Est-il dangereux de boire du Perrier ?
Ce n’est pas la première fois que la qualité des eaux mises en bouteille en France est mise en cause. Dans une première enquête de janvier 2024 du journal Le Monde avec la cellule investigation de Radio France, on apprenait que plusieurs industriels, dont Nestlé, qui possède la marque Perrier, auraient caché l’existence de polluants dans leurs sources, ensuite purifiées par des traitements interdits.
Le scandale ne faiblit pas pour la marque Perrier, de nouveau attaquée. D’après un nouveau rapport de l’agence régionale de santé (ARS) consulté par Le Monde et la cellule investigation de Radio France, les ressources en eau de l’usine de Vergèze située dans le Gard seraient polluées, nécessitant « un arrêt de la production ».
Qu’est-ce que cela veut dire pour les consommateurs ? Est-ce dangereux d’en consommer ?
Présence de pesticides, polluants et matières fécales
Pour Esther Crauser-Delbourg, économiste spécialisée dans les questions d’eau et cofondatrice du cabinet de conseil Water Wiser, il ne faut pas céder à la panique : « Ce qui est reproché à Perrier, ce n’est pas d’avoir commercialisé de l’eau polluée, mais de l’avoir filtrée pour la rendre consommable. » A cause de cette filtration « cachée » selon notre experte, l’eau perd sa qualification « minérale » dont les spécificités viennent de la source dans laquelle elle est puisée. C’est donc plus une question d’étiquette que de produit.
Comment expliquer cependant ces problèmes de pollution ? Pour la sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl, qui a participé à une mission sénatoriale en octobre sur le contrôle des traitements des eaux minérales, c’est un problème spécifique aux sources Perrier. « Ce sont des nappes phréatiques peu profondes et moins protégées par les sols, et qui sont donc plus sensibles que d’autres aux pollutions extérieures. On y retrouve donc pesticides, polluants et matières fécales. »
Des pollutions rendant le traitement de ces eaux obligatoires, ce qui pose alors d’autant plus la question de la traçabilité, un problème d’ampleur dans les usines Perrier selon la sénatrice : « Deux eaux différentes sont produites dans ces usines Perrier : l’eau minérale naturelle, puisée directement à la source, et l’eau Maison Perrier, traitée. »
Aujourd’hui, la question principale est donc de savoir laquelle de ces deux eaux est utilisée pour produire le Perrier. Difficile à déterminer selon Antoinette Guhl. Lorsqu’elle s’est rendue dans cette usine pour effectuer des contrôles avec les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle assure qu’il leur était impossible de savoir quelle eau était contrôlée.
L’eau minérale a-t-elle un futur ?
Pour Julie Mendret, maîtresse de conférences sur le traitement de l’eau à l’université de Montpellier, la question plus globale du modèle de production d’eau minérale française doit se poser. « La qualité de nos sources et de nos nappes phréatiques est en baisse, ce qui oblige les industriels à les traiter de plus en plus. »
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Impossible alors de conserver le label d’eau minérale ou d’eau de source. Pour l’experte, il faut abandonner « l’hérésie » du modèle actuel et privilégier l’eau du robinet pour tous. Le seul « avantage » de l’eau minérale étant d’être de source, si les conditions nécessitent désormais de la traiter autant que l’eau du robinet, il est essentiel, Julie Mendret, de s’en passer, pour éviter en plus la pollution plastique et le transport.