France

Entre « soumission », « peur » et Womanizer, nos lectrices expliquent pourquoi elles ont sorti les hommes de leur lit

« Un jour, je n’ai plus pu. » C’est par ces mots qu’Ovidie entame son dernier opus La chair est triste hélas (Ed. Julliard), sorti le 16 mars dernier. Dans ce qu’elle définit ni comme « un essai, ni comme un manifeste », « ni une leçon de féminisme, ni un projet de société », la réalisatrice et autrice explique pourquoi elle fait la grève des relations sexuelles depuis quatre ans. Ovidie assure ne rien avoir « contre les hommes », mais juste ne « plus vouloir coucher avec eux ».

Après Sophie Fontanel, qui, dans L’Envie, évoquait sa pause sexuelle, Ovidie parle ici de son dégoût pour une sexualité hétérosexuelle « au service des hommes et de leur plaisir ». Et c’est par ces mots, « les hommes sont la lie de ce monde », qu’Agnès ouvre le bal des dizaines de témoignages que 20 Minutes a reçu à la suite de son appel. Comme Ovidie, vous avez choisi de ne plus avoir de relations sexuelles avec des hommes ? Et la quadra répond un grand « oui », se montrant ensuite plutôt remontée contre ces hommes que, elle l’espère, « ses filles n’auront pas à supporter ».

« J’ai rompu avec les règles et cette vie hétéronormées qui m’asphyxiaient »

Elle ne mâche pas ses mots Agnès, comme Ovidie d’ailleurs, qui, dans son livre, confie « ne plus supporter tous ces mecs de gauche qui baisent comme des mecs de droite (…), sans jamais dénoncer la consommation des corps, sans penser égalité au lit ». Marjorie, elle, a quitté son mari voici deux ans et confie à 20 Minutes avoir « accéléré » la rupture parce qu’elle « a ressenti que c’en était assez ». « Je n’ai pas seulement rompu avec lui, c’est plus profond que ça. J’ai rompu avec les règles et cette vie hétéronormées qui m’asphyxiaient », assure notre lectrice de 38 ans.

Celle qui explique habiter dans une métropole confie qu’on la « taraude » avec Tinder, qu’on la presse et qu’on lui dit « que c’est du gâchis de ne pas « dater » ». Marjorie balaie les arguments : « je n’ai tout simplement plus envie de coucher avec eux pas parce que les hommes ne m’attirent plus sexuellement, mais parce que j’ai lu et je me suis questionnée sur le désir ou l’amour dans notre société patriarcale durant la crise du Covid-19. » 

« Je n’y vois que de la soumission »

Et Marjorie d’évoquer encore « la pression sociale qui dicte comment on doit se comporter au pieu », comme la majorité des femmes qui ont répondu à notre appel. « Ce sont tous les diktats de la société qui polluent ma vision des relations hommes femmes aujourd’hui (…). Le néolibéralisme n’est pas qu’économique pour moi, il est entré dans nos lits. Je n’ai pas envie de « m’adapter », « être flexible » et « agile » dans mes relations avec les hommes, je ne suis pas une start-up », ajoute-t-elle. Isabelle, elle, a tiré un trait sur le sexe avec les hommes, parce qu’elle en avait « ras le bol, un trop-plein comme si tout tournait autour de ça et de rien d’autre (…) comme si c’était vital ».

« Les hommes n’ont toujours pas compris les attentes des femmes (…), comme si l’apothéose de la relation était forcément le passage à l’acte sexuel, comme si la femme était leur objet, leur possession », analyse à son tour Muriel, 56 ans et divorcée depuis vingt ans. Même référence à la domination du côté de Valérie, 39 ans. Pour elle, « les relations sexuelles avec un homme, c’est terminé ». Le déclic lui est venu après un chantage au suicide de son ex-mari avec lequel elle était, écrit-elle « en mode automatique » : « Le sexe me dégoûte. Au final, tout ce qui compte, c’est faire plaisir à l’homme, assouvir son besoin, lui permettre de montrer son autorité. Je n’y vois que de la soumission. » Comme un écho à Ovidie qui, dans son livre, avoue avoir « repensé à ces innombrables rapports » auxquels elle s’était « forcée de consentir pour ne pas froisser les ego fragiles. »

C’est au tour de Marianne, 55 ans. Depuis cinq ans qu’elle s’intéresse « aux théories féministes », dit-elle, elle a compris qu’elle s’était « forcée toute sa vie à avoir des rapports sexuels » pour se « conformer aux injonctions hétéros patriarcales ». « J’ai laissé ces hommes se masturber à l’intérieur de moi, car ce n’était pas autre chose que ça », lâche cette mère de deux grands enfants qui « assume » son « asexualité depuis maintenant quatre ans ». Marianne a tenté « une ou deux fois une relation sexuelle hétéro, histoire d’être sûre », mais s’est dit qu’à chaque fois, au final, le « sexe n’était pas consenti ».

