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« Douglas is Cancelled » sur Arte : Rires et tension face aux propos sexistes d’un journaliste star

Douglas Bellowes est une star de la télé. Il est aux commandes de l’émission « News at Six » au côté de Madeline Crow. De grands sourires en petites blagues, entre eux deux, l’alchimie crève l’écran. Jusqu’au soir où leur complicité commence à se fendiller après qu’un tweet est posté, reprochant à l’animateur d’avoir fait une blague misogyne à un mariage. « Pas misogyne, sexiste », se justifie-t-il en coulisses tout en assurant paradoxalement ne pas se souvenir exactement de ce qu’il a pu dire…

Le téléspectateur n’apprendra les propos ayant été réellement tenus que dans le quatrième et dernier épisode de la mini-série Douglas is Cancelled, mise en ligne sur le site d’Arte ce jeudi avant sa diffusion à l’antenne le 6 mars. Entre-temps, il aura assisté à la déflagration du quotidien du journaliste qui minimise d’abord l’impact de la polémique, puis prend conscience que son avenir professionnel est menacé.

Le scénario évite le « On ne peut plus rien dire »

Les deux premiers épisodes carburent à l’humour caustique. Les réflexes des « boomers » sont caricaturés autant que les réactions des « millenials » et de la génération Z. Propos discriminants, autocensure, postures militantes, « politiquement correct » et prise en compte des points de vue des minorités nourrissent les répliques dont certaines tournent au ping-pong oratoire assez jubilatoire.

Face à une Karen Gillian (Amy Pond dans « Doctor Who » et Nebula chez Marvel) tout en flegme et détermination, Hugh Bonneville (le Robert Crawley dans Downton Abbey) campe à merveille le sexagénaire dépassé par les événements. Il parvient un temps à susciter une forme d’empathie dans une intrigue qui ne s’appesantit pas sur le « on ne peut plus rien dire ».

Mais c’est dans les deux derniers épisodes que les véritables enjeux se révèlent. Le ton se fait alors bien moins léger et laisse la place à une tension s’intensifiant le temps de deux huis clos aux dialogues ciselés.

Une idée pensée au départ pour le théâtre

Douglas is Cancelled était d’ailleurs, au départ, une pièce de théâtre imaginée par Steven Moffat en 2017. L’Ecossais, qui a relancé « Doctor Who » au début des années 2000 et cartonné ensuite avec sa série « Sherlock », pensait qu’il n’aurait qu’à claquer des doigts pour concrétiser son projet. Cela n’a pas été le cas. Il a donc tenté de transformer son idée en long métrage. « Mais je craignais qu’un tel film ne sorte jamais parce que c’est ce qui arrive à la plupart des films comme ça », a-t-il confié au site de la Royal Television Society (RTS). Il s’est donc tourné vers la télévision, en développant son concept en quatre épisodes.

Douglas is Cancelled, diffusée l’été dernier sur la chaîne britannique ITV2, résonne avec les préoccupations contemporaines de la culture du (bad) buzz et de la prise en compte des sujets liés à la justice sociale et aux discriminations.

Inspiré d’une personne ayant réellement existé

Cependant, quand Moffat a commencé à travailler sur ce projet, le mouvement #metoo n’était que sur le point d’apparaître, et le fait d’être « cancel », c’est-à-dire « annulé » ou mis au rebut du paysage médiatique, n’était pas encore vraiment entré dans le langage courant.

L’inspiration lui est venue d’une personne, dont il refuse de révéler le nom, « qui a été surprise en train de mal se comporter et pensait s’en sortir en donnant une interview. Donc elle a dû répéter cet entretien avec une collègue plus jeune. Cela me fascinait d’imaginer comment cette idée aurait bien pu fonctionner », a-t-il raconté au site de la RTS. Dans Douglas is Cancelled, cela marche en tout cas très bien.

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Si le dénouement ouvre la porte à plusieurs interprétations, les quatre épisodes démontrent que les mots sont des armes redoutables qui permettent de se défendre mais peuvent aussi blesser durablement et faire du mal y compris à celui qui les prononce.