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Des vidéos du nettoyage de baleines recouvertes de parasites ? Pourquoi ces images générées par IA sont problématiques

Recouvertes de centaines de petits crustacés, les baleines sont grattées avec des spatules, des brosses, décapées avec au karcher, frottées par des bras robotiques, ou même nettoyées par des engins de chantiers circulant. Depuis plusieurs mois, ces vidéos virales, prétendant montrer le « nettoyage » ou le « sauvetage » de mammifères marins cartonnent sur les réseaux sociaux.

Les animaux représentés sont généralement des baleines, mais peuvent aussi être des orques, des manchots, voire des calamars géants. Visionnées des dizaines de millions de fois, certaines sont même publiées par des chaînes spécialement dédiées à ce type de vidéos. Ces publications véhiculent l’idée que ces parasites nuiraient à leur santé. « La baleine était infestée de balanes [crustacés marins], qui augmentaient sa résistance à l’eau. S’il y a trop de balanes sur la peau, cela peut rendre la baleine plus lente ou lui demander plus d’énergie pour nager », explique par exemple l’une d’entre elles.

FAKE OFF

Ces vidéos sont trompeuses, car ces images sont générées par intelligence artificielle, comme le trahissent plusieurs incohérences et imprécisions. Malgré leur aspect graphique réaliste, les actions qu’elles mettent en scène sont non seulement physiquement impossibles, mais mettraient surtout en danger la vie des animaux.

Ces publications s’inspirent néanmoins d’organismes qui existent bel et bien, notamment les balanes. « Ce sont des crustacés qui peuvent faire penser à des coquillages, qui ne se fixent que sur certaines espèces de baleines : la baleine à bosse, les baleines franches et la baleine grise », expose Morgane Perri, biologiste marine et spécialiste des mammifères marins. Les vidéos qui montrent des orques ou des manchots sont donc complètement irréalistes.

Mais surtout, ces crustacés ne représentent en vérité pas de risque particulier pour les mammifères. « C’est seulement une cohabitation, différente d’un parasite qui va infester l’hôte, s’en nourrir et l’affaiblir. Souvent ces animaux qui ont un stade de larve dans la mer, ont besoin de s’accrocher sur une surface lorsqu’ils deviennent adultes, détaille Léa David, spécialiste de l’écologie marine et des cétacés. Les balanes filtrent l’eau, ne se nourrissent pas de la baleine. »

« Les baleines ne nous ont pas attendues »

Lorsqu’une qu’une grande quantité de crustacés est accumulée sur le dos d’une baleine, c’est également plutôt la conséquence d’un problème que ce qui en est la cause. « Il est déjà arrivé qu’on trouve plus de 450 kg de balanes, mais on parle d’animaux qui font 20 à 30 tonnes, donc ça ne pénalise pas vraiment les baleines, précise Morgane Perri. Dans certains cas cela peut entraîner des difficultés à se mouvoir, mais ces animaux ont déjà un problème au niveau du système immunitaire ». Dans tous les cas, les deux expertes sont catégoriques : il n’existe pas de situations dans lesquels on en viendrait à retirer ainsi les balanes de la peau des baleines.

D’autant que de telles actions seraient plus néfastes qu’autre chose pour les baleines, dont la peau est très fragile. « Si on veut s’en approcher pour leur enlever une balane, on va plus les stresser et les perturber qu’autre chose. Les baleines ne nous ont pas attendues pour vivre bien avec leurs petits parasites », rappelle Léa David, qui souligne qu’une baleine placée sur la surface dure d’un bateau, comme on peut le voir dans certaines vidéos, mourrait écrasée sous son propre poids.

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Le problème bien réel de la pollution humaine

Ces vidéos véhiculent en fin de compte une conception trompeuse des situations qui peuvent nécessiter une intervention humaine, à savoir les (rares) cas où les animaux sont enchevêtrés dans des filets ou des déchets. Et Morgane Perri de plaider pour une approche plus réaliste des problèmes que rencontrent les cétacés. « Si on veut faire bouger les choses, il vaut mieux relayer les vidéos des massacres de globicéphales aux îles Féroé ou de capture de dauphins au Japon. Ce genre de vidéos détourne l’attention des gens des vrais problèmes que rencontrent ces animaux, comme la pollution chimique ou les macrodéchets. Il y a énormément de choses à faire en amont pour améliorer leur environnement et réduire notre pollution ».