France

Du supermarché à l’avion, les Américains portent-ils un pyjama ?

Sean Duffy, l’équivalent américain du ministre des Transports, a demandé à ses compatriotes d’aller se rhabiller avant la fête de Thanksgiving. Michael, Américain en France depuis un an, constate que « c’est plus accepté en Amérique du Nord, c’est pareil au Canada ».


Halte aux pyjamas ! Dans notre beau pays de la mode, on aime se moquer du style des Américains. Et nous ne sommes pas les seuls. Cette semaine, à l’approche de la fête de Thanksgiving, Sean Duffy, le ministre américain des Transports, a même exhorté ses concitoyens à se rhabiller. « Même si c’est un jean et un tee-shirt décent, j’encourage les gens à peut-être s’habiller un peu mieux, ce qui nous incite tous à nous comporter un peu mieux », a-t-il déclaré. « Essayons de ne pas venir à l’aéroport en portant des pantoufles et un pyjama. »

Alors, les Américains n’ont-ils vraiment aucun sens de la décence vestimentaire ? « On n’imagine même pas ! Combien de fois, je suis allé au supermarché et j’ai croisé plein de gens habillés en tongs et pyjamas ? » s’exclame Laurent, un Français installé dans le Nevada. En général, il remarque cela chez les adolescents et les femmes. Que ce soit pour faire des courses, chercher un café à emporter ou sortir les chiens, toutes les sorties express sont un bon prétexte. Les longues voyages en transport ou les fêtes ne font pas exception. « Le grand classique, c’est aussi la photo de famille pour les fêtes, reprend Laurent. Ils sont tous en pyjama et tu les croises dans les parcs avec un photographe. »

Thanksgiving, c’est 48 heures en pyjama. « Je ne dirais pas qu’on met un pyjama partout, mais c’est plus acceptable socialement de porter des vêtements de sport ou décontractés en public », nuancerait Michael, un Américain vivant en France depuis un an. « Je vois souvent ça sur mon campus, surtout des bas de pyjama ou des ensembles ‘loungewear’ [leggings, sweat-shirts larges], précise Caleb, un étudiant en Pennsylvanie. Pour aller en cours à 8 heures du matin, personne n’a envie de s’habiller vraiment. Et puis, je ne pense pas que beaucoup de personnes me jugent pour ça. » « Quand je donnais des cours de TD à la fac, ça m’a d’abord surprise, je pensais que c’était une forme de manque de respect que les étudiants se pointent comme ça à mon cours, complète Anne, résidant aux États-Unis depuis dix-huit ans. Mais en fait, c’est juste une question de confort et de pratique. A l’école, c’est même une récompense : si les enfants ont été sages, ils gagnent une journée de pyjama avant les vacances. »

On ne sort pas non plus son pyjama à n’importe quelle occasion. « A New York ou Los Angeles, je n’en ai pas vu tant que ça, tempère Louis, qui revient de quinze ans passés aux États-Unis. Mais, Thanksgiving, c’est aussi le moment où les gens restent en pyjama pendant quarante-huit heures. » « C’est un peu marqué socialement : je dirais que c’est souvent des étudiants, des mamans seules occupées, ou des personnes plus précaires qui le font, estime Michael. Ça dépend aussi du lieu, on le voit moins à New York qu’à la campagne dans le Sud. » Laurent, lui, juge que cette tendance concerne davantage « les femmes et les ados ». Certaines personnes ont des pyjamas spécialement pour sortir, qui sont en fait juste des vêtements très confortables mais pas forcément très esthétiques. « De manière générale, les gens se moquent du regard des autres, résume Anne. En France et à Paris, la société nous définit beaucoup par rapport à ce que l’on porte, je trouve. »

Le port du pyjama ou des vêtements très décontractés fait souvent l’objet d’articles ou de posts de blogs. Toutefois, il n’existe aucun sondage ni étude universitaire sur la question. Cette réputation pourrait simplement découler d’une différence culturelle. Ou peut-être d’un petit attachement français pour la mode ? « Je pense que c’est plus accepté en Amérique du Nord, c’est pareil au Canada. En France, ce n’est pas aussi acceptable de sortir de chez soi en pyjama », constate Michael après dix-huit mois en France. « Les Américains ne sont pas d’une grande élégance. Pour les Européens, l’apparence a encore un peu d’importance et on voit des gens bien habillés même en dehors du milieu professionnel. » On est loin de l’adage « il faut souffrir pour être beau. »