France

Des réactions vives face aux « prières en classe » dans l’Enseignement catholique

Lors de la conférence de presse de l’Enseignement catholique le mardi 23 septembre, le secrétaire général Guillaume Prévost a réaffirmé son souhait que les enseignants puissent faire des prières en classe. Selon le ministère de l’Éducation nationale, « le temps de prière est considéré comme un enseignement religieux et ne peut pas empiéter sur le temps des cours prévus par le contrat avec l’État ».


« Les enseignants pourraient faire du yoga et pas une prière ? » Durante une conférence de presse sur l’enseignement catholique, mardi 23 septembre, Guillaume Prévost, le nouveau secrétaire général de l’Enseignement catholique, a affirmé son souhait que les enseignants qui le souhaitent puissent prier en classe.

« Je ne vois pas de différence fondamentale entre faire une prière ou être  »calme et serein comme la grenouille » [en référence aux pratiques de yoga à l’école, souvent inspirées du livre *Calme et attentif comme une grenouille* d’Eline Snel], a déclaré Guillaume Prévost. L’enseignement catholique n’est pas laïque, il représente un projet spécifique qui s’inscrit dans la tradition de l’Évangile et du regard du Christ sur chaque personne. » Il a également ajouté : « Si un ‘*Je vous salue Marie*’ est insupportable pour vous, c’est votre droit, mais alors il ne faut pas inscrire votre enfant dans un établissement catholique. »

Récidive

Ces déclarations ne sont pas une première pour lui. Le 12 septembre dernier, lors d’un entretien avec la chaîne KTO, il avait exprimé la nécessité de « redonner clairement à une enseignante le droit de faire une prière le matin avec ses élèves » et, lorsqu’on l’a interrogé sur la possibilité de tenir cette prière « dans la classe, sur ses heures de classe ? », il avait répondu « bien sûr ».

« Ce qui est au cœur du débat, c’est la liberté de conscience de l’enseignant, du chrétien, d’exprimer sa foi et ses convictions, ainsi que la liberté de conscience de l’enfant, qui ne doit pas être embrigadé, ce qui impose à l’enseignant qui souhaite dire un *Je vous salue Marie* avec ses élèves de détecter ceux qui peuvent être gênés, de parler aux parents et de prévoir quelque chose pour ceux que cela peut gêner », avait ajouté Guillaume Prévost.

Des temps dédiés distincts

Les propos de Prévost soulèvent des inquiétudes, notamment parce qu’ils laissent entendre que l’enseignement catholique cherche à imposer sa propre version des programmes d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Ils contreviennent également au code de l’Éducation, qui exige des établissements privés sous contrat qu’ils « respectent la liberté de conscience des élèves et des enseignants » et interdisent d’imposer des prières aux élèves. Selon le ministère de l’Éducation nationale, contacté par 20 Minutes, « le temps de prière est considéré comme un enseignement religieux et ne peut pas empiéter sur le temps des cours prévus par le contrat avec l’État. Les temps dédiés au « caractère propre » de l’établissement doivent être distincts des enseignements du programme public. Si ce n’est pas le cas, l’établissement doit compenser les heures de cours perdues. »

Pour un élève présent dans une classe où l’enseignant commencerait à prier, la situation pourrait sembler contraignante. « C’est une attaque frontale contre la liberté de conscience. C’est une remise en cause fondamentale de la loi Debré qui conditionne par ailleurs le financement public des établissements privés sous contrat », a réagi le député Paul Vannier le 22 septembre sur Twitter. Ce dernier est coauteur de deux rapports, l’un sur les violences dans les établissements scolaires et l’autre sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat.

« La liberté de conscience, c’est tout l’inverse »

Les syndicats de l’enseignement privé ont également reçu ces nouvelles avec inquiétude. « Dans une école privée sous contrat avec l’État, il n’est pas possible de faire un temps de prière pendant le temps de classe, car ces établissements sont financés par l’État. Les fonds publics ne peuvent pas servir à faire fonctionner le culte dans les établissements catholiques », a rappelé ce matin sur France Info Valérie Ginet, dirigeante de la Fep-CFDT, premier syndicat dans le secteur privé. « La prière, c’est possible, mais pas sur les heures de cours », a ajouté Véronique Cotrelle, responsable du Syndicat national de l’enseignement chrétien (Snec-CFTC), auprès de 20 Minutes. Son syndicat a publié un communiqué mercredi, rappelant que les enseignants des établissements privés sous contrat sont des « agents publics » soumis à l’obligation de neutralité.

L’Unsa-Education, un syndicat très attaché à la laïcité, a tiré la sonnette d’alarme. « C’est très dangereux comme propos, a déclaré sa secrétaire générale Elisabeth Allain Moreno. On est dans un pays laïc où l’État et l’Église sont séparés. On ne peut pas prier pendant les heures où est enseigné le programme. De tels propos instrumentalisent la liberté de conscience. La liberté de conscience, c’est tout l’inverse : c’est permettre à l’enfant de se forger une opinion éclairée sur le monde environnant pour choisir ses orientations sociales, religieuses ou politiques. Si le temps est mélangé au cours, ça ne peut pas être identifié pour les familles, ça ne laisse pas le choix. » La syndicaliste a demandé au ministère de « dénoncer ce type de propos ». Du côté de la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, le silence persiste.