France

Drapeau européen en mairie : Derrière le texte de la majorité, « un piège » tendu à la Nupes ?

Le drapeau de la discorde. L’Assemblée nationale examine à partir de ce mardi soir une proposition de loi du groupe Renaissance visant à rendre obligatoires le drapeau européen (et français) sur la façade des mairies. A l’occasion de la « Journée de l’Europe », cette agitation du drapeau bleu étoilé est symbolique mais également… très stratégique. Les macronistes souhaitent tendre un piège aux élus de la Nupes, alors que les tractations à gauche pour les élections européennes, prévues l’année prochaine, s’annoncent déjà bien compliquées.

Que proposent les macronistes ?

Si le drapeau tricolore et celui de l’Union européenne sont souvent présents sur les façades des municipalités, la pratique n’est pourtant pas obligatoire, comme elle l’est dans les écoles, collèges et lycées publics et privés sous contrat. Ce texte, à « la portée éminemment symbolique » vise donc à « conforter un usage républicain » et à « consacrer une pratique qui est répandue », a expliqué son rapporteur, le macroniste Mathieu Lefèvre.

En ce jour anniversaire de la déclaration de Robert Schuman le 9 mai 1950 sur la mise en commun du charbon et de l’acier, considérée comme le texte fondateur de la construction européenne, les élus macronistes – fervents européens – souhaitaient ainsi marquer le coup. « Ce 9 mai, portons fièrement le drapeau européen aux côtés du drapeau français. C’est le symbole de la solidarité qui unit notre continent comme jamais dans l’histoire », a ainsi tweeté la Première ministre Elisabeth Borne.

Pourquoi cela provoque la zizanie au sein de la Nupes ?

Le sujet européen réveille souvent les tensions et les divisions au sein de la gauche. D’autant que l’eurodéputée de La France insoumise, Manon Aubry, s’est pris les pieds dans le drapeau, ce lundi, sur France Info. Interrogée sur la proposition de loi Renaissance, l’eurodéputée de La France insoumise a présenté le drapeau européen comme « une forfaiture démocratique », évoquant le référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Le texte avait été approuvé par le Parlement réuni en Congrès en 2008 malgré son rejet par les Français trois ans plus tôt.

La petite phrase n’a pas manqué de faire s’étrangler plusieurs alliés de la gauche, notamment chez les écologistes et les socialistes. « Ce drapeau est avant tout un symbole de paix sur le continent et un symbole de liberté et de démocratie pour certains pays, comme la Géorgie ou l’Ukraine… », siffle David Cormand, eurodéputé EELV. « Cette formule révèle un inconscient de LFI, où l’UE est systématiquement pensé comme une menace hostile dont il faudrait se débarrasser », peste auprès de 20 Minutes l’ancien patron des écolos. Symbole des divisions : LFI et le PCF devraient voter contre le texte, au contraire d’EELV et du PS.

Pourquoi ça arrive au pire moment pour la Nupes ?

La proposition de loi Renaissance n’a quasiment aucune chance d’être votée par les députés, d’autant que Les Républicains ont annoncé qu’ils s’opposeraient « très majoritairement » au texte. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs pour les marcheurs.  « Cette loi a aussi pour but, et nous l’assumons pleinement, de démontrer qu’il y a des velléités de Frexit caché à l’extrême droite et à l’extrême gauche », a estimé l’élu Renaissance Mathieu Lefèvre, ce mardi, en conférence de presse.

L’objectif est clair : réveiller les divisions de la gauche sur la question européenne pour faire capoter le projet déjà mal embarqué de liste commune à gauche pour le scrutin européen de 2024. « Cet exemple montre que, contrairement aux insoumis, nous avons une vision fédéraliste du projet européen. Cette différence de vision ne peut pas être portée ensemble lors d’une campagne européenne », ajoute David Cormand.

Manon Aubry a tenté d’éteindre l’incendie, assurant que les eurodéputés des différents partis de gauche votaient de manière « commune » sur « plus de 80 % » des textes au Parlement européen. L’insoumise a fustigé sur Twitter les « opérations de diversion grossières » de la majorité et appeler ses alliés à ne pas tomber dans le « piège » qui leur était tendu. Ce mardi à l’Assemblée, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé semblait, elle, plutôt satisfaite du coup réalisé. « Je suis toujours étonnée que des groupes politiques nous reprochent de faire de la politique ».