« J’utilise ma religion comme  »bouclier » pour leur échapper »

Trente-neuf, 45, 55, 57 ans. Les femmes qui témoignent ont un vécu. Comme Ovidie, elles ont eu le temps de réfléchir à leur passé. Alors de passage à Bordeaux, nous en avons profité pour nous lancer dans un petit micro-trottoir, près de la gare. La question n’est pas simple à poser, les réponses timides. Trois jeunes femmes âgées de 16 à 28 nous répondent finalement. « Avec les hommes, ce n’est pas simple. On a un peu la trouille », lâche Elisa, 18 ans. A côté d’elle, Louise abonde : « Je ne leur fais pas confiance et je n’ai plus trop envie de me retrouver seule avec eux ». « Franchement, je me dis que je ferais bien comme Ovidie si je pouvais, mais mon copain me met la pression pour coucher presque tous les soirs », confie la jeune femme sous le regard médusé de sa pote qui lui lâche un « bon, faut qu’on parle » avant de filer dans le tram.

Amel, 28 ans, qui a assisté à la scène, assure, elle aussi, qu’on l’a souvent « forcée, mine de rien », que les hommes qu’elle a fréquenté plus jeune lui ont toujours dit « que c’est comme ça que ça se passait : lui sur moi et dix minutes après c’était terminé ». « Je n’ai jamais pris de plaisir et depuis que j’ai vingt ans je n’ai pas retenté l’expérience parce qu’au final je me doute bien que ça ne devrait pas être comme ça. Moi aussi, je lis », avance la quasi-trentenaire d’origine algérienne. « Aujourd’hui, j’utilise ma religion comme  »bouclier » pour leur échapper, lâche-t-elle en riant (jaune). Et je me sens plus tranquille, plus en phase avec mes désirs, seule. »

« Mon vibromasseur n’exige pas d’abonnement au foot »

Parce que, comme Ovidie, Amel n’a pas abandonné le plaisir, le désir. Marie, 40 ans, non plus. Célibataire depuis plusieurs années, la quadra qui a répondu notre appel à témoignage à « un sex toy » qui lui donne « bien plus de plaisir qu’un homme ». Même chose du côté de notre Sylvie qui estime que l’on accorde « une importance ahurissante au pénis ». « Ce n’est qu’un accessoire de jeu parmi d’autres, et certainement pas le moyen le plus efficace pour avoir un orgasme », avance encore la quinqua épanouie, assurant gérer « très bien la situation toute seule ». N’oublions pas Agnès et son extrême sincérité : « J’assume d’avoir un vibromasseur qui est 100 fois plus performant et a plus de conversation qu’un homme. Il n’exige pas d’abonnement au foot et ne fume pas. Bon, il ne sort pas les poubelles et ne s’occupe pas des enfants mais, spoiler, les mecs non plus ! »

Même discours du côté de Nadine, 57 ans, qui préfère « se faire plaisir seule que mal accompagnée ». Anne, elle, a acheté un Womanizer sur les conseils de sa sexologue : « J’ai beaucoup aimé. Peu à peu j’en suis venue à me donner du plaisir et je n’ai plus eu envie de mon mari. » Un mari devenu ex, et qu’Anne n’a rapidement plus désiré avec la naissance de son bébé. « Je n’ai tout simplement plus eu envie de faire l’amour. Non pas par choix. Simplement cela faisait trop. Je travaillais à notre domicile, il ne m’aidait pas pour le travail de la maison, et la charge d’élever notre fille reposait essentiellement sur mes épaules », raconte celle qui était assistante maternelle.

« Beaucoup d’hommes ont envie d’avancer »

De nombreux internautes se sont offusqués de notre appel à témoignages (« cette haine anti hommes n’a aucun sens, l’article opposé ferait un tollé »). Certains ont appelé les hommes à se faire « respecter ». Malgré tout, Marjorie garde espoir : « Les évolutions qui sont apparues dans les médias offrent de nouvelles représentations des relations hommes-femmes, écrit la jeune femme de 38 ans. Je connais aussi beaucoup d’hommes qui sont ouverts et qui ont envie d’avancer. »

D’ailleurs Marjorie ne dit pas qu’elle ne reviendra « jamais dans le game », assurant « faire une pause et être très heureuse ». Muriel itou, elle qui est en « pause sexuelle depuis deux ans » et qui chérit son indépendance financière. Quant à Marianne, 55 ans, sa « sologamie » lui permet de prendre du temps pour explorer « la sororité » qui lui « apporte tout ce dont » elle a « besoin ». « Je garde toute mon énergie, mon soutien et mon écoute pour mes adelphes », ajoute-t-elle. Des écrits qui nous renvoient aux propos tenus par Amel : « Je me sens plus libre, plus sereine entourée de femmes, de mes sœurs ou des copines de ma mère. » Et la Bordelaise de conclure : « peut-être que demain, je me retrouverai encore dans un lit avec un homme », tout en sachant que demain, c’est loin : « Mais j’ai l’impression qu’il n’est pas né celui avec qui je prendrais un jour mon pied. »