En cuisine, les épluchures des fruits et légumes ne comptent pas pour des prunes
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Qui a dit que les épluchures étaient condamnées à finir à la poubelle ? Si manger la peau des pommes, des poires ou des courgettes est une habitude répandue, nous sommes nombreux à jeter celle des autres fruits et légumes sans imaginer les trésors qu’elles représentent. Pourtant, les peaux d’orange, d’oignon, de gingembre, de banane ou de mangue ont aussi de la valeur et nous veulent du bien, à condition de prendre quelques précautions pour les consommer sans risque.
« Dans la peau des fruits et légumes, il y a des fibres alimentaires », pose Landry Courbet, diététicien nutritionniste et créateur de contenu pour lutter contre la mésinformation autour de la nutrition sur les réseaux sociaux. Un apport en fibres d’autant plus important que les Français en manquent : d’après une étude sur l’évolution des habitudes et des modes de consommation publiée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) en 2017, ils n’en consommeraient qu’en moyenne 20 grammes par jour, bien loin des 30 grammes par jour recommandés.
Une meilleure santé artérielle
La peau des fruits et légumes est également riche en minéraux, comme le potassium, et en antioxydants. « Sur la carotte, on a 50 % d’antioxydants en plus dans la peau qu’à l’intérieur », illustre Landry Courbet. Antioxydants parmi lesquels on retrouve la vitamine C, le bêtacarotène et les polyphénols, ces derniers ayant notamment des effets bénéfiques sur la fonction endothéliale, « en gros, la santé artérielle », explique le diététicien nutritionniste.
« Une étude a été faite avec un groupe qui consommait la pomme avec la peau et un autre sans, et on a remarqué que la fonction endothéliale était améliorée dans le groupe qui avait consommé la peau », poursuit-il. Le spécialiste invite tout de même à « toujours raisonner en portion » : « On peut dire qu’il y a plus de vitamine C dans la peau d’une carotte, mais la carotte est à la base très pauvre en vitamine C, donc ce n’est pas toujours pertinent. »
Des recettes sans se prendre le chou
Si le diététicien s’en tient à la peau des « aliments courants comme les pommes, les carottes ou les courgettes », d’autres poussent l’expérience encore plus loin et vont jusqu’à imaginer de vraies recettes à base de peau et de restes de fruits et légumes, même les plus insolites. C’est le cas d’Aurélie Thérond, cuisinière et autrice de L’épluchure, la fane et le trognon paru en 2021 (éd. de La Martinière) : « On peut facilement faire des chips avec les épluchures, notamment des pommes et des pommes de terre. Les peaux de carottes font aussi des chips assez rigolotes, qui ressemblent à des ongles de sorcière orange. » Une méthode qui permet de ne pas détruire les minéraux et certaines vitamines qui ont tendance à se diluer dans l’eau, souligne Landry Courbet, qui précise que d’autres vitamines, sensibles à la chaleur, peuvent se perdre dans le processus.
Autre technique pour recycler ses épluchures : les mixer, soit une fois séchées pour en faire « une poudre à mettre dans un bouillon » ou parfumer du sel, soit telles quelles « pour agrémenter un cake salé, notamment les courgettes ou les concombres qui rajoutent un peu de fraîcheur et de vert », énumère Aurélie Thérond. Dans son livre, la cuisinière propose aussi de préparer un pesto de peaux de carotte ou d’épluchures de courgette, un houmous de cosses de petits pois, des écorces d’agrumes confites, de la confiture d’écorce de melon…
Et si on ne mange pas directement les épluchures et peaux de nos fruits et légumes, il est toujours possible d’en extraire le parfum. Pour les fans de boissons, « on peut faire quelque chose de fruité, légèrement sucré et sans trop de cochonneries en faisant bouillir des peaux de fruits dans une casserole pendant une dizaine de minutes », propose Aurélie Thérond. Le procédé marche aussi avec les pelures de légumes, dont on peut faire de bons bouillons « intéressants sur le plan des minéraux », d’après Landry Courbet. Amateurs d’alcools, vous serez aussi servis : « On peut garder la peau de la mangue et de l’ananas, sur lesquelles il reste toujours un peu de fruit, pour la faire macérer dans de l’alcool, du rhum par exemple, et l’utiliser dans un cocktail ou pour parfumer un gâteau. »
Attention aux pesticides
Si vous voulez consommer la peau des fruits et légumes, il faut garder à l’esprit que c’est là que la concentration en pesticides est la plus forte, même si elle reste en théorie dans les normes fixées par les organismes de sécurité alimentaire. Le dernier rapport de l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, sur les résidus de pesticides dans les aliments a établi en 2023 que « 96,1 % des échantillons [près de 88.000 prélevés dans toute l’Union européenne] se situent dans les limites autorisées par la loi ».
Il n’empêche que des traces sont toujours présentes et la précaution reste de mise. Pour limiter le risque, il faut impérativement rincer les fruits et légumes à l’eau et bien les frotter avant de les consommer ou les préparer. Si certaines études recommandent d’utiliser du bicarbonate de soude, la littérature scientifique n’est pas très fournie sur le sujet et aucun procédé ne semble formellement efficace pour éliminer les résidus de pesticides. Landry Courbet conseille donc de manger « des produits de saison, idéalement produits en France car les normes y sont plus strictes que dans d’autres pays, voire local ». La meilleure solution reste encore de consommer bio, ce mode de production étant « optimal si on veut manger la peau des fruits et légumes », appuie le diététicien.
Alors, si l’envie vous prend de vous lancer dans l’utilisation de vos épluchures, c’est le moment ou jamais : « C’est bien de commencer en hiver parce que c’est la saison des agrumes, abonde Aurélie Thérond. On peut faire des orangettes et des citronnettes avec la peau, ce n’est pas très compliqué et c’est super bon ! »