Education nationale : Mais pourquoi 92 % des enseignants dépensent 300 euros par an pour leur classe ?
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Trop peu de moyens, trop impliqués, ou les deux ? Les enseignants ont tendance à ne pas lésiner sur les moyens pour donner la meilleure pédagogie à leurs élèves, au détriment, parfois de leur compte en banque. Selon une étude de Tralalere, entreprise spécialisée dans les ressources pédagogiques, auprès de 1.787 enseignants, les dépenses personnelles sont monnaie courante et ce n’est pas forcément une bonne chose.
« J’en viens à faire mon budget personnel en prenant en compte ce que je vais devoir dépenser pour mes petits », alerte Anne-Marie, une enseignante de CP de la région de Bordeaux. Elle est loin d’être seule. En effet, selon l’étude, plus de 92,2 % des enseignants de maternelle et d’élémentaire déclarent dépenser de l’argent de leur poche pour que leurs élèves bénéficient de ressources pédagogiques numériques et que la classe dispose de fournitures complémentaires. « Des sifflets pour le sport, des clochettes, des feuilles, de la peinture, des jeux pédagogiques », énumère Laetitia, maîtresse de CM1 dans une école de Toulouse, depuis cinq ans. « Ce sont des petites dépensent cumulés qui finissent par être un vrai budget. Il y a trois ans, j’ai dû dépenser près de 600 euros, sans m’en rendre compte », ajoute Anne-Marie.
Perdre son argent pour faire économiser l’école
« La dépense moyenne annuelle d’un enseignant du premier degré sur ses deniers personnels, au bénéfice de ses élèves, est de 297 euros », annonce Tralalere dans son étude. 17 % des enseignants déclarent qu’elle peut atteindre 500 euros ou plus annuellement. Trois personnes interrogées annoncent plus de 2.000 euros par an. « Ces dépenses couvrent les ressources pédagogiques et les fournitures, et parfois même du mobilier », indique l’étude.
« Au début de ma carrière, j’achetais beaucoup de matériel et je faisais même toutes les photocopies chez moi. Maintenant, nous avons un budget par classe et je fais désormais attention à me faire rembourser lorsque j’achète quelque chose mais tout ne l’est pas », explique Laetitia. En effet, les enseignants peuvent acheter via des marchés publics ouverts avec facture, mais « de nombreux profs chinent sur les vide-greniers ou brocantes pour faire des économies, et ça, c’est pour leur pomme », avance Jean-François Gerrero, professeur des écoles et représentant syndical à l’Unsa Education dans la région de Béziers.
« Nous avons trop normalisé de dépenser notre argent »
Seuls « 1,4 % des répondants déclarent que le budget qui leur est alloué via la dotation de leur école leur permet de couvrir l’ensemble des besoins pédagogiques de leur classe », souligne l’étude. Mais pour les autres, pas le choix. « On dépend des municipalités qui n’ont pas forcément un budget suffisant pour une classe. En tant qu’enseignant, nous sommes attachés à avoir une classe bien fournie et on doit y mettre de notre poche », poursuit le syndicaliste.
« Si on veut faire bien cours, comment faire autrement ? Pourquoi des petits devraient pâtir de l’état de l’Education nationale ? Je ne peux priver mes élèves d’une bonne éducation. Pour certains, l’école, c’est le seul moment où ils sont heureux, ils peuvent apprendre et se détendre. Si je dois pomper sur mes économies, je le ferai », jure Anne-Marie qui voit son école de dégrader depuis dix ans. « Le jour où plus aucun enseignant ne mettra d’argent dedans, ce sera la fin de l’école public. Nous avons trop normalisé de dépenser notre argent, il faut en parler, il faut que ça change », martèle Jean-François Gerrero.
Exemption de la TVA ? Crédit d’impôt ?
Mais quelles solutions ? « Les enseignants évaluent leurs besoins budgétaires supplémentaires, au-delà de leur dotation actuelle, à 33,2 euros par élève environ soit environ 15 euros pour les ressources pédagogiques numériques et un peu plus de 18 euros pour les fournitures. Ils souhaiteraient à 84 % une dotation par l’État pour ce budget complémentaire, avec gestion directe (80,4 %) et libre (90,7 %) de ce budget par les enseignants au bénéfice de leurs élèves. 72 % accepteraient d’avancer eux-mêmes les coûts et d’être remboursés sur facture pour être autonomes, et 76 % de ceux-ci préféreraient des remboursements gérés localement », détaille l’étude.
« 89,6 % des enseignants, continue l’étude Tralalere, souhaiteraient également que les dépenses sur fonds personnels qui pourraient continuer à être faites soient a minima exemptées de TVA et reconnues comme des dons donnant droit à un crédit d’impôt. » Des pistes vaines pour l’heure sans réforme de l’Education nationale et des écoles maternelles et élémentaires.