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Diagonale des Fous : Ludovic Pommeret, 50 ans, passionne l’ultra-trail.

Ludovic Pommeret est devenu le 12 juillet le premier athlète français à remporter deux fois la Hardrock 100. Il court actuellement trois ultras en trois mois, dont la Hardrock, l’UTMB Mont-Blanc et la Diagonale des Fous.


« Jamais je n’aurais pensé lui proposer de courir trois ultras en trois mois. C’est anormal dans ma logique d’entraîneur. Mais après tout, Ludo est anormal, et c’est l’année ou jamais. » Philippe Propage, ancien coach de l’équipe de France de trail, admet avoir été perturbé ces derniers mois. Son protégé, Ludovic Pommeret, est devenu le 12 juillet le premier athlète français à remporter deux fois la célèbre Hardrock 100 dans le Colorado (161 km et 10 000 m de dénivelé positif).

Cela avant de célébrer, dix jours plus tard, ses 50 ans ! Ce niveau de performance à un tel âge est sans précédent depuis l’essor de l’ultra-trail il y a quinze ans. Après avoir battu le record de Kilian Jornet sur la Hardrock 2024 (21h33 contre 21h36), Ludovic Pommeret a cette fois distancé de plus d’1h20 des coureurs comme Mathieu Blanchard, Germain Grangier et Zach Miller.

### « Les gains marginaux ? Il ne fait gaffe à rien »

Cela le pousse dans son défi incroyable : courir trois des quatre « 100 miles » les plus prestigieux au monde : la Hardrock, l’UTMB Mont-Blanc (où il se classe 6e en 20h40) fin août, et finalement la Diagonale des Fous (175 km et 10 500 m de D+) qui commence ce jeudi à La Réunion. « Cet enchaînement n’était pas prévu, confirme le Savoyard. Je devais courir l’UTMB avec ma femme Céline, avec pour objectifs sportifs « seulement » la Hardrock et la Diag. Puis Céline s’est blessée. Comme j’avais le dossard et que nous approchions de mon 50e anniversaire, pourquoi pas tenter les trois ? »

Dans l’histoire, seule l’Américaine Courtney Dauwalter (gagnante de la Western States, de la Hardrock, et de l’UTMB en 2023) avait réussi un tel exploit à 38 ans. Son ami Arthur Joyeux-Bouillon, également engagé sur la Diag, est bluffé par cette performance. Ludovic Pommeret se distingue par son âge et son approche décontractée.

Arthur Joyeux-Bouillon déclare : « Ludo est une énigme pour moi, il est vraiment à part. On parle sans cesse de gains marginaux dans le trail élite, et lui ne fait gaffe à rien. En préparation, il peut faire des volumes énormes de ski alpinisme ou bien sauter des semaines d’entraînement. Il ne se prend jamais la tête. On ne me croit pas quand je raconte ses histoires. »

### Une cinquantaine de places grattées sur l’UTMB 2016

Lui-même ne nie pas ce constat : « Arthur exagère un peu, mais je ne me prive de rien, que ce soit raclettes, tartiflettes ou pizzas. Je suis aussi dans l’excès côté charcuterie et bonbons, c’est sûr. Mais je me dépense quand même beaucoup. » Ce n’est pas la seule particularité de cet ancien ingénieur en Suisse, qui avait refusé en 2009 de collaborer avec Philippe Propage.

« Ludo ne s’entraînait pas à l’époque, il se contentait de courir, explique l’entraîneur. Je lui avais écrit pour lui dire qu’il n’exploitait pas son potentiel. Il m’avait répondu qu’il n’en ressentait pas le besoin, avant de revenir vers moi en 2015. » Sélectionné en équipe de France de trail cette année-là, il accepte enfin de se « structurer un peu » et réalise son premier exploit sur l’UTMB 2016, malgré un début difficile.

« Il vomissait de partout, il est passé de la 2e à la 50e place après 7 heures de course, se rappelle Philippe Propage. J’avais demandé à sa femme de lui dire d’abandonner, car cela ne servait à rien, d’autant qu’il y avait juste après un Championnat du monde. Si j’avais été là, il m’aurait écouté et aurait abandonné. C’était impossible d’imaginer qu’il remonte dans le Top 10… » Défi relevé, Ludovic Pommeret s’impose à Chamonix en 22 heures, à la suite d’un retournement de situation spectaculaire.

### Il a déjà remporté la Diagonale des Fous en 2021

Cependant, cela a été suivi d’un « contrecoup », avec des abandons à la Diagonale des Fous 2017 et sur la TDS 2018. « Ce jour-là, j’ai abandonné sans être blessé, dit-il. Je n’avais plus la motivation. Je me suis demandé si je devais arrêter de courir. Je croyais qu’à 42-43 ans, c’était peut-être la fin logique de ma carrière. Et puis j’ai passé ce cap et depuis sept ans, je n’ai plus abandonné. »

Ludovic Pommeret a même remporté la Diagonale des Fous en 2021 (avec l’Italien Daniel Jung), puis le doublé sur la Hardrock 100. Existe-t-il un mérite dans la montée de ce quinquagénaire au sommet de l’ultra-trail, alors que la discipline n’a jamais été aussi compétitive ?

### « Il trouve toujours une ruine à retaper »

Arthur Joyeux-Bouillon considère : « Ludo a toujours pratiqué des sports de montagne. Même s’il manque de fibres rapides, il possède de solides atouts pour rivaliser avec les meilleurs sur les courses longues et mentales. Mais lui-même ne sait pas vraiment pourquoi il connaît un tel rebond. C’est l’exemple à suivre, il nous fait halluciner comme Benjamin Button. » Son entraîneur est également impressionné.

« Je n’ai jamais vu des athlètes comme Ludo. Avec lui, je suis obligé d’adapter mes entraînements. Cela me frustre, mais je me plie à ses désirs. Avant son enchaînement UTMB-Mondiaux en 2016, il était en train de carreler chez son beau-frère. Entre l’UTMB et cette Diag, il faisait la charpente pour une de ses filles. Il trouve toujours une ruine à retaper… Si je prévois une journée de repos, il en profite pour couper cinq stères de bois, c’est son équilibre de vie. »

### Une retraite professionnelle planifiée à 50 ans

Ludovic Pommeret sait que son hyperactivité ne correspond pas vraiment au trail de haut niveau : « C’est sûr qu’au niveau du repos, ça n’a pas été l’idéal depuis l’UTMB. J’ai perdu 2 kg en une semaine de chantier. Mais j’ai des choses à gérer, c’est comme ça. Si tu mises tout sur ta préparation, tu ne fais pas ce que tu dois. Mentalement, c’est compliqué. Si tu rates ton objectif, c’est double peine. »

Pour Ludovic Pommeret et son équipe, la victoire de vendredi soir à Saint-Denis serait considérée comme un aboutissement à son projet de vie, réalisé avec sa femme : une retraite professionnelle à 50 ans. Cela fait de lui sans doute un des rares athlètes au monde à devenir professionnel à un tel âge.

Ce Savoyard authentique a développé un goût pour les défis sportifs énormes vers 25 ans, après avoir échoué pendant longtemps sur des distances d’ultra-trail en « courant au feeling ». Coauteur de son livre A Contretemps, Franck Berteau nuance : « Bien qu’il soit très spontané, il est rigoureux et déterminé. Il a connu le trail d’avant et mène une vie très normale, tout en cherchant des moyens d’optimiser son potentiel. »

### « J’ai une petite appréhension »

D’autre part, Ludovic Pommeret assure ne pas se baser sur les données pour ses courses. « Mathieu Blanchard était surpris d’apprendre que je ne connaissais pas mes seuils, raconte-t-il. Je ne m’appuie pas sur ma montre ou mon cardio. Cela peut affecter le moral si tu réalises que tu es en retard sur tes objectifs, alors que cela dépend des conditions météorologiques et des sentiers. »

Il connaît bien ceux de La Réunion, mais il admet : « J’ai une petite appréhension. Je me demande si mon corps va supporter ces trois ultras consécutifs. » Mais cet enchaînement ne marquera pas la fin de sa carrière. « Je ne me fixe pas de limites tant que ça va et que j’ai envie de courir et de profiter des voyages », conclut-il.

Ludovic Pommeret vient d’être invité au premier Tahiti Moorea Ultra-Trail (80 km) fin décembre. Pour sa saison 2026, il envisage de découvrir le Marathon des Sables au Maroc (250 km en avril) et de viser le triplé sur la Hardrock, avant de faire une pause avec l’UTMB Mont-Blanc. De plus, il envisage de participer à cinq autres Top 10 d’UTMB à partir de 2027, qui sait ?