Des particules dans le sperme, le sang… L’homme est-il en train de se transformer en plastique ?
Alors qu’un cinquième et dernier cycle de négociations sur un traité mondial contre la pollution plastique s’est ouvert ce lundi à Busan, en Corée du Sud, nous vous proposons de (re) lire cet article sur le sujet publié en juin dernier.
Des particules de plastique retrouvées dans le sang, dans les organes et même dans les testicules. A croire que l’humain est peu à peu en train de changer de matière. Certes, des excroissances en plastique ne vont pas (tout de suite ?) lui pousser sur le corps, mais plusieurs études publiées ces derniers mois posent question sur nos modes de consommation. L’eau en bouteille déborde de microplastiques, elle contient jusqu’à 100 fois plus de minuscules particules qu’estimé jusqu’ici, selon une étude publiée en janvier dans la revue des Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Les résultats donnent le tournis. Les scientifiques ont comptabilisé en moyenne 240.000 fragments de plastique détectables par litre d’eau, dont 90 % de nanoplastiques, le reste étant des microplastiques. Le type le plus communément retrouvé était le nylon -provenant probablement de filtres en plastique utilisés pour purifier l’eau-, suivi du polytéréphtalate d’éthylène (PET), dont les bouteilles sont faites. Les chercheurs comptent bien tester aussi l’eau du robinet qui pourrait en contenir en moindre quantité. En clair, à chaque bouteille d’eau engloutie, on ingère plus de 200.000 fragments de plastique.
« Une fois consommé, le plastique pénètre-t-il dans le corps ? Il y a quelques années, on avait des suspicions », explique Xavier Coumoul, toxicologue et directeur de l’équipe Inserm Métatox. Une étude publiée en mars 2022 dans la revue scientifique Environment International confirme cette hypothèse. Après avoir analysé le sang de 22 donneurs anonymes adultes en bonne santé, elle a retrouvé des microplastiques à des concentrations mesurables chez dix-sept d’entre eux, soit 77 % de l’échantillon.
Une dernière étude publiée au mois de mai dernier par Oxford University Press, révèle « la présence de microplastiques dans tous les testicules canins et humains [testés], avec une variabilité interindividuelle importante ». Si on en trouve dans le sang, dans les organes et dans les testicules, jusqu’où cela peut-il aller ?
Le corps n’arrive pas métaboliser le plastique, à la différence d’autres molécules comme certains pesticides. « Quand vous absorbez du glyphosate, il passe dans le sang et il est éliminé au niveau de vos urines, analyse le spécialiste de toxicologie. Vous êtes capable de le transformer dans le corps et de l’éliminer dans les urines assez facilement. Même si on parle de « microplastiques », ils peuvent être 50 à 100 fois plus gros qu’une molécule de glyphosate. L’échelle de taille joue beaucoup dans l’élimination. Une fois qu’il est entré dans le corps, il est plus difficile de le faire ressortir ».
Plus de 200.000 de microplastiques dans une bouteille
Il existe d’autres polluants que l’organisme n’arrive pas à métaboliser, comme les dioxines. Ce sont des polluants organiques persistants dans l’environnement. Ils sont produits involontairement lors d’un processus de combustion, souvent liés aux incinérateurs d’ancienne génération. Et ils s’accumulent dans la chaîne alimentaire. « Heureusement, il en existe de moins en moins. Si vous mesurez la concentration de dioxines dans le tissu adipeux, vous pouvez prédire l’âge de la personne sans vous tromper. Il y a une relation linéaire entre l’âge de la personne et la concentration de dioxine qu’elle a dans les tissus ».
Pour l’heure, impossible de savoir si le corps humain réussit ou non à transformer une partie du plastique qu’il ingère. Il n’y a pas assez de recherches sur le sujet. Mais si on ingurgite plus de 200.000 fragments de plastique à chaque bouteille, cela fait beaucoup de plastiques dans le corps.
« Selon une étude de corrélation, plus il y a de microplastiques, plus il existe un risque de développer une pathologie cardiovasculaire, insiste Xavier Coumoul. Mais ce ne sont pas des études de causalité, seulement de corrélation. On observe un phénomène A, on le trouve corrélé au phénomène B ». Autre risque envisagé pour la santé : une réaction inflammatoire. Lorsqu’on se coupe, des cellules immunitaires interviennent, la peau devient rouge au niveau de la plaie.
Des maladies inflammatoires en vue ?
« L’inflammation a un rôle dans la protection immédiate de la plaie et dans sa cicatrisation, mais si l’inflammation est chronique, elle devient délétère. Des molécules co-inflammatoires sont présentes dans un environnement alors qu’elles n’ont pas besoin d’y être », explique Xavier Coumoul.
Il y a de grandes chances qu’un microplastique dans un environnement cellulaire crée une réaction inflammatoire. « La majorité des cancers sont des pathologies inflammatoires, rappelle le scientifique. Si on pose l’hypothèse qu’on est contaminés par des microplastiques et que ces microplastiques déclenchent des réactions inflammatoires à bas bruit [sans symptômes], il existe un risque que ces inflammations soient un jour liées à l’augmentation de certaines pathologies inflammatoires, comme le cancer ».
Les études actuelles sonnent l’alerte sur les risques pour la santé et la fertilité. Pour l’heure, elles forment une histoire qui pose question. Encore faut-il prouver les conséquences réelles de ces particules de plastiques pour notre santé. En attendant, on peut toujours limiter notre exposition au plastique.