Droit du sol, droit du sang… Tout comprendre aux conditions pour obtenir la nationalité française
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C’est une tradition qui date du Moyen Âge. Réhabilité au XIXe, le droit du sol pour obtenir la nationalité française est aujourd’hui dans le viseur de l’extrême droite, de la droite et du gouvernement. Un combat au nom de la lutte contre l’immigration, selon cette large partie de l’échiquier politique, après le vote de l’Assemblée en faveur d’une restriction du droit du sol à Mayotte.
Ce droit a néanmoins connu de nombreuses fluctuations au cours de son histoire et aujourd’hui, la nationalité française repose en réalité sur une combinaison du droit du sang et du droit du sol. Explications.
Le « jus soli » au Moyen Âge
Au Moyen Âge, l’individu appartient au propriétaire de sa terre de naissance : c’est l’application du « jus soli » (droit du sol). En 1515, le droit du sol est introduit en matière d’héritage : tout résident né en France peut hériter, même de parents étrangers. Seul le roi peut délivrer des « lettres de naturalité » pour transformer les « aubains » (étrangers vivant sur le territoire) en « régnicoles » (sujets).
Avec la Révolution de 1789, les sujets du roi deviennent des citoyens avec des droits et des devoirs. « Pour la première fois, le Français est défini », explique Patrick Weil dans son enquête de référence sur l’histoire de la nationalité française (2002). « A cette date le mot même de nationalité n’existe pas ». On parle de « qualité de Français ».
Celle-ci, de 1790 à 1794, est accordée aux étrangers résidant en France ayant prêté serment. Elle est en revanche retirée aux enfants des émigrés ayant fui la Révolution.
Le droit du sang inscrit dans le Code civil
A partir de 1803, le Code civil impose la notion moderne de « nationalité française », désormais transmise par le père et indépendante de la résidence. La France consacre le droit du sang comme premier critère d’attribution de la nationalité.
« Elle se transmet comme le nom de famille par la filiation. Elle est attribuée à la naissance ; elle ne se perd plus si l’on transfère son domicile à l’étranger », précise Patrick Weil. Le Code civil conserve toutefois un élément du droit du sol : tout étranger né en France peut, à sa demande, acquérir la nationalité à 21 ans.
Retour du droit du sol pour renflouer l’armée
Dès la moitié du XIXe siècle, les conditions d’acquisition de la nationalité s’assouplissent pour augmenter la population. En 1889, au nom de l’universalisme, le droit du sol est consacré. Un enfant né en France, même de parents étrangers, devient automatiquement Français à sa majorité. Espérant ainsi renflouer son armée, la France intègre les enfants d’immigrés venus nombreux d’Algérie, d’Espagne et d’Italie.
Après la Première Guerre mondiale, la France a besoin de main-d’œuvre étrangère : en 1927, la loi étend le droit du sol aux étrangers y résidant depuis au moins trois ans et la nationalité aux enfants nés d’une Française et d’un étranger.
Tentative d’abrogation par Vichy
Reprochant à cette loi « d’avoir fait des Français trop facilement », Vichy annule 15.000 naturalisations dont celles de 6.000 juifs, selon l’historien Robert Paxton. Le régime collaborationniste veut abroger le droit du sol, en vain.
Le général de Gaulle annule la plupart des lois de Vichy et promulgue en 1945 le code de la nationalité française. En 1973, on l’accorde dès la naissance, aux enfants nés en France de parents venus des anciennes colonies.
Cinquante ans de débats
Dans les années 1970-1980, avec le choc pétrolier, le chômage et l’émergence du Front National, l’immigration devient un sujet brûlant qui se cristallise sur l’automaticité du droit du sol. En 1993, la loi dite Pasqua introduit la « manifestation de volonté » : les enfants nés de parents étrangers doivent réclamer la nationalité française entre 16 et 21 ans. Une disposition supprimée dès 1998 : l’automaticité est rétablie mais à 18 ans.
Notre dossier sur le droit du sol
A partir de 2003, l’adhésion aux valeurs républicaines et la connaissance suffisante du français deviennent des critères de plus en plus exigeants. En 2024, une loi sur l’immigration impose aux enfants nés de parents étrangers de demander la nationalité entre 16 et 18 ans. Le Conseil constitutionnel censure cet article.