séjour par le « sponsorship » de ce travail », souligne-t-elle.
Une augmentation des violences envers les travailleuses du sexe
Pour Hélène, la mesure belge ne serait finalement pas « suffisante » pour la France. « On n’a pas la même culture de la prostitution ici, on n’en est pas au même niveau, affirme-t-elle. Ce n’est pas parce que l’Etat te reconnaît que, d’un coup, les TDS vont être bien vues dans la société, surtout vu l’image qu’on a du métier en France et les violences que peuvent subir certaines TDS. »
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Les associations constatent effectivement une augmentation significative des violences depuis la loi de 2016, qui vise à « renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ». « Les conditions d’existence des TDS n’ont cessé d’être dégradées, notamment lors d’événements comme les JO 2024 », pointe Berthe. « Il serait grand temps de changer la loi et de proposer la décriminalisation pour avoir un statut protecteur mais aussi pour que la putophobie soit reconnue comme une discrimination réelle et que les plaintes soient prises au sérieux », conclut-elle.