Dominique de Villepin, le « chouchou » surprise de la gauche… en attendant 2027

La vie politique est pleine de surprises. Et le retour au premier plan de Dominique de Villepin, porté par l’électorat de gauche, en est certainement une. L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac a fait une entrée tonitruante en tête du classement des personnalités politiques Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio cette semaine, en récoltant 53 % d’opinions favorables, juste devant Édouard Philippe.
Très présent dans les médias depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l’ancien diplomate condamne régulièrement la réponse militaire du gouvernement israélien. Ce qui lui vaut d’être porté aux nues par les responsables de La France insoumise. De quoi lui ouvrir une voie vers une candidature pour la présidentielle 2027 ?
« Villepin, c’est un patriote »
Invité par Fabien Roussel (PCF) à la fête de l’Humanité en septembre dernier, Dominique de Villepin y a longuement développé ses positions sur la guerre au Proche-Orient. L’ancien ministre des Affaires étrangères dénonçait alors « l’escalade meurtrière » en cours dans la bande de Gaza et « la vengeance sans limite et sans proportion » du gouvernement israélien. A plusieurs reprises, les paroles de l’homme de droite ont été chaleureusement applaudies par le public de gauche. Rien d’étonnant : ses positions sont régulièrement saluées par les responsables du NFP, particulièrement ceux de La France insoumise.
« Villepin, c’est un patriote qui veut la grandeur de la France. On partage un socle commun, d’une ligne indépendante – lui dirait une vision gaullienne. Il a bien compris qu’on ne peut pas dénoncer le piétinement du droit international par Poutine en Ukraine sans dénoncer dans le même temps le massacre génocidaire en cours à Gaza », souligne Arnaud Le Gall, député insoumis en première ligne sur le sujet. « Quand quelqu’un comme Villepin – qui a été la voix du « non » à la guerre en Irak – parle comme nous, ça nous rassure et nous renforce », ajoute le président insoumis de la Commission des Finances, Eric Coquerel.
Alors lorsque l’avocat d’affaires, à la tête d’une florissante société de conseil, est soupçonné d’entretenir des liens avec le Qatar ou l’Arabie saoudite, il trouve des soutiens du côté insoumis. Même chose lorsqu’il est accusé d’antisémitisme pour des déclarations liées au conflit. « On a des échanges cordiaux, on s’envoie parfois des mots de soutien quand on s’en prend trop dans la figure », confie Arnaud Le Gall. « Il est aussi victime du rouleau compresseur politico-médiatique qui tente de nous caricaturer », ajoute Eric Coquerel, qui dit avoir échangé des textos avec l’ancien ministre.
« On peut faire un bout de chemin ensemble »
L’été dernier, après la dissolution, Dominique de Villepin s’est attiré la sympathie des responsables de gauche en indiquant qu’Emmanuel Macron aurait dû appeler à Matignon « la force arrivée en tête au soir du scrutin » des législatives. Soit le Nouveau Front populaire. Il a également ravi les insoumis en estimant que la démission du chef de l’Etat devait être « posée », ou lorsqu’il s’est attaqué à la « surenchère » et « l’amateurisme » de Bruno Retailleau vis-à-vis de l’Algérie. Dans le baromètre de Cluster17 du mois de février, Villepin se hisse en deuxième position des personnalités politiques préférées des Français (35 %). Une ascension qu’il doit notamment aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, qui le placent en troisième position avec 58 % d’opinions positives, derrière le tribun et Marine Tondelier (EELV).
De là à imaginer un rapprochement à venir ? « Ce n’est pas un nouvel allié des insoumis, et je ne suis pas sûr qu’on ait le même point de vue sur la question sociale… Mais on peut faire un bout de chemin ensemble sur certaines urgences », dit Eric Coquerel, qui lui avait proposé en janvier 2024 de cosigner une tribune sur la situation à Gaza, finalement déclinée par l’intéressé.
Jean-Pierre Grand, sénateur LR et ami de longue date, balaie tout rapprochement. « Est-ce qu’il a une tête à parler comme les insoumis ? Ils essaient de trouver des convergences, mais ce n’est pas sérieux. Je pense qu’il s’en fout, il est bien au-dessus de ça », lâche ce fidèle. Si Dominique de Villepin évoque régulièrement « une prison à ciel ouvert » à Gaza, il n’a jamais qualifié de « génocide » les bombardements israéliens comme les insoumis. Il n’a pas eu non plus de mal à évoquer le caractère « terroriste » du Hamas.
Des ambitions pour 2027
« Ce n’est pas son gaullisme qui plaît à Mélenchon, c’est que Villepin apporte une forme de légitimité diplomatique à la position insoumise, pourtant bien plus trouble et ambiguë sur le Hamas, pour séduire une partie de l’électorat », analyse Julien Aubert, vice-président LR. « Quand vous êtes sorti du jeu politique comme Villepin, on vous trouve toutes les qualités, même à gauche. Regardez Chirac ! », s’amuse l’ex-député.
Et si Dominique de Villepin est loquace sur l’international, il l’est beaucoup moins sur les sujets économiques et sociaux. Lui le Premier ministre qui a mis des milliers d’étudiants dans les rues contre le Contrat première embauche (CPE) en 2006, qui a dirigé la privatisation des autoroutes ou déclenché « l’état d’urgence » contre les émeutes en 2005. « Cela montre que les insoumis sont plus perdus que jamais en faisant de Gaza l’alpha et l’oméga de leur ligne politique, tacle un député socialiste. On ne va pas faire de Villepin la nouvelle égérie de la gauche, ce serait quand même singulier vu son parcours ! »
Bien sûr, les opinions favorables sont loin d’être des intentions de vote. Mais en politique, les bons sondages font souvent les ambitions. Dominique de Villepin a d’ailleurs indiqué qu’il aimerait être « aux avant-postes » de l’élection présidentielle de 2027, dans un entretien à Mediapart en janvier. Il a également appelé ses soutiens à s’inscrire sur un site à son nom, officiellement pour recevoir sa newsletter. « Parler, c’est déjà jouer un rôle. Surtout quand on parle avec sagesse et expérience. Personne ne peut dire dès aujourd’hui qu’il sera un candidat crédible dans deux ans », évacue Jean-Pierre Grand. Mais en cas de candidature Villepin, on se doute bien que les insoumis se montreraient d’un coup moins enthousiastes. Il y a des surprises en politique, il y a aussi des lois d’airain.