« Donner du neuf, c’est valorisant », 3.300 doudounes créées par Monoprix pour les besoins des SDF distribuées à Paris
« On fait les essayages ? Vous êtes vraiment une star ! », s’enthousiasme Sixtine, infirmière du Samusocial de Paris. Dans une ruelle déserte à proximité de Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris, Sixtine et son collègue Clément font essayer des jeans à Bacher*, un sans-abri pakistanais âgé d’une quarantaine d’années. « Vous avez du 42 ou du 44 ? », hasarde-t-il. Au lendemain d’une nuit pluvieuse, ses vêtements mouillés lui tiennent froid. Les deux infirmiers lui fournissent de quoi se réchauffer. Puis, ils lui tendent une grosse doudoune matelassée noire « conçue pour tenir super chaud », affirme Sixtine. Un don de la Fondation Monoprix qui, à l’approche de l’hiver, a conçu des vêtements adaptés aux besoins des sans-abri.
Près de 3.300 doudounes données par la fondation seront distribuées par plusieurs associations dans les semaines à venir. « L’idée est que la distribution coïncide avec les besoins, affirme Isabelle Boudard, responsable de la communication de la Fondation Monoprix. Selon les retours qu’on a pu avoir, il y aurait à peu 3.000 sans-abri dans la capitale. »
Ce mardi matin, avant d’entamer leur maraude, Sixtine et Clément commencent par se rendre au siège du Samusocial, à Ivry (Val-de-Marne). Ils récupèrent cinq doudounes conçues par Monoprix. Puis, direction la mairie du 12e arrondissement, où commence la maraude. Les deux infirmiers rencontrent Sergueï, un homme de la cinquantaine, à qui ils fournissent un fauteuil roulant. L’homme n’accepte pas la doudoune. « Il vaut mieux la donner à quelqu’un d’autre, une autre association m’en a déjà donné une comme ça », traduit une interprète bulgarophone au téléphone.

Le vêtement ira finalement à Bacher. Sixtine lui tend la grosse doudoune noire, et ce dernier se réjouit. Il pointe du doigt son manteau « trempé et froid ». « Ces vêtements servent évidemment à répondre à un besoin pragmatique des sans-abri, celui de se réchauffer, explique Isabelle Boudard. Mais la distribution permet aussi de recréer du lien social. D’autant que donner du neuf, c’est valorisant. »
Des poches intérieures pour éviter les vols
« Depuis combien de temps ne l’avez-vous pas vu ? », questionne l’infirmier. Bacher retourne ses affaires, soulève ses couvertures, et les bâches en plastique qui le protègent de la pluie. Mais impossible de mettre la main sur son pilulier. Une semaine plus tôt, Clément le lui avait donné pour qu’il puisse suivre correctement son traitement. L’homme soulève une à une ses couches de vêtements et finit par sortir une boîte bleue de sous son pull. « Ah voilà ! », lâche-t-il. « Souvent, ils se font voler leurs médicaments par d’autres personnes qui cherchent de la méthadone [un médicament utilisé pour soulager la dépendance aux opioïdes] », explique l’infirmier.
Bacher campe à proximité d’un restaurant pakistanais, où il cache sa carte de séjour pour ne pas se la faire voler. « On a pris en compte les retours des agents de terrain pour adapter nos doudounes aux besoins des sans-abri, détaille la responsable communication de la Fondation Monoprix. Elles comportent des poches intérieures pour qu’ils puissent y ranger les affaires qu’ils ont peur de se faire voler. » Les doudounes ont aussi été allongées, pour éviter qu’elles ne remontent quand la personne est assise, la capuche est plus couvrante, et la taille n’est pas cintrée pour plus de confort. Une solution temporaire pour les associations qui espèrent pouvoir sortir les sans-abri de la rue.
*Le prénom a été modifié