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Education à la sexualité à l’école : Voici ce que contient la dernière version du programme sur les notions « sensibles »

La toute dernière version du programme d’éducation à la vie affective et à la sexualité est sortie mercredi soir, et c’est à peu de chose près celle qui devrait voir le jour à la rentrée 2025 et qui sera votée le 29 janvier au cours du prochain Conseil supérieur de l’Education. Peu de différences avec le projet de programme présenté en 2024, mais tout de même un toilettage des notions les plus sensibles, comme celle « d’identité de genre », selon la version consultée par 20 Minutes.

Alors que le terme « d’identité de genre » était apparu plus d’une quinzaine de fois dans certaines versions du texte, faisant polémique, il ne figure plus que sept fois dans la dernière version du programme. « La notion d’identité de genre est dans le Code pénal. C’est au lycée qu’on l’apprend et on aborde les questions de sexualité dans le second degré », a défendu ce matin sur les ondes de France Inter la ministre de l’Education, Élisabeth Borne. Exit aussi les mots « hétérosexualité, homosexualité, bisexualité, asexualité » qui explicitaient l’« orientation sexuelle ». Le texte mentionne par ailleurs que l’éducation à la sexualité sera mise en œuvre sans pour autant « se substituer au rôle des parents et des familles des élèves », une crainte exprimée notamment par l’enseignement catholique.

En maternelle, savoir nommer les parties du corps

En maternelle, et avant 4 ans, les objectifs sont de « connaître son corps », de « comprendre ce qu’est l’intimité », d’ « apprendre à exprimer son accord ou son refus, apprendre à envisager et à respecter un refus », ou encore d’ « appréhender et comprendre l’égalité entre les filles et les garçons et la liberté d’être soi-même ». A partir de 4 ans ou « dès que les apprentissages précédents ont pu être observés », l’enfant peut commencer à nommer des émotions ou encore apprendre à « identifier une personne de confiance », à qui il pourra s’adresser en cas de violences subies par exemple. La rédaction a été revue en supprimant l’identification des « parties intimes », au profit de la phrase plus générale « nommer les différentes parties du corps ».

Voilà un exemple de rédaction qui pouvait laisser prise, selon certains et certaines, aux récupérations politiques et autres attaques. « Sur le fond on était tous plus ou moins d’accord, tous les membres du conseil supérieur de l’Education étaient assez unanimes sur la nécessité de ce texte. Le précédent programme était un peu trop indigent. Nous avions un problème dans la rédaction de ce programme qui pouvait donner lieu à de l’exploitation politique. Il y a eu des pures fake news, notamment dans le JDD, un tissu de mensonges, c’était honteux d’avoir autant de choses fausses », tonne Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep).

Du CP au CM2 : Repérer les discriminations et changements du corps

A partir du cours élémentaire, et à mesure que l’enfant grandit, il peut apprendre à « promouvoir des relations égalitaires » ou « repérer des discriminations issues de stéréotypes » (en CE1) et découvrir ce qu’est la puberté. Le programme prescrit de « connaître les changements [du] corps » à partir du CM1 et de « prévenir les risques liés à l’usage du numérique et d’Internet » dès le CM2.

L’ancienne version faisait apparaître les questions de sexualité dès le CM1-CM2. Ce n’est plus le cas. Un peu trop tard pour Guislaine David, cosecrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU. « Nous sommes questionnés par les enfants là-dessus dès le CM2. Les enseignants vont y être confrontés », estime-t-elle. Rappelons que près d’un garçon âgé de 10 ans sur cinq a accès à la pornographie tous les mois, pour une trentaine de minutes en moyenne, selon une étude de l’Arcom. L’âge moyen de la première exposition à la pornographie est estimé entre 8 et 10 ans.

Du collège au lycée : Se protéger et respecter les autres

A partir du collège, les questions de sexualité sont plus frontalement abordées. Les profs doivent aider les élèves à « développer une compréhension critique et respectueuse des relations interpersonnelles et des enjeux associés à la sexualité » (en 4e) ainsi qu’à « construire une relation réciproque et égalitaire » (3e). La notion de « plaisir » mentionnée dans une précédente version du programme (« Aborder la sexualité comme une réalité complexe mêlant plaisir, amour, reproduction ») a été supprimée au profit d’une formulation mettant davantage l’accent sur la responsabilité (subsiste seulement « Aborder la sexualité comme une réalité complexe »). C’est également le cas dans le préambule, qui définissait initialement la sexualité comme associée aux « plaisirs » et « désirs » et formulait l’objectif d’une « vie épanouissante », qui ne semble plus d’actualité.

Enfin les lycéens apprennent à « se protéger et protéger les autres » à l’ère des réseaux sociaux (en Seconde) ou encore à « donner ou refuser son consentement » (en Première). La Première doit permettre d’aborder « les conduites, tentations, plaisirs et risques » à travers par exemple l’étude d’œuvres) tandis que la Terminale « rassemble les acquis permettant à l’élève d’appréhender la sexualité en jeune adulte responsable ».

Un contenu qui fait consensus, les détails pratiques moins

« Il n’y a rien de problématique dans ce programme, il faut qu’on se le dise. Ce qui ne nous va pas c’est qu’on n’a toujours pas de cadrage correct sur qui l’enseigne, sur quels temps et avec quelle enveloppe budgétaire », commente Jean-Rémi Girard, du Snalc, le Syndicat national des lycées, collèges, écoles, supérieur. Si le contenu du programme fait consensus auprès de toutes les organisations qui composent le CSP – hormis peut-être les organisations catholiques – les modalités d’application vont en revanche être beaucoup plus discutées.

Parmi les copilotes de ce programme, Franck Burbage estime qu’il n’y a pas besoin de former tous les professeurs et professeuses. « Il y a sur tous les sujets cette idée qu’on n’est pas assez formé. Mais c’est quoi un instituteur ? Un instituteur a une formation qualifiée, c’est quelqu’un qui sait des sciences, des lettres, des arts et qui a une sensibilité au jeune âge. Je ne partage pas l’idée que les profs seraient insuffisamment formés. On ne va pas créer un Capes d’éducation à la sexualité. Ce qu’il faut, c’est une construction collective », faisait valoir l’inspecteur général de philosophie dans un entretien qu’il nous avait accordé en octobre.

Pas sûr que tous les profs lui emboîteront le pas… « Il faut pouvoir avoir des formations, sinon on peut être remis en cause par tous ceux qui s’opposent comme la sphère des « parents vigilants » [réseau de parents d’élèves créé par Éric Zemmour et directement piloté par des membres de Reconquête], craint Guislaine David, qui demande « des moyens ».