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Est-ce que vous aimez votre prénom ? La grande majorité des jeunes, oui, mais ça n’a pas toujours été le cas

Original, banal, moderne ou vieillot… Quel que soit notre âge, on pense tous et toutes quelque chose de notre prénom. Et 93 % des Français disent l’aimer, d’après une enquête* réalisée par Flashs pour IRSS, un organisme de formation aux métiers du sport, de la santé, du social et de la petite enfance.

Selon ce sondage, plus on est jeune, plus on aime la façon dont on s’appelle. Les 18-24 ans sont 59 % à affirmer l’aimer beaucoup, un chiffre qui baisse progressivement avec l’âge pour atteindre 37 % après 65 ans. François Bonifaix, psychanalyste et spécialiste des prénoms, l’explique par l’effet d’une « évolution dans la société ». « Aujourd’hui, on a plus tendance à reconnaître l’enfant dans son existence et la première façon de le faire, c’est en le nommant. Ainsi, les jeunes d’aujourd’hui aiment leur prénom parce que c’est un marqueur de leur identité, ils sont reconnus de cette façon. Ce n’était pas forcément le cas il y a cinquante ans », souligne-t-il.

Le choix du prénom façonne l’identité de l’enfant

L’auteur du Traumatisme du prénom (Dune 95) explique qu’à l’époque de nos parents ou grands-parents, le choix était limité. « C’était le calendrier des Saints ou souvent, dans les raisons du choix, il y avait des prénoms  »hommages », liés à quelqu’un en particulier », développe-t-il.

Pour lui, ce sont ces « raisons du choix » qui font que l’enfant va vouloir changer de prénom. « C’est difficile pour un enfant de s’approprier son prénom s’il ne connaît pas les raisons de ce choix, qui revient à une idée des parents, appuie-t-il. Parfois, on se retrouve enfermé dans ce projet et on ne peut pas aimer ce prénom parce que ce n’est pas réellement soi, c’est ce qu’attendent les parents. »

Mais que se passe-t-il, alors, lorsque l’on ne se reconnaît pas dans son prénom ? « Le prénom, c’est le titre du bouquin. Ne pas se l’approprier peut entraîner un mal-être profond », prévient François Bonifaix. Il cite l’exemple de Corinne, 60 ans, une de ses patientes, qui ne s’est jamais sentie en phase avec son prénom et préfère se faire appeler Coco. Idem pour Valérie, 40 ans, qui vit chaque appellation officielle comme une agression et préfère « Lili ».

Le psychanalyste précise que dans 90 % des cas, les patients qui souhaitent changer de prénoms le gardent finalement. « Ceux qui franchissent le pas, ce sont ceux qui ont hérité du prénom d’un grand frère ou d’une grande sœur décédé en bas âge et que c’est trop lourd à porter », indique-t-il.

Un parent sur deux avoue avoir pensé à changer le prénom de son enfant

Pour François Bonifaix, c’est donc « bien de voir » que 93 % des personnes interrogées aiment leur prénom. « Cela veut dire que les parents n’ont pas si faux et que les enfants arrivent à s’approprier », analyse-t-il.

Et pourtant, d’après le sondage, un parent sur deux a déjà pensé à changer le prénom de leur enfant. Le spécialiste confie avoir déjà été sollicité pour ce genre de situations. Une mère de famille lui avait confié ne pas « réussir à aimer ses enfants » parce qu’elle n’avait pas choisi leur prénom. « Mais changer le prénom d’un enfant de 4 ans n’est pas sans conséquence, lance le psychanalyste. Nommer, c’est faire exister. Imposer un nouveau prénom est un traumatisme ultraviolent qui peut bloquer le développement de l’enfant, qu’il ait 6 mois ou 4 ans. »

Il avertit : « Autant un adulte, on peut éventuellement changer de prénom mais un enfant, c’est surtout à ne pas faire. Même si vous vous rendez compte, avec le recul, que vous avez appelé votre fils Harry et que votre nom de famille est Zona… ».

« Plus on a un prénom original, plus l’intégration dans la société est difficile »

Effectivement, les « jeux de mots » font partie des critères de choix pour décider le futur prénom (pour 23 % des répondants). Avant cet aspect, il y a le fait de ne pas exposer son enfant à des moqueries (32 %) et la volonté de donner un prénom qui soit original (31 %).

Pour François Bonifaix, ce sont effectivement des points primordiaux à penser. « Un prénom original va faire quelqu’un à part, ça va être plus dur car plus on a un prénom original, plus l’intégration dans la société est difficile. Je pense à une fille dont le père qui s’appelait Guy voulait que les prénoms de ses enfants commencent par G pour avoir les mêmes initiales. Elle s’appelle Griselda… Dur à porter. Mais quelque part, c’est aussi un moteur. Dans des classes d’école, on se retrouve avec des Léa 1, Léa 2 et Léa 3. Et être la Léa 3 n’est pas sans conséquences pour la suite de la construction de l’enfant. »

Le spécialiste rappelle qu’aujourd’hui, il y a « un libre choix » qui n’empêche pas que « les vingt prénoms les plus populaires représentent 50 % des prénoms donnés ».

Le prénom peut aussi refléter la couche sociale

Au-delà de l’aspect personnel, le prénom influence aussi la perception sociale. D’après l’enquête, 27 % des Français avouent avoir « déjà jugé une personne sur son prénom sans la connaître ». « C’est le premier contact qu’on a avec quelqu’un, et cela joue beaucoup sur les attentes que l’on peut avoir », décrypte François Bonifaix.

Certains prénoms sont encore associés à des stéréotypes sociaux, analyse le spécialiste. Il cite les « Lenny », « celui qui meurt dans South Park » ou encore « Kenny » des années 1980, autrefois perçus comme « issus de milieux défavorisés, alors qu’on en trouve aujourd’hui parmi les médecins et ingénieurs ».

Notre dossier sur les sondages

« Un prénom peut peser, mais il peut aussi devenir une force », conclut François Bonifaix. Reste à savoir si la prochaine génération portera avec fierté les choix de leurs parents… ou si elle leur en voudra à son tour, comme 7 % des personnes qui ont répondu à cette enquête.