Donald Trump : « Du shit coin », « une caricature »… Pourquoi il faut se méfier de la cryptomonnaie du président américain
Un dernier coup de folie avant son investiture. Dans la nuit de vendredi à samedi, Donald Trump, qui a pris une seconde fois les rênes des Etats-Unis ce lundi 20 janvier, a lancé 200 millions de jetons d’une cryptomonnaie à son effigie : le « $Trump ». Le token a connu une flambée immédiate et s’est envolé en quelques heures à 35 milliards. Inspirée par le succès, son épouse Melania Trump a elle aussi lancé son propre « meme coin », petit nom donné aux cryptos qui prennent l’avatar d’une figure connue. Bienvenue donc au « $Melania ».
Mais la success-story semble tourner court. Après avoir atteint l’Everest en quelques heures, le « $Trump » a connu une chute vertigineuse de 40 % en une demi-heure dans la nuit de lundi. La valeur était à 72 euros dimanche à midi, elle pointait lundi soir à 40.
La renommée de Donald Trump, accélérateur de frénésie
Une activité aussi frénétique qu’imprévisible qui n’a rien de surprenant, à en croire Claire Balva, vice-présidente de la néobanque Deblock et co-fondatrice de Blockchain Partner, cabinet de conseil sur la crypto. « C’est un phénomène classique d’emballement au départ puis de baisse soudaine, quand les premiers détenteurs commencent à vendre alors que c’est au plus haut. » Le phénomène est juste exacerbé « du fait que ce soit à l’effigie de Donald Trump, qui a une fanbase conséquente, capable d’acheter massivement ce jeton sans analyse de marché derrière. »
Or, dans le monde de la finance, plus la masse est nombreuse, plus les effets sont vifs : « Plus les gens en achètent, plus le cours flambe vite, plus ça flambe vite, plus les premiers acheteurs revendent, et plus ça s’effondre. »
Des « gadgets parodiques » loin de faire consensus
Les « meme coin » comme le $Trump ou le $Melania n’ont en soi rien de nouveau. Elon Musk, aka l’homme le plus riche du monde et le nouveau bras droit du président américain, a longuement fait la promotion du « Dogecoin » en 2024, célèbre cryptomonnaie à l’effigie d’un Shiba. En 2020, le club de football du Paris Saint-Germain avait également lancé sa propre crypto, avec une mise en service de 20 millions de jetons « $PSG », à 2 euros l’unité. « C’est dans l’air du temps pour les grosses fanbases d’avoir leur »meme coin ». Ce sont des outils un peu gadget pour revendiquer une appartenance, », poursuit Antoine Andreani, analyste senior des marchés financiers chez XTB.
Vous l’aurez compris aux commentaires de nos experts, les « meme coins » ne font pas l’unanimité, même dans la communauté des crypto-maniacs. « Ce sont des monnaies parfois vues comme des caricatures et qui ternissent l’image des cryptos dans leur ensemble », explique Claire Balva. « On ne peut jamais savoir ce que va donner le cours de ces »meme coins » sur le long terme. Leur valeur se base sur une émotion à un instant T, ce qui les rend extrêmement spéculatifs ».
« Plus du Casino que de la finance »
Pierre Noizat, fondateur de Paymium, plate-forme d’échange de cryptomonnaies, embraye : « Il n’y a pas de rareté dans une monnaie s’il n’y a pas d’énergie qui la crée », poursuit-il. Le célèbre Bitcoin, beaucoup plus stable, dépend ainsi du minage, à savoir le travail des utilisateurs qui aident à valider et sécuriser les transactions d’une blockchain. Si de l’euro supplémentaire circule, il provient de l’emprunt aux banques. Le « meme coin », lui, ne repose sur aucune énergie.
Les experts invitent donc fortement à la prudence sur ces monnaies : « Il ne faut pas y toucher, même si c’est lancé par l’homme le plus puissant du monde », avertit Pierre Noizat, pas avare d’un bon mot. « Je les surnomme les »shits coins ». Bien sûr, il est possible d’investir dedans, de faire un x10 et de revendre pile au bon moment, mais ça ressemble plus à du casino à ce niveau-là qu’à de la finance. »
Le précédent « Hawk Tuah Girl »
En 2024, l’influenceuse Haliey Welch, connue sous le pseudonyme Hawk Tuah Girl et aux quelque 2,6 millions de followers sur Instagram, lançait sa propre crypto-monnaie « $HAWK ». La valeur du « meme coin » s’est envolée à 490 millions de dollars lors de lancement, mais a tout aussi rapidement chuté à 60 millions de dollars. En quelques heures, le « $HAWK » avait perdu 90 % de sa valeur. Au point que l’influenceuse et sa troupe sont accusées d’avoir fait du « pump-and-dump » (gonfler et vider). Comprendre : avoir artificiellement gonflé la valeur de leur monnaie avant de revendre leurs parts pour prendre le pactole, entraînant un crash.
L’argent numérique version Donald Trump n’en est pas encore là. Et le président américain ne risque de toute manière rien, étant protégé par l’immunité présidentielle. Le mot de la fin pour Antoine Andreani : « En économie se pose toujours une question : y a-t-il plus d’argent que d’idiots, ou plus d’idiots que d’argent ? Apparemment, nous sommes dans une époque avec beaucoup d’idiots. »