Enlèvement de David Balland : « De nombreux cas en peu de temps », s’inquiète un détenteur de cryptomonnaies
Les cryptomonnaies n’attirent pas que des cybercriminels, mais aussi les convoitises bien réelles. Ce vendredi, sept personnes ont été présentées à des juges d’instruction en vue de leur éventuelle mise en examen pour l’enlèvement et la séquestration de David Balland, cofondateur de Ledger, une société spécialisée dans les cryptomonnaies. Lui et sa femme avaient été kidnappés mercredi dans leur domicile dans le Cher. Selon les éléments de l’enquête présentés par Laure Beccuau, procureure de Paris, les ravisseurs exigeaient spécifiquement une rançon en cryptomonnaie.
« Cette affaire crée une inquiétude, d’autant qu’il y a eu de nombreux cas en peu de temps ces derniers temps », regrette Thibaut Boutrou, cofondateur de la plateforme d’investissement en crypto Meria. David Balland n’est pas le premier à avoir été pris pour cible. Tout comme les footballeurs ou les influenceurs, les personnalités du secteur ou leurs proches font maintenant l’objet d’attaques spécifiques. Quelques jours même avant cette affaire, Owen « Hasheur » Simonin, créateur de contenu en lien avec les cryptos et l’autre cofondateur de Meria, expliquait sur BFM Business avoir été victime d’une agression chez lui. « Quelqu’un a trouvé l’adresse de mon domicile et est rentré avec une arme à feu », témoigne-t-il. Le soir du réveillon du Nouvel An, « TeufeurS », un influenceur crypto basé à Dubaï, a vu son père kidnappé pour le forcer à payer une rançon.
« Le risque zéro n’existe pas »
Dans le récap de l’année 2024 sur son blog, le spécialiste des cryptos Jameson Lopp, souligne une augmentation des attaques physiques corrélées au cours de la valeur de ces actifs. En 2024, les agressions recensées sont reparties à la hausse, note-t-il également. « Je m’attends à ce qu’on atteigne un pic sans précédent en 2025 des attaques physiques contre les propriétaires de bitcoin et leurs familles », redoute-t-il.
« On fait beaucoup d’éducation et de formation interne, même si le risque zéro n’existe pas », assure le cofondateur de Meria. Parmi les conseils qu’il partage, ne pas exposer sa vie privée ou ses déplacements sur les réseaux sociaux, sensibiliser ses proches sur ces sujets, mais aussi ne pas porter de vêtements identifiés « crypto » dans la rue, y compris lorsque l’on se rend sur des salons ou des événements.
Des fonds faciles à intercepter
Et si les criminels espéraient que les pressions physiques leur permettraient de devenir riches, ils devront revoir leur plan. « Des personnes crédules pensent qu’on dispose d’argent, et que comme ça, en un clic, on peut libérer cet argent », racontait Hasheur à BFM Business, expliquant que l’agresseur « espérait tout simplement que j’aie une clé USB sur mon bureau avec de l’argent ». Lors de la séquestration de David Balland, « une partie de la rançon a été versée dans le cadre de la négociation » entre ravisseurs et forces de l’ordre, a expliqué Laure Beccuau, mais « la majorité des cryptomonnaies ont été saisies et gelées ».
Thibaut Boutrou explique que des mesures de sécurité existent déjà. « Pour débloquer des fonds au-delà d’un certain plafond, il faut une tierce personne, illustre-t-il. Et si les ravisseurs saisissent des cryptos, ils vont généralement vouloir la convertir en euros ou en dollars sur des plateformes centralisées, qui ont des obligations de collaborer avec les autorités. » « Le bénéfice est nul à chaque fois. Mais cela peut aussi être perçu comme un manque de coopération de la part des victimes et augmenter les tensions avec les criminels », alerte aussi le cofondateur de Meria.
Et si Thibaut Boutrou relève que la France possède déjà des services de police performants pour lutter contre les infractions en ligne, comme l’office anti-cybercriminalité créé fin 2023, il espère que la justice sera toute aussi tranchante : « Il faut faire en sorte que le jeu n’en vaille pas la chandelle, afin de dissuader un maximum. » Dans l’affaire de l’enlèvement de David Balland, l’enquête a été ouverte pour des crimes faisant encourir la réclusion criminelle à perpétuité et un million d’euros d’amende